40
secondes, c'est tout et ce n'est rien.
C'est
tout, quand, en fin de 3e période, au hockey, on a absolument besoin
de ce but égalisateur.
Ce n'est
rien quand on est assis dans la voiture pour un trajet qui durera des heures.
Ce ne
sont pas les secondes qui sont différentes. C'est le contexte. Et la perception
liée au contexte.
Pour
reprendre l'analogie de la voiture, disons que je me rends de Sherbrooke à
Montréal. À la hauteur du Quartier 10/30, je vais ressentir une sorte de
fatigue qui ne fera prendre conscience de ce besoin de me délier les jambes.
Par contre, si je fais de Sherbrooke à Mont-Laurier, voilà qu'à la hauteur du
même Quartier 10/30, je me sentirai en bonne forme et prêt à faire un bon bout
de chemin.
Si
l'exemple est valable pour une longue période de temps, pourquoi ne l'est-il
pas pour 40 secondes?
Ma
fratrie
Je
trouve que le mot fratrie sonne et qu'il a la capacité de réunir des éléments
essentiels à ma vie : mon frère et mes sœurs. En début d'été, toute ma
fratrie s'est rendue à Trois-Rivières pour déguster, littéralement, le puissant
spectacle Harmonium symphonique.
Évidemment,
on ne va pas à Trois-Rivières sans fouler son centre-ville. Le 2e
plus vieux au Québec, qui plus est!
Les
artères principales étaient piétonnes. Les gens circulaient de façon
nonchalamment désorganisée, par opposition à nos balades au centre-ville de
Sherbrooke qui se font en ligne droite, alors qu'on passe d'un point A à un point B en respectant la
règle de la ligne droite qui est le plus court chemin entre deux destinations.
En
zigzaguant comme ça, le constat s'est fait dans nos têtes : pour redonner
la vie à un centre-ville, il faut que la vie s'exprime. Et pour que la vie
s'exprime, il faut que tout ne soit pas pensé en fonction de l'automobile et,
par extension, de l'automobiliste.
Rendre
des artères piétonnes n'est pas la seule manière de déjouer le règne
automobile : les traverses de piétons aux feux de signalisation y jouent
un rôle. J'ai été surpris de constater qu'on a 40 secondes pour traverser,
là-bas.
De
retour dans mon Sherbrooke natal, je me promène à pied le plus souvent possible
et je peux sentir toute l'extraordinaire importance que l'automobile a dans
notre vie : au coin King et Jacques Cartier, c'est 26 secondes qu'on a
pour traverser en ligne droite ou en diagonale.
26
secondes. Ce n'est pas long, vous l'essaierez. Et ne vous avisez pas de
vieillir prématurément, vous n'y arriverez pas.
Je sais,
je sais... C'est épouvantable de perdre des secondes de notre vie. Et ça
viendrait remettre en question l'essentielle fluidité des circuits automobiles.
Il faut savoir écouter les besoins des automobilistes qui sont maîtres des
lieux et qui sont, après tout, assez généreux pour laisser un peu d'espace à
d'autres espèces qu'eux!
Alors,
je sais, je sais... attendre 40 secondes à un coin de rue ferait perdre à
l'automobiliste un si précieux temps dans sa si précieuse vie, c'est
épouvantable!
Mais il
faudra y penser. C'est la qualité de vie collective de notre ville dont il est
question. On s'apercevra peut-être que ça viendra améliorer la qualité de vie
individuelle des citoyens aussi, qui sait?
En
attendant, je me dis ceci : 40 secondes, cibole, c'est quand même juste 40
secondes!
Clin
d'œil de la semaine
Les
fabricants de voitures nous vendent des bolides qui font du 0-100 km/h en moins
de 10 secondes. Et là, faudrait qu'on attende 4 fois ça pour laisser passer un
piéton? Isssshhhhh...