Quand je l'ai rencontré, il me reprochait de ne pas lui dire : je t'aime... C'est vrai, je ne fais rien comme les autres, au fond, moi, le chemin je l'ai fait à l'envers (je suis née à Anvers) et c'est peut-être navrant, mais du plus loin que je me souvienne, j'ai circulé à rebours du trafic.
Dans ma nouvelle relation, au lieu de me fondre en lui, j'avais besoin de prendre du recul, de savoir ce que j'aimais, de le découvrir, que ces paroles « JE T'AIME » aient du sens, de la profondeur. J'ai réalisé que pour moi comme pour certains, les mots avaient beaucoup d'importance tandis que pour d'autres c'étaient les gestes, ou encore le toucher, les moments passés ensemble qui tenaient lieu de manifestations affectives. J'ai pris beaucoup de temps avant d'arriver à dire mon affection avec un caractère senti. Il m'était nécessaire de savoir son parcours, de connaître ses mécanismes de survie, de comprendre ce qui l'avait façonné, l'emmenant là où il était parvenu. Ce n'est qu'à partir de ce point que j'ai pu commencer à développer mon estime, mon appréciation, oui, mon amour, et beaucoup d'attachement. J'aimais et j'accordais beaucoup d'importance à son émergence, à sa force de résilience. Même les choses qui me heurtaient dans ses mécanismes, j'en comprenais le pourquoi et face à la critique de ses pairs, je pouvais tellement bien le défendre dans ses processus de survie et de défense, ce qui ne m'empêchait pas de réagir. Par ailleurs, les relations de cette trempe, bâtie sur l'amour inconditionnel ne tenant pas à ce que l'autre fait ou donne est inhabituel, mal compris... Eh oui, peut-être un piège : celui d'aimer les potentialités de l'autre au-delà de sa capacité de les manifester. Quand j'ai commencé à dire, à penser, à sentir profondément « je t'aime », il était rendu ailleurs.
Pourtant, malgré la rupture, la douleur, les meurtrissures, malgré le vide de son absence, les souvenirs impérissables tout comme les abîmes de dissonances et de douleurs, mon amour pour lui demeure. Je sais que cet amour est éternel puisqu'il perçoit l'être derrière l'enfant blessé/blessant.
Quand vous dites à quelqu'un je t'aime, savez-vous ce que vous aimez? Je ne parle pas du fait qu'il soit beau, ait beaucoup d'argent, soit un bon amant... du fait qu'il vous apprécie... non, je parle de ses qualités d'âmes, de ce qui ne bouge pas, la flamme qu'il porte et qui cherche sans cesse à se manifester, peu importe les conjonctures et tangentes que prend la vie, pour nous mener là où elle le veut. Les raisons profondes de l'amour, de l'admiration de l'être en déploiement qui demeure malgré l'absence, passée la grande noirceur, malgré les inadéquations et les meurtrissures...
La prochaine fois que vous direz « Je t'aime », peu importe à qui il s'adresse, observez votre senti et tâchez d'en saisir la profondeur...
Que votre « Je t'aime » soit un « Je te vois! »
Namaste...