Vous êtes un franchiseur et l'un de vos franchisés n'obtempère pas aux
obligations écrites dans le contrat que vous lui avez consenti, que pouvez-vous
faire?
Récemment, dans l'affaire Entretien Ménager Starlight inc. vs 9403-6498
Québec inc. et al (2020 QCCS 2023) dont le jugement a été rendu le 21 octobre
2020, c'est ce qui s'est produit.
Le franchiseur Starlight inc. accorde à 9403-6498 Québec inc. un contrat
de franchise pour l'exécution de contrats d'entretien dans les locaux de
différentes sociétés.
Ces sociétés expriment leur mécontentement devant la mauvaise qualité
des services rendus. Starlight inc. écrit à 9403-6498 Québec inc. et son
représentant pour lui faire part des plaintes des clients insatisfaits.
Starlight inc. conclut sa lettre en espérant que 9403-6498 Québec inc. saura
changer les choses dans les jours qui suivront; cet avis est daté du 18 juin
2020.
Le 7 octobre 2020, Starlight inc. fait parvenir à 9403-6498 Québec inc.
un avis de résiliation de son contrat en raison de la « ... piètre qualité des
services rendus à ses clients et de son défaut de corriger les manquements
qu'elle lui reproche. »
Le franchiseur
réclame également qu'on lui remettre les clés de ses clients.
Le 8 octobre, l'avocat de Starlight inc. informe sa consoeur entre
autres du fait que 9403-6498 Québec inc. ne doit plus envoyer son personnel
chez les clients car il n'est plus autorisé à s'y rendre.
Le 9 octobre 2020, l'avocat de Starlight inc. se plaint à sa consoeur
que malgré l'avis de la veille, un représentant de 9403-6498 Québec inc. s'est
tout de même rendu chez un client. Ce représentant a
même refusé de quitter les lieux et de remettre les clés; les policiers ont été
appelés pour faire en sorte que le représentant quitte les lieux.
L'avocat de
9403-6498 Québec inc., répond le 9 octobre à son confrère en lui écrivant
qu'elle conteste la résiliation unilatérale du contrat, que le comportement de
Starlight inc. est teinté de mauvaise foi et elle joint à cette lettre une
demande introductive d'instance dans laquelle elle réclame au nom de sa cliente
le paiement des salaires impayés, des indemnités de congé etc... car Starlight
inc. n'est pas un véritable franchiseur mais un employeur professionnel.
Que faire dans une telle situation?
Comment
peut-on répondre aux agissements d'une personne qui, malgré des avertissements,
continue d'agir?
La réponse
réside dans la demande d'une injonction interlocutoire provisoire auprès
du Tribunal.
Cette demande
permet, à quiconque voit ses droits lésés, de requérir un ordre de cour
empêchant une autre personne de faire ou de ne pas faire quelque chose et ce,
pour une période limitée dans le temps. Mais pour ce faire, il faut remplir
certaines conditions qui sont les suivantes :
Dans notre cas,
puisqu'il s'agit d'une demande d'injonction provisoire, l'urgence doit être
également démontrée.
C'est ainsi
que Starlight inc. ou tout autre demandeur d'une injonction interlocutoire doit
faire la preuve qu'il y a une apparence de droit. Dans le présent dossier, il y
avait une clause dans le contrat qui stipulait que le franchisé devait remettre
en cas de résiliation du contrat, les clés, les cartes de sécurité, etc...
Le second
élément est un préjudice sérieux et irréparable. Comme les clients de Starlight
inc. exigeaient qu'on leur remettre les clés, les cartes d'accès, le juge en
est venu à la conclusion qu'un manquement risquerait d'ébranler la confiance
entre Starlight inc. et ses clients et en conséquence, le préjudice sérieux
était satisfait.
Le poids
relatif des inconvénients. Le juge après avoir constaté que les clients étaient
desservis par un autre franchisé, ne voyait pas quel avantage 9403-6498 Québec
inc. avait de conserver les clés et les cartes des clients; en conséquence, le
poids relatif des inconvénients penchait en faveur du prononcé de l'injonction
provisoire.
Finalement,
l'urgence; 9403-6498 Québec inc. a plaidé « ... il ne risque pas d'y avoir mort
d'homme.» Sur ce point le juge affirme qu'il conçoit mal que des clients seront
dans l'obligation d'attendre des semaines, des mois avant de récupérer leur
propriété. Pour les clients, la remise des clés et des cartes est un enjeu de
sécurité. Pour le Tribunal, le critère d'urgence est également satisfait.
En
conséquence, le Tribunal ordonne donc à 9403-6498 Québec inc. de remettre les
clés et les cartes des clients à Starlight inc.
Que faut-il retenir de ce jugement?
Une personne ne
peut agir comme bon lui semble et se servir de la lenteur du processus
judiciaire pour causer un préjudice. Si tel est le cas, l'injonction provisoire
ou interlocutoire est un moyen pour empêcher qu'on ne vous cause un tel dommage.
Au plaisir
Me Michel Joncas, avocat
Monty Sylvestre,
conseillers juridiques inc.