Aujourd'hui, chers
lecteurs, nous explorerons les confins de l'Afrique de l'Ouest : une
région frontalière du Nord ghanéen avec la Côte-d'Ivoire. Plus
particulièrement, la Volta Noire, près de Wa, qui est en réalité la frontière
géographique entre le Ghana et la Côte-d'Ivoire ainsi que le Burkina Faso
Pour se rendre à Wa, au
Ghana, il a fallu prendre quelques transports en «trotro» ou «combi», bref les
mini-vans sept places convertis en transports publics à 13 places. La
promiscuité et la chaleur humaine sont les mots d'ordre.
Arrivés à Wa, il n'y
avait quotidiennement qu'un transport «aller» et un «retour» pour la petite
bourgade près des frontières ivoirienne et burkinabé ; mes amies Marilyn
et Vikie ainsi que moi-même avons donc saisi l'occasion du jour sans trop
réfléchir à la façon de revenir... «Bah! On fera du pouce au pire...» Nous étions
tellement excités à l'idée d'aller à la rencontre des fameux hippopotames
africains.
Arrivés au petit village,
nous avons loué des vélos à quelques habitants et sommes partis vers l'ouest
sur de petits sentiers totalisant 20 kilomètres dans la brousse sous une
chaleur écrasante avec un litre d'eau chacun. Plus on pédale, plus on réussi à
sentir une petite brise. Nous avons traversé une zone d'environ 8 kilomètres
qui avait été incendiée; c'est normal, avec la culture sur brulis pratiquée
ici, d'en échapper parfois...
Une fois à la rivière, qui
fait maintenant partie du sanctuaire de Wechiau, nous avons cherché quelqu'un
qui pourrait nous amener sur le territoire de ces grosses bêtes. Il faut dire
que les avantages économiques liés au rôle de guide improvisé pour les
touristes dépassent largement ceux en lien avec la pêche ou l'agriculture; nous
n'avons donc pas eu de problème à trouver quelqu'un, même si la région nous
paraissait inhabitée.
Nous avons embarqué à
quatre dans un canot sculpté dans un seul tronc d'arbre, et seul notre nouvel
ami avait une rame. Après 30 minutes, nous voilà enfin près d'un groupe de huit
ou neuf hippos.
Notre guide reste près de
la rive opposée à celui-ci. J'observe pendant une quinzaine de minutes en
prenant quelques clichés avant de demander si nous pouvons nous approcher pour
mieux voir. «On ne peut pas, ce sont des animaux très territoriaux et ils
deviennent agressifs lorsque nous nous approchons trop...»
J'accepte la situation et
je continue d'observer : quelques uns sont magnifiquement avachis sur la
rive, tandis que les autres se prélassent dans l'eau, laissant poindre le
dessus de leur tête ainsi que leurs narines. Avec un tel poids, moi aussi je
préférerais laisser à l'eau le soin de me supporter. Lorsqu'ils ouvrent la
bouche, je comprends toute la puissance de ces animaux, dont ma seule référence
avant ce jour était le National
Geographic.
Au moment de retourner
vers l'endroit où nous avions laissé nos vélos, je demandai à nouveau si, en
rebroussant chemin, nous pouvions faire une plus large boucle dans le but de
les voir de plus près. « D'accord, ça je peux le faire... mais, pas trop proche
non plus.»
Il s'effectua, et au
moment où j'étais assez satisfait de la distance pour prendre une photo, une
énorme tête surgit à 4 ou 5 mètres derrière nous. Nous avons crié pour avertir
notre guide qui était dos à la scène, et lorsqu'il s'est retourné, j'ai pu voir
la frayeur dans ses yeux, je n'ai jamais vu quelqu'un pagayer aussi vite!
Toutefois, l'hippopotame
nous rattrapait! «Let's go! Rame! Vite! Come on! Il nous rattrape!»
Je m'en souviendrai
toujours. Alors qu'il était à environ un mètre et demie du tronc d'arbre qui
nous servait d'embarcation, l'animal s'arrêta net et rebroussa chemin. Nous
venions de sortir de son territoire, nous expliqua notre champion de la rame.
Mon amie lui demanda ce qu'il aurait fait s'il nous avait rattrapés. En
reprenant son souffle, il nous dit clairement qu'il aurait renversé la pirogue
et aurait attaqué un de nous quatre... Comme c'est arrivé des gens de sa famille
il y a quelques années.
Après l'avoir échappé
belle, nous sommes retournés au point de départ où un groupe d'Allemands avec
leur 4x4 ont consenti à nous ramener à Wa, après avoir laissé les vélos à leurs
propriétaires au village. Quelle chance!
Nous avons passé la nuit
dans une belle habitation traditionnelle dont la terrasse nous permettait
d'avoir une superbe vue de la plaine. Je crois qu'après une journée aussi
éprouvante, nous méritions ce petit confort... Quelques jours plus tard, nous
voilà repartis vers une autre destination, encore plus inusitée : Paga, le
village où les habitants cohabitent avec les crocodiles, sera le sujet de ma
prochaine chronique.