Le 11 septembre dernier, l'honorable juge Carol Cohen de la Cour supérieure du district de Montréal rendait jugement suite au dépôt par le DPCP (Directeur des poursuites criminelles et pénales) d'une requête en confiscation d'un immeuble à titre de bien infractionnel, article 490.1 du Code criminel. Dans cette décision, la Juge Cohen devait déterminer si le local en question répondait à la définition de bien infractionnel. Vous aurez sans doute compris que je vous parle ici du bâtiment se trouvant entre Sherbrooke et Lennoxville, sur la route 143, et que la communauté sherbrookoise désigne comme étant le Bunker des Hell's.
L'immeuble en question avait fait l'objet en 2009 d'une ordonnance de blocage, ce qui empêchait ses propriétaires de s'en départir avant qu'un tribunal ne se prononce sur sa confiscation. Cette ordonnance de blocage faisait suite à l'arrestation de plusieurs membres des Hell's Angels dont plusieurs du chapitre de Sherbrooke dans le cadre de l'opération SharQC.
Pour réussir dans sa démarche, le ministère public devait démontrer selon un fardeau de preuve que l'on désigne comme une balance des probabilités, ou encore qu'il est plus probable que non-probable que ce bien a servi ou a donné lieu à la commission d'un acte criminel, ou qui est utilisé de quelque manière dans la perpétration d'un tel acte.
Or, le 27 août 2012, 24 accusés dans ce dossier ont plaidé coupable à une accusation de complot pour faire assassiner des personnes faisant partie de groupes rivaux. Ils ont tous écopé de différentes sentences imposées par le Juge James Brunton.
Après une audition de plusieurs jours et un délibéré de quelques mois et malgré des modifications à la Loi concernant la définition d'un bien infractionnel, la Juge Cohen a ordonné la confiscation de l'immeuble au profit du procureur général du Québec. Nous apprenions aujourd'hui même que les propriétaires de l'immeuble ont présenté une requête à la cour d'appel du Québec pour avoir la permission d'en appeler de cette décision.
Bref, si cette requête est accordée, la cour d'appel entendra les arguments des parties afin de déterminer si la juge Cohen a rendu la décision appropriée. Cela aura également pour effet de faire attendre différents créanciers comme la Ville de Sherbrooke qui aurait bien aimé recouvrer des montants de taxes impayés par la vente en justice de cet immeuble.
Ceci m'amène à vous entretenir brièvement de ce qu'est un bien infractionnel en vous donnant des exemples plus concrets.
D'abord, l'article 2 du Code criminel en donne une définition que je ne reproduirai pas ici. Notons toutefois qu'il ne s'agit pas nécessairement d'un immeuble. Un bien meuble comme une automobile, un téléphone cellulaire ou un ordinateur peuvent constituer un bien infractionnel si l'on peut démontrer selon le fardeau dont j'ai parlé un peu plus haut qu'il s'agit bien d'un bien infractionnel.
Par exemple, un vendeur de drogues qui se sert d'un téléphone cellulaire pour être joint par ses clients et qui utilise une voiture pour faire des livraisons pourrait se voir confisquer le téléphone et la voiture s'il est déclaré coupable de trafic de stupéfiants. C'est sans doute pour cette raison entre autres que des trafiquants utilisent de vieux véhicules de peu de valeurs pour faciliter leurs activités.
Un conducteur en état d'ébriété pourrait se voir confisquer le véhicule qu'il conduisait s'il est déclaré coupable de cette infraction. D'ailleurs, les procureurs de la poursuite font cette demande au tribunal de plus en plus fréquemment dans le cas des récidivistes.
En ce qui concerne le matériel informatique qui aurait servi par exemple à faciliter la commission d'une fraude, il pourrait également être confisqué en vertu de la même disposition du Code. Toutefois, lorsque l'utilisation d'un matériel informatique (ordinateur, tablette, téléphone...) a servi à commettre une infraction d'ordre sexuel, comme par exemple possession de pornographie juvénile, il sera confisqué et détruit plutôt que vendu et ce en vertu 164.2 du Code criminel.