Depuis une dizaine d'années, le droit que possède tout salarié à travailler dans un milieu exempt de harcèlement psychologique est codifié dans la loi. Les recours judiciaires afin de mettre un terme à cette conduite vexatoire sont d'ailleurs directement mentionnés dans la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). Quels sont précisément ces recours? Aussi, quelles sont les obligations de l'employeur?
La Loi sur les normes du travail définit le harcèlement psychologique comme étant:
« Une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.»
Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. » (art. 81.18 L.N.T.)
Il faut savoir que votre employeur a des obligations légales à l'égard de ses employés quant au maintien d'une atmosphère de travail adéquate. Il doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu'une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser (art. 81.19 L.N.T.). Ce dernier volet l'oblige, à titre d'employeur, à être proactif dès qu'il est avisé de l'existence possible d'une situation de harcèlement. Il ne doit donc pas attendre qu'une plainte officielle auprès de la CNESST ou du syndicat soit déposée avant d'enquêter, de proposer une piste de solution et de l'appliquer.
Par contre, si vous désirez porter plainte, vous devez comprendre que toute situation conflictuelle avec un collègue de travail ou avec votre employeur n'est pas nécessairement du harcèlement psychologique au sens de la loi. À titre d'exemple, l'équilibre entre l'exercice légitime des droits de gérance de l'employeur et le droit des employés à un milieu exempt de harcèlement psychologique peut sembler difficile à atteindre dans certaines circonstances. En effet, à titre d'employé, vous pouvez vous sentir harceler alors que, de l'opinion de votre employeur, ce dernier ne fait qu'exercer ses droits de gérance pour des motifs rattachés à la gestion efficace de son entreprise. Par exemple, l'application de mesures disciplinaires proportionnées contre un employé pour remédier à ses absences répétées est une mesure valide.
Pour qu'il y ait harcèlement psychologique, vous devez démontrer qu'une personne raisonnable, prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances se serait également sentie harcelée. En accomplissant ce test objectif, on comprend que la protection légale n'englobe pas les situations de victimisation ou les plaintes d'individus ayant une tendance anxieuse, voire paranoïaque. En résumé, toute décision qui n'est pas déraisonnable, abusive ou discriminatoire, n'est pas du harcèlement psychologique.
Si vous décidez d'aller de l'avant avec une plainte officielle contre votre employeur, vous devrez l'adresser à l'autorité compétente.
- Si vous êtes un salarié syndiqué et que cette procédure est prévue à votre convention collective, vous devrez saisir, par l'intermédiaire de votre syndicat, l'arbitre de griefs.
- Si vous êtes toutefois un salarié non syndiqué, vous devez porter plainte à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), organisme québécois chargé par le gouvernement d'assurer le respect des droits et des obligations en matière de travail. (art. 81.20 L.N.T.)
- Aussi, dans certaines circonstances, il est possible que le harcèlement psychologique vous occasionne une «lésion professionnelle» au sens de la Loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles (L.A.T.M.P.). Dans un tel cas, votre demande devra aussi être déposée à la CNESST.
Lorsque votre plainte est déposée à la CNESST, le Tribunal administratif du travail (TAT) pourra ultimement déterminer si cette plainte est fondée. À cet égard, dans un jugement récent, la Cour du Québec a rappelé que «seul le Tribunal administratif du travail a le pouvoir de qualifier le harcèlement psychologique», de déterminer la validité d'un tel recours et d'accorder toute réparation utile pour remédier à la situation d'harcèlement. En outre, la détermination de ce qu'est une «lésion professionnelle» relève de la compétence exclusive de la CNESST et, éventuellement, du TAT (art. 349 L.A.T.M.P.). La Cour du Québec, Division des petites créances, ne peut donc entendre la réclamation d'un salarié en dommages-intérêts pour harcèlement psychologique contre un collègue ou un employeur.
Source : B.S. c. Laverdière, 2017 QCCQ 2417
Par Me Ariane Ouellet
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