Celui qui un jour a écrit : les gens heureux n'ont pas d'histoire devait penser que les femmes étaient les êtres les plus heureux sur terre, car celles-ci sont absentes de l'histoire sauf dans des rôles de figuration ou de soutien aux grands hommes qui ont fait l'histoire.
Il y a quelques mois, la professeure Micheline Dumont publiait un intéressant ouvrage intitulé : « Pas d'histoire les femmes! Réflexions d'une historienne indignée ». À l'aide d'une vingtaine d'articles, la plupart déjà publiés et certains inédits, Micheline Dumont fait la démonstration convaincante que les femmes sont occultées de l'histoire ou qu'elles sont mises en encadrées dans les manuels ou encore en note en bas de page dans les livres sérieux d'histoire. Bien sûr, tout comme pour l'environnement dans le discours économique, les femmes apparaissent dans la table des matières, mais elles ne jouent pas un rôle à la hauteur de la contribution qu'elles ont apportée à l'édification du Québec et du Canada.
Exclues de l'histoire...
De façon générale, il faut reconnaître que les femmes ont été exclues de l'histoire : absence de droits démocratiques, absence de droits juridiques et tutti quanti. Une anecdote : gamin j'ai eu un petit accident tombant sur un balcon un jour de pluie, le crane légèrement fendu, il fallut attendre l'autorisation de mon père, absent à ce moment, pour que l'on puisse me traiter à l'hôpital. Les femmes n'avaient pas ce droit, ma mère ne pouvait s'occuper du bien-être de son fils. Cela ne date pas du 19e siècle, mais du 20e siècle en 1963, à Montréal, au Québec.
Nul besoin d'insister sur l'absence inexplicable des femmes en nombre suffisant sur les conseils d'administration des grandes entreprises et des organismes publics d'envergure, ni de leur absence significative dans les lieux de pouvoir économique et politique. Bien sûr, les choses changent au Québec. Les femmes prennent de plus en plus d'importance au sein des multiples lieux de pouvoir, mais elles sont encore aujourd'hui moins bien payées en moyenne que les hommes. Il y a de quoi se révolter pour une femme...
Pourtant, la preuve est en train d'être faite qu'avec des femmes à la direction de la société, les choses peuvent aller aussi, sinon beaucoup mieux. Il est paradoxal que j'écrive un texte qui déplore la place faite aux femmes dans notre société alors que ce sont des femmes qui font présentement le pain et le beurre de notre actualité et de brillante façon. La juge et commissaire France Charbonneau a occupé l'avant-scène de nos médias d'actualité depuis un an en démontrant une autorité et une indignation face à la corruption de nos mœurs politiques. Par son attitude, elle a rassuré plusieurs d'entre nous même si parfois nous avons pu trouver qu'elle en mettait un peu plus que le client en demandait.
Marois et Roy-Laroche...
Ces dernières semaines, la mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche et la première ministre du Québec, Pauline Marois, nous ont donné une leçon de sang-froid et d'humanité dans la gestion du drame innommable de Lac-Mégantic où quarante-sept personnes ont péri de notre incurie à civiliser la jungle ferroviaire. On ne peut s'empêcher de penser, sans arrière-pensée sexiste, que si elles ont si bien fait, c'est qu'elles sont habituées à prendre soin des leurs, à les rassurer et à prendre des décisions difficiles pour leur monde. Dans la catastrophe de Lac-Mégantic, deux femmes se sont levées et ont fait l'histoire.
Une révolution encore à faire...
Malgré des faits comme ceux-là, la révolution féministe annoncée au début des années 1960 n'a pas eu lieu. On continue d'écrire l'histoire comme si les femmes n'existaient pas. On continue, comme le dénonce si souvent Lise Payette, à papoter sur les femmes, mais on refuse de leur reconnaître une place égale. On est trop souvent sévère à l'endroit des femmes et malheureusement ce sont souvent les femmes elles-mêmes qui le sont le plus à l'égard des femmes. Pourtant, ici au Québec et à Lac-Mégantic des femmes font la preuve de leur pertinence à notre histoire en marche. Il faudrait le reconnaître une fois pour toutes.
Peut-être que ces faits seront suffisants pour nous faire comprendre une fois encore que ce n'est pas juste de taire la place des femmes dans notre histoire et que c'est profondément injuste de ne pas leur donner la place qui leur revient dans cette société qui a bien besoin d'elles.
Les femmes ont fait l'histoire du Québec et elles ont droit à leur place, hier comme aujourd'hui. Je vous invite à cette réflexion au nom de mes deux petites filles, de mes filles, de ma mère et de toutes les femmes que j'ai aimées...
Tweet de la semaine
« Si j'étais une femme, je me moquerais de la vanité des hommes pour mieux les consoler de leurs défaites. »
Bernard Pivot Les tweets sont des chats, Paris, Albin Michel, 2013, p.126
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