Très chers parents d'étudiants qui, suivant la fin des études secondaires ou collégiales, quitteront le nid familial pour s'établir en appartement dans une autre ville durant les études, soyez vigilants lorsque vos enfants vous présenteront, avec enthousiasme, leur premier bail de logement pour « simple fin de signature »!
À l'aube de la réception des lettres de décision d'admission tant attendues de la plupart des universités du Québec, plusieurs jeunes étudiants signeront un bail de logement pour lequel une caution sera demandée.
Effectivement, il est maintenant pratique courante pour les propriétaires de logements d'habitation d'exiger une sûreté auprès d'un tiers, et ce, en incluant une section explicite, claire et précise à cet égard à l'intérieur même du bail de logement. Qui plus est, il est habituellement prévu qu'en pareilles circonstances, le locataire et sa caution sont «solidairement responsables envers le locateur».
Cette sûreté souvent incluse dans le bail de logement prend généralement la forme d'un contrat de cautionnement. Ce contrat est défini dans la loi comme étant celui par lequel « une personne, la caution [vous, en l'occurrence], s'oblige envers le créancier [c'est-à-dire le propriétaire] à exécuter l'obligation du débiteur [votre enfant, en l'espèce] si celui-ci n'y satisfait pas » - [nos ajouts] (art. 2333 C.c.Q.). Les principales obligations du locataire étant de payer le loyer mensuel convenu et d'user avec prudence et diligence de l'appartement, c'est donc dire qu'à titre de caution, vous engagez votre portefeuille à l'égard du propriétaire de l'appartement advenant un défaut de la part de votre enfant. C'est ainsi dire que vous pourriez être appelés non seulement à acquitter les loyers mensuels impayés par votre enfant, mais vous pourriez aussi être tenus à débourser le plein montant des dommages causés par votre enfant.
C'est d'ailleurs ce qui est arrivé dans la décision Truchon c. Dupuis (Truchon c. Dupuis, 2016 QCDRL 39569) où la caution a été poursuivie à titre de partie intéressée pour les dommages causés par la négligence du locataire et le non-respect de ses obligations. Il appert de ce jugement que des travaux de réparation au logement de l'ordre de plus de 3 000 $ ont été requis en raison de l'état des lieux. Le Tribunal, ayant été satisfait de la preuve des dommages présentée par le propriétaire, a dès lors condamné solidairement le locataire et la caution à payer l'entièreté des travaux.
En ce qui a trait à cette solidarité entre le locataire et sa caution, celle-ci implique que le propriétaire pourra, à son choix, prendre le recours à l'égard des deux personnes et ensuite exécuter le jugement à l'égard de l'une ou l'autre. Vous comprendrez que, plus souvent qu'autrement, le propriétaire choisira la plus solvable, en l'occurrence, le parent. Le propriétaire y va véritablement d'une pierre deux coups en se protégeant à la fois des locataires « mauvais payeurs » ou parfois simplement inexpérimentés, en plus d'avoir la possibilité de poursuivre directement le tiers qui s'est engagé, par sa signature, à titre de caution.
Il importe immédiatement de mentionner que l'inclusion d'une caution directement au contrat de bail de logement est légale puisqu'elle répond en tous points aux exigences de la loi en matière de cautionnement, c'est-à-dire que ce dernier « ne se présume pas; il doit être exprès » (art. 2335 C.c.Q.). Le même commentaire s'applique à l'égard de la solidarité puisque celle-ci « ne se présume pas; elle n'existe que lorsqu'elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi » (art. 1525 C.c.Q.). Il est donc très important de bien lire le contrat de bail de logement de votre enfant avant d'y apposer votre signature afin de vérifier si celui-ci prévoit de telles inclusions légales.
Une autre importance cruciale de bien lire l'entièreté du bail de logement que votre enfant vous soumettra est la possibilité d'y retrouver une clause de renouvellement automatique de la caution. À cet effet, il est explicitement prévu à la loi que « la sûreté consentie par un tiers pour garantir l'exécution des obligations du locataire ne s'étend pas au bail reconduit » (art. 1881 C.c.Q.). Or, cette disposition n'est pas d'ordre public et rien n'empêche un propriétaire de stipuler explicitement à son bail de logement que la caution est tenue pour les renouvellements subséquents. Ainsi, en pareilles circonstances, un parent pourrait se retrouver à agir à titre de caution durant plusieurs années alors qu'il n'a signé en réalité qu'une seule fois, soit lors du bail initial.
Sachez qu'en vous engageant à titre de caution, que ce soit seulement pour le premier terme ou encore pour les renouvellements, vous ne pourrez pas simplement invoquer devant la Régie du logement que vous aviez mal lu le bail initial. À moins d'être en mesure de démontrer un motif d'annulation du contrat de cautionnement, vous serez effectivement tenus responsables des dettes impayées par votre enfant. La prudence est donc de mise si l'on vous présente un bail de logement pour « simple fin de signature » et ainsi, assurez-vous de bien lire et comprendre ledit bail ainsi que les responsabilités qui en découlent avant de vous engager comme caution.
Me Audrey Lessard, Avocate
Fontaine Panneton Harrisson Bourassa & Associés