Votre voisine vous
rencontre et vous compte ses malheurs. Elle travaillait pour une société locale
qui vend des produits à consommation répétée et son mari en faisait la
distribution. Ils avaient donc tous les deux le même employeur.
Un compétiteur l'a
approché, lui a laissé miroiter un meilleur salaire, de meilleures conditions
de travail, de meilleurs avantages sociaux. Surtout, ce compétiteur lui a
déclaré qu'étant donné qu'elle n'avait pas signé de clause de non-concurrence,
il n'y avait aucune crainte à y avoir, l'employeur ne pouvait rien faire contre
elle et son mari, ils étaient dans un pays libre où la concurrence était «roi
et maître».
Votre voisine et son
mari se sont laissés séduire par cette offre et tous les deux ont pour ainsi
dire «sauté la clôture».
Ayant « compris »
que son employeur ne pouvait rien contre elle, votre voisine a pris des copies
des documents et dossiers de l'ordinateur de son ancien employeur, elle a
effacé certaines données. Avant même de quitter son employeur, elle a sollicité
des clients pour son nouveau patron.
Quelques semaines
après leur départ volontaire, son conjoint
et votre voisine recevaient de la part de l'ancien employeur, une requête en
injonction interlocutoire provisoire. Celle-ci leur ordonne entre autres de
remettre tous les documents, les bases de données qu'ils avaient en leur
possession, de cesser toute sollicitation, de cesser de faire des affaires avec
les anciens clients directement ou indirectement, par la poste, par téléphone,
par courriel ou autrement, etc.
Votre voisine est
dévastée par ce désastre. Que va-t-il leur arriver à tous les deux?
Malheureusement, que
des problèmes!
En effet, il est
vrai de prétendre qu'en l'absence de clause de non-concurrence, les ex-salariés
peuvent en principe concurrencer l'ex-employeur, mais à la condition que cette
concurrence demeure loyale et soit de bonne foi. C'est ainsi que la
sollicitation d'ex-clients n'est pas interdite comme telle, mais c'est dans la
façon de faire les choses que tout s'apprécie.
C'est ainsi que dans
le cas soumis, le fait d'avoir copié la liste des clients et celle des
dossiers, d'effacer certaines données, de solliciter des clients avant même de
quitter son emploi constituent une entorse au devoir de loyauté que doit avoir
un employé après son départ même en l'absence d'une clause de non-concurrence.
Ce devoir de loyauté
est établi à l'article 2088 C.c.Q. qui se lit comme suit :
Art. 2088 C.c.Q. : Le salarié, [...], doit agir avec loyauté et ne pas faire usage
de l'information à caractère confidentiel qu'il obtient dans l'exécution ou à
l'occasion de son travail.
Ces obligations
survivent pendant un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent
en tout temps lorsque l'information réfère à la réputation et à la vie privée
d'autrui.
C'est ainsi que
votre voisine et son mari ont manqué à ce devoir de loyauté, ce qui amènera le
Tribunal à rendre des ordonnances provisoires en conséquence. Il faut savoir
que ce genre d'ordonnance est valable pour une période de 10 jours, mais ces
ordonnances peuvent être renouvelées de 10 jours en 10 jours (voir Pétrolex St-Félicien inc. c. Lejeune, 20
avril 2015).
Il va sans dire que
lorsque vous perdez une injonction au niveau soit provisoire ou interlocutoire,
il est très difficile de renverser la vapeur par la suite. Ceci, sans compter les
coûts qui entourent ce genre de procédure.
En terminant, il
faut se rappeler que l'information relative à la réputation et à la vie privée
des clients d'un employeur demeurent à jamais confidentielle. En aucune façon
un employé ne peut en faire usage.
Au plaisir!