Je vous avais promis dans ma
dernière chronique que je vous reviendrais cette semaine avec une analyse des
répercussions de la dernière élection sur l'avenir du Québec et du Canada. Je
m'exécute donc aujourd'hui. D'entrée de jeu, vous me permettrez de dire que je
suis assez fier de ma dernière
chronique où j'avais réussi à prédire les résultats et à en tirer
les analyses préliminaires. Celles et ceux qui ne l'ont pas lu, je vous invite
à la lire.
Cela étant, je vous fais part des
enjeux que soulèvent le résultat de la dernière élection et je crois que cette
élection, malgré ce que l'on en dit, est très importante pour l'avenir du
Québec et du Canada. Réflexions libres sur les enjeux principaux de la
politique canadienne...
La faible participation au scrutin
La première chose qui s'impose à
nous dans l'analyse de la dernière élection fédérale c'est le faible taux de
participation de la population au scrutin. Si j'en crois les derniers chiffres
d'Élections Canada, le taux de participation au dernier scrutin s'est établi
autour de 62 %. Ce qui en fait l'un des pires taux de participation dans
l'histoire politique moderne. Cela est inquiétant pour l'avenir. Il est vrai
que le Québec a connu pire alors qu'en 2008, le taux de participation avait
atteint 57,43 %. On peut discuter longtemps sur les raisons qui expliquent
ces taux faméliques. Cette année, la pandémie ne facilita pas le vote même si
les autorités avaient prévu des moyens pour favoriser ce dernier comme le vote
postal par exemple.
Ce qui inquiète le plus c'est de
voir s'effriter notre rapport à la vie démocratique. Le cynisme ambiant, la
perte de confiance dans nos institutions, l'érosion de la confiance dans notre
classe politique et la montée de l'individualisme sont autant d'éléments qui
annoncent des jours pluvieux pour la démocratie au Canada. Il ne faut pas se
culpabiliser à outrance, car c'est un phénomène global qui touche toutes les
démocraties occidentales. Néanmoins, la montée du populisme à la Maxime Bernier
et les conséquences délétères de la propagation de fausses informations ne
pourront qu'avoir de lourdes conséquences sur le vouloir vivre ensemble. On
peut bien envisager toutes sortes de solutions comme la réforme du mode de
scrutin, l'abaissement de l'âge du vote de 18 ans à 16 ans ou encore
l'implantation du vote électronique, mais tout cela ne représente que des
sparadraps qui cachent le problème de la vie en société et du vivre ensemble.
La balkanisation du Canada
Le Canada est un grand pays peu
peuplé pour l'immensité de son territoire. Ce qui fait en sorte que le vote de
citoyens dans les grands centres urbains n'a pas la même valeur que celui des Canadiens
des zones rurales et semi-rurales. Outre ces phénomènes communs à toutes les
grandes démocraties, le Canada postnational de Justin Trudeau se distingue par
des intérêts opposés entre les diverses régions canadiennes qui composent le
Canada. Par exemple, Le Grand Nord canadien, pas exclusivement, mais de façon
importante, a un problème avec l'intégration des nations autochtones à la vie
démocratique canadienne. La question des Premières Nations s'impose de plus en
plus comme le plus grand problème du Canada au 21e siècle. Les
femmes autochtones assassinées ou disparues, le drame des pensionnats autochtones,
les conditions de vie pitoyables que l'on retrouve dans les réserves et la
reconnaissance de ces diverses nations sont un dossier majeur et il serait
urgent que le gouvernement Trudeau et les parlementaires élus des différentes
formations politiques qui composent ce parlement minoritaire prennent le
taureau par les cornes pour que nous puissions passer à autre chose.
Outre la question des Premières Nations,
on ne peut passer sous silence le sort réservé aux francophones partout au
Canada. Malgré la résilience et la combativité de nos compatriotes de langue
française qui vivent ailleurs qu'au Québec, beaucoup est à faire pour leur
assurer de pouvoir vivre dans leur langue partout au pays. Le français recule
même au Québec et nos gouvernements doivent légiférer de façon urgente pour mettre
un frein au recul du français à Montréal.
La langue est une question
sensible en politique canadienne, mais il y a aussi une question sous-jacente
qui touche la nation québécoise, en particulier c'est le phénomène du Quebec
Bashing qui se manifeste régulièrement au Canada envers la nation québécoise.
La question au débat anglais n'en est que le plus récent exemple. Au Canada où
l'on se fait une fierté de combattre la discrimination et le racisme
systémique, on se plait aussi à se permettre de se comporter en raciste envers
la nation québécoise. Essentialiser le Québec comme un endroit antidémocratique
et raciste dépasse l'entendement. La classe politique canadienne-anglaise et
leurs médias ont une réflexion à faire et ils doivent prendre conscience de
l'existence de cette discrimination systémique envers le Québec et ses
habitants.
La santé, les changements climatiques
et la politique internationale
Outre les problèmes liés à la
balkanisation du Canada, il faut aussi voir que cela est amplifié par la
question des changements climatiques. Le Canada est un pays producteur de
pétrole et un pays d'énergie verte selon les régions. Le pétrole et les
énergies carbones à l'Ouest et à Terre-Neuve, le nucléaire en Ontario et
l'hydroélectricité au Québec. La décarbonisation de l'économie avantage nettement
le Québec. Pourtant, le Canada semble incapable de se donner une politique
énergétique commune. Cela explique de nombreuses tensions au pays qui se reflètent
d'ailleurs dans le soutien à des taux de vote lénifiant du vote conservateur
dans l'Ouest. Les libéraux de Justin Trudeau ont beau avoir le meilleur
programme de lutte aux changements climatiques, il reste qu'agir en ce domaine
est une tâche urgente comme l'ont rappelé les milliers de jeunes canadiennes et
canadiens qui sont descendus dans les rues vendredi dernier.
La santé est un sujet
incontournable. La pandémie de la COVID-19 continue de faire des ravages et le
système hospitalo-centrique canadien éclate de partout. Cela est
particulièrement visible en Alberta et au Québec en ce moment. Le nombre de
cas, le taux d'occupation élevé des lits aux soins intensifs dans les hôpitaux
et nécessite une réorganisation de notre système de santé. Contrairement au
gouvernement Legault, je ne vois pas d'un mauvais œil le fait que le
gouvernement fédéral veuille jouer un rôle dans l'élaboration de règles
communes dans toutes les provinces. L'idée même de l'existence d'un système de
péréquation vise notamment à ce que toutes les Canadiennes et tous les
Canadiens aient les mêmes services et la même qualité de soin partout au
Canada. Un réinvestissement massif est nécessaire au Canada en matière de santé,
mais tous les gouvernements devraient collaborer à améliorer les choses.
En matière de politique internationale,
le Canada n'a toujours pas de politiques claires. Par exemple, quelles
relations aurons-nous désormais avec la Chine à la suite du dénouement de
l'affaire des deux Michael qui ont été emprisonnés injustement plus de mille jours ?
Nous devons avoir une politique claire, car que nous les aimions ou pas, les Chinois
sont nombreux et la Chine s'imposera bientôt comme la première puissance
mondiale devant les États-Unis qui sont en déliquescence. De grandes questions
se posent et le nouveau gouvernement devra nous donner des réponses.
Bref, les questions sont plus
nombreuses que les réponses. Que fera ce gouvernement minoritaire dans les
prochains mois et les prochaines années ? Nous n'en savons rien. Faites vos
jeux, les dés sont jetés : Rouge minoritaire...