En cette période de coronavirus la question n'est plus comment allez-vous, mais plutôt, comment va votre corona vie? Vous me pardonnerez ce jeu de mots, mais vaut mieux rire que se plaindre.
Aujourd'hui cette chronique porte sur une disposition peu appliquée de notre Code Civil qui se retrouve dans la section 11 du Chapitre du Louage, les Droits et Obligations résultant du bail, l'article 1859 qui se lit comme suit :
« Trouble de fait. Le locateur n'est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu'un tiers apporte à la jouissance du bien, il peut l'être lorsque le tiers est aussi locataire ou est une personne à laquelle le locataire permet l'usage ou l'accès à celui-ci.
Recours du locataire. Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur.»
Le second paragraphe de cet article nous indique clairement qu'un locateur doit donner, fournir, permettre à son locataire la jouissance des lieux loués.
Or qu'arrive-t-il actuellement en cette période de coronavirus, depuis que le gouvernement a ordonné le confinement et la fermeture de certains commerces. Les commerçants sont maintenant privés de la jouissance des locaux qu'ils ont loués pour toute la durée de cette interdiction. Il s'agit là d'une véritable perte de jouissance des lieux pour le locataire impliqué.
Le mot «toutefois» du second paragraphe vous permet d'obtenir du Tribunal à tout le moins une diminution du prix du loyer puisque votre commerce n'opère plus et que cette fermeture n'émane pas de votre autorité.
Il existe cependant un bémol à l'application de l'article 1859 Ccq. En effet, cet article n'est pas considéré comme étant d'ordre public c'est-à-dire qu'il est possible d'y renoncer ou de faire en sorte qu'il ne s'applique pas.
C'est ainsi que la majorité des baux commerciaux contient une clause qui élimine à toute fin pratique la responsabilité du locateur qui découle de l'article 1859 CcQ. Si vous retrouverez dans le bail un article qui lit à peu près comme suit :
« De ne pas tenir responsable d'aucune façon le locateur de toutes pertes, dommages ou préjudices causés par les actions ou omissions d'autres locataires ou personnes dans les lieux loués par les occupants de locaux ou des propriétés voisines, ou du public ou causés par des opérations de construction, de tous travaux privés, publics ou quasi-publics ou de toutes autres réglementation municipale, provinciale ou fédérale limitant la jouissance des lieux loués.
Comme il s'agit d'une clause dite restrictive, l'interprétation qu'en fera un juge sera limité à ce qui est écrit; donc tous les mots sont importants. Il est essentiel de vérifier si une telle clause existe dans le bail et si oui, de bien vérifier son contenu.
Dans une situation comme celle que nous vivons actuellement, il y a lieu, bien avant de recourir au Tribunal, de trouver une solution avec votre locateur. Pour ce faire une bonne préparation, des arguments bien utilisés, vous mènerait à de meilleurs résultats.
(1)
Au plaisir,
Me Michel Joncas, avocat
Monty Sylvestre, conseillers juridiques inc.
(1)Les causes suivantes ont été consultées pour la rédaction :
Karrum Réalties mc C Ama Investments inc. 2007 QCCA 880
Max Aviation inc. C Developpement de l'aéroport St-Hubert 2013 QCCA 551 Dubois C Milij Kovitch Cq 1997-01-24
P.S. Le, soussigné, fait dorénavant partie de la firme Monty Sylvestre, conseillers juridiques inc., qui compte des avocats et des notaires d'une vaste expérience dans l'ensemble des domaines du droit.