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La Loi modifiant principalement la Loi sur l'instruction publique
et édictant la Loi sur l'Institut
national d'excellence en éducation (ci-après la « Loi »), qui remplace dorénavant les commissions scolaires du Québec
par des centres de services scolaires, fut mal accueillie par plusieurs
commissions scolaires anglophones de la province. De fait, elles soutenaient
que cette loi était une ingérence excessive sur leurs droits constitutionnels
de gestion sur leurs écoles. Le 2 août 2023, la Cour supérieure de Montréal
leur a donné raison dans la décision Quebec English School Boards Association c. Procureur
général du Québec, 2023 QCCS 2965.
L'honorable juge Sylvain Lussier,
dans une décision de 125 pages, invalide de nombreux articles de la Loi, notamment en ce qui concerne les
limites que le gouvernent provincial avait imposées sur les participants à la gouvernance des institutions scolaires
anglophones. L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés accorde le droit aux parents appartenant à une minorité
linguistique dans la province où il se trouve le droit de faire éduquer leurs
enfants dans cette même langue. La Cour estime que l'ensemble de la communauté
anglophone au Québec bénéficie de la protection qu'offre cet article
et qu'en conséquence, « [l]a loi doit viser à favoriser la participation des
membres de la communauté à la gestion scolaire, dans un but d'épanouissement de
cette communauté ».
Le
tribunal estime donc qu'imposer des limites sur le droit des participants de se présenter
aux élections scolaires porte atteinte au droit de la minorité à la
gestion et au contrôle de ses institutions scolaires. Tel qu'il l'explique dans
la décision, la communauté anglophone du Québec en son entièreté est
interpellée par le projet scolaire, ce dernier étant un véhicule pour la
transmission de la culture communautaire. Le caractère protecteur des droits
des minorités de la Charte canadienne des droits et libertés guide
additionnellement la réflexion du tribunal, le juge
Lussier écrivant que « [l]a minorité se fait imposer la vision de la majorité
quant à qui peut la représenter, alors que depuis
plus de 200 ans, tous les membres
de la communauté sont
éligibles à s'occuper de la gestion scolaire. » Le tribunal décide alors
d'invalider les dispositions de la Loi qui encadrait les qualités nécessaires pour participer à la gestion
scolaire du réseau anglophone.
Dans le cas où la décision n'était
pas infirmée par la Cour d'appel, le gouvernement se devra donc de revisiter
son projet de loi conformément au jugement de la Cour supérieure. Pour leur part, plusieurs membres de la
communauté anglophone disent se réjouir de la décision et auraient souhaités
que le gouvernement ne la porte pas en appel. Toutefois, le 11 septembre 2023, le Procureur général
du Québec a transmis une Déclaration d'appel,
demandant à la Cour
d'appel de renverser la décision de la Cour supérieure. Dans son jugement,
cette dernière invitait le gouvernement à consulter davantage
la communauté dans ses prochaines démarches d'adaptation pour qu'il s'assure de répondre à ses
besoins et à ses préoccupations. Il reste maintenant à voir la décision que
prendra la Cour d'appel dans ce dossier et, dans le cas où l'appel était
rejeté, quels changements le gouvernement apportera pour s'assurer de la
conformité de la loi.
Me Gabriel Demers, avocat