Tu es là septembre? Je n'avais pas vraiment hâte de te revoir. J'appréhendais ta visite. La dernière fois, avec ton manteau flamboyant, rouge, jaune et orange, tu étais censé m'éblouir et me réchauffer le cœur. Mais je ne ressentais que du froid et de l'injustice. J'étais inconsolable. Ma grande sœur nous a quittés le 25 septembre 2014. Un an et quelques mois après avoir appris qu'elle avait le cancer, une tumeur au cerveau. La regarder mourir à petit feu aura été pour moi, la chose la plus difficile à vivre. Les gens qu'on aime ne sont pas censés souffrir autant. Je me sentais tellement impuissante. Moi qui vénère tant le « Tout est possible », je devais maintenant envisager l'impossible : la voir partir.
Josée était ma sœur, mon amie et ma deuxième mère. Elle détestait l'entendre dire, surtout par des inconnus qui se lançaient sans gêne : « C'est votre fille? Elle vous ressemble! » Parfois, elle jouait le jeu, d'autres fois, elle soupirait, exaspérée. Moi je riais, espiègle. Neuf ans de différence, c'est certain que ça fait un écart. Ma sœur et moi, on était différentes sur certains aspects de notre personnalité, mais pas quand on chantait à tue-tête dans l'auto. Pas quand on riait aux larmes, pour un rien. Et surtout pas quand on se tenait les mains, dans ses derniers moments. Perdre une sœur, c'est perdre une partie de soi-même. Je me rappelle, les premières nuits, suivant son départ, je me réveillais aux heures, fixant ma main, voyant la sienne. Je n'avais plus « la sensation » d'exister. Peut-être que j'ai trop essayé de la retenir.
Parfois, je revois son visage dans un rêve. J'entends ses chansons préférées entre deux hasards qui n'en sont pas. J'ai le cœur rivé sur ce voile si mince qui me sépare d'elle. Je la sens si près que je ne peux pas m'empêcher de pleurer. J'aime croire qu'elle s'est transformée en Ange et qu'elle veille sur nous. On pourrait peut-être ajouter « devenir croyant » dans les étapes du deuil?
Le mot deuil signifie « douleur » en latin. C'est cette souffrance, plus grande que nature, qui devient le maître de vos émotions, de votre énergie et de votre vie pendant plusieurs mois. Comme un animal sauvage que l'on doit dompter, question de survie. Mais avec quel mode d'emploi? Déni, colère, tristesse, plus le goût de rien, sauf, ne rien faire.
Un an a passé depuis son décès. Mon deuil vacille entre la tristesse et l'acceptation. J'ai parfois l'impression d'être dans un jeu de serpents et échelles. J'avance avec assurance, puis je recule en glissant vers la case départ. Je pense que le deuil est une émotion en soi et qu'il faut apprendre à vivre avec. C'est ça la vraie affaire. La douleur s'atténue de jour en jour, mais jamais elle ne me quittera. Tout comme l'amour qu'on avait l'une pour l'autre. Tu sais quoi septembre? Tu l'as vue partir, mais tu l'as aussi vue naître! Le 7 septembre, Josée fêterait ses 50 ans. Alors septembre, n'oublie pas de te vêtir de tes plus belles couleurs, pour ma grande sœur, qui me manque tant.