Votre cousin Gustave vient vous raconter ses malheurs.
Il y a cinq ans, en novembre 2010, Gustave a prêté à Antoine son ami, la somme de cent mille dollars. Gustave a fait signer à Antoine une reconnaissance de dette et a obtenu une garantie hypothécaire sur un immeuble détenu par Antoine.
Antoine effectue quelques paiements puis il cesse ceux-ci dès mars 2011.
Gustave ne fait rien jusqu'en juin 2013 alors qu'il téléphone à Antoine pour lui rappeler que ce dernier lui doit toujours de l'argent. N'ayant pas reçu de paiements d'Antoine, Gustave décide de le poursuivre avec un recours hypothécaire pour vente sous contrôle de justice en septembre 2013. Antoine rétorque en disant que la créance est prescrite, cela fait plus de trois (3) ans qu'il a cessé de faire les remboursements et que Gustave n'a pris aucun recours à ce sujet.
Gustave répond à son tour qu'Antoine a renoncé à la prescription quand au moment d'une conversation téléphonique tenue en 2013, ce dernier a reconnu être toujours endetté et lui a demandé un sursis afin qu'il puisse trouver les fonds nécessaires. Puis il y aurait eu, selon Gustave, une seconde conversation le 5 juillet 2013 lors de laquelle Antoine a de nouveau demandé un sursis qui lui aurait été accordé par Gustave.
Plus tard en août 2013, Antoine aurait informé Gustave qu'il cherche à vendre deux immeubles pour, selon ses dires « pouvoir en arriver à une entente favorable avec Gustave... »
Au moment du procès, Antoine témoigne, il nie les faits tels que relatés par Gustave, il déclare n'avoir jamais renoncé à la prescription, si lors des conversations téléphoniques il s'est dit prêt à envisager de lui verser une certaine somme d'argent ce n'était que pour éviter un procès et des frais. Somme toute, Antoine affirme qu'il n'a jamais renoncé à la prescription qu'il avait acquise; il n'existe d'ailleurs aucun document sur cet élément.
L'article 2085 du Code civil du Québec énonce :
« La renonciation à la prescription est soit expresse, soit tacite; elle est tacite lorsqu'elle résulte d'un fait qui suppose l'abandon du droit acquis. Toutefois, la renonciation à la prescription acquise de droits réels immobiliers doit être publiée au bureau de la publicité des droits. »
Gustave va-t-il perdre ce cent mille dollars?
Malheureusement oui, dans une situation similaire à la présente, la Cour d'appel affirme qu'une renonciation tacite à la prescription doit être :
« ... claire et non équivoque, c'est-à-dire que les faits et gestes dont on allègue qu'ils constituent ou entraînent la renonciation doivent être tels que la seule inférence logique qu'on puisse en tirer est celle de la renonciation. »
Après examen du dossier, la Cour d'appel en est venue à la conclusion que les faits relatés n'établissent pas clairement et sans équivoque un abandon du droit de faire valoir l'extinction de la dette (Poirier c. Gravel, Cour d'appel le 9 octobre 2015).
En conclusion, il faut se rappeler que la prescription de trois (3) ans existe pour tous les recours personnels, que la prescription commence à courir dès lors que cessent les remboursements d'un paiement et qu'il est essentiel d'entreprendre un recours avant que le délai n'expire. Se fier sur une renonciation à la prescription de la part du débiteur est illusoire.
Au plaisir,