Votre cousin Guillaume se présente chez vous tout bouleversé, il vient de rompre avec sa conjointe de fait Sylvie avec qui il vivait depuis près de 20 ans.
Il vous raconte que la maison qu'il a construite, l'a été sur le terrain qui appartient à Sylvie, qu'il a travaillé tout près de quatre mille heures pour la construction de la résidence, qu'il a payé de ses propres deniers des ouvriers, qu'il a acheté des matériaux avec son propre argent, etc.
Guillaume a-t-il perdu son temps et son argent? Peut-il récupérer de Sylvie le temps et l'argent qu'il a investis dans la construction la résidence? Eh bien oui, en vertu de l'article 1493 du Code civil du Québec, Guillaume peut exercer un recours connu comme l'« enrichissement injustifié » ou si on veut parler « latin » l'action « de in rem verso ».
En effet, l'article 1493 C.c.Q. stipule :
« Celui qui s'enrichit aux dépens d'autrui doit, jusqu'à concurrence de son enrichissement, indemniser ce dernier de son appauvrissement corrélatif s'il n'existe aucune justification à l'enrichissement ou à l'appauvrissement. »
Le Code civil du Québec et la jurisprudence ont établi six conditions pour que soit accepté un recours pour enrichissement injustifié, soit :
-un enrichissement;
-un appauvrissement;
-une corrélation entre l'appauvrissement et l'enrichissement;
-l'absence de justification;
-l'absence de fraude à la loi;
-l'absence d'un autre recours.
C'est donc dire que le demandeur doit s'être appauvri, que l'autre partie doit s'être enrichie sans justification, qu'il n'y a pas là de geste frauduleux et qu'il n'existe aucun autre recours. Par exemple, ce recours ne pourrait être utilisé par des personnes qui sont mariées puisqu'il y a entre autres dans le mariage justification et des recours prévus en cas de séparation ou de divorce.
Pour obtenir gain de cause, Guillaume devra faire parvenir à Sylvie une mise en demeure lui réclamant le montant de son appauvrissement et naturellement la valeur de l'enrichissement de Sylvie. La mise en demeure est nécessaire puisque selon l'article 1495 C.c.Q, l'appauvrissement et l'enrichissement s'établissent au jour de la demande. Dans le cas de Guillaume, ce dernier aura donc avantage à obtenir une évaluation de la résidence afin de déterminer la valeur marchande du bâtiment. On se souviendra que Sylvie état propriétaire du terrain, donc la valeur du terrain ne devra pas être prise en considération dans l'évaluation.
Guillaume devra faire la preuve des heures qu'il a effectuées, des montants qu'il a versés pour la construction, soit pour la main-d'œuvre et pour les matériaux; de son côté, Sylvie pourra elle aussi faire le même exercice.
C'est ainsi qu'au final, le tribunal établira l'apport de chacun et déterminera s'il y a effectivement appauvrissement d'un côté et enrichissement de l'autre.
Les faits relatés dans l'histoire de Guillaume tirent leurs origines de la décision rendue en Cour supérieure le 11 avril 2012 dans l'affaire Labrecque c. Carrier dont les principes ont été confirmés en appel le 2 mai 2014 à l'exception du calcul dans l'apport du travail de chacun lors de la construction.
En effet, bien qu'il a été prouvé en première instance que monsieur avait travaillé au moins 3750 heures et que madame avait collaboré pour au moins 420 heures, la Cour d'appel a considéré que durant la même période madame acceptait un emploi à plein temps, que sa contribution aux charges domestiques a grandement dépassé celle de monsieur et que cette dernière « ... doit être compensée en considérant qu'ils ont contribué également à revaloriser l'actif émergeant de leur maison. » En conséquence, la Cour d'appel a évalué au même montant le travail de chacune des parties.
En conclusion, si vous n'êtes pas mariés et que vous vivez une union de fait, vaut mieux établir dans un écrit toutes les modalités de cette union; si vous collaborez à un projet commun avec une autre personne, il vaut mieux établir par écrit les règles du jeu et dans tous les cas, conserver les factures et autres documents qui pourraient éventuellement servir de preuve à vos demandes.
Au plaisir.