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Condo et vice caché

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Me Michel Joncas Par Me Michel Joncas
Jeudi le 10 janvier 2019

Votre belle-sœur a acquis un condominium à Montréal avec une vue imprenable sur le fleuve St-Laurent. Après y avoir effectué d'importants travaux de rénovation, elle se rend compte en décembre de la présence de condensation dans les fenêtres.

Elle vous raconte les faits suivants : avant de se présenter chez le notaire, elle avait pris connaissance de la déclaration du vendeur qui affirmait qu'il n'y avait pas de condensation importante et régulière en hiver dans les fenêtres, mais il y avait une note du courtier qui se lisait comme suit :

« À l'hiver 2013, aucune condensation observée, réparations
effectuées à l'été à la fin de 2012. Probablement l'humidité
causée par mode de vie antérieure. »

Durant les négociations, le vendeur a modifié sa déclaration affirmant qu'il y a eu présence d'infiltration dans le passé attribuant cela à son mode de vie, dont la présence d'un humidificateur. Votre belle-sœur avait été satisfaite de ces explications. Elle signe une offre d'achat où il est écrit :

« .... par temps froid condensation dans la porte extérieure de la porte-patio de la chambre à coucher principale également dans la porte de la cuisine... »

Toujours avant la signature du contrat, votre belle-sœur a rencontré le gestionnaire de la copropriété pour lui poser des questions et lui remettre les plans des travaux de rénovation qu'elle désirait exécuter.

En janvier, il y a de plus en plus de condensation et le givre s'installe dans les fenêtres; elle avise par écrit le gestionnaire de la copropriété, lui demande de procéder à des réparations ainsi que d'aviser les administrateurs du syndicat. Elle dénonce également à son vendeur dans un écrit les problèmes qu'elle rencontre.

En discutant de son problème avec des voisins, elle apprend que cette situation existe depuis plusieurs années, que son vendeur connaissait les problèmes ainsi que le syndicat. On lui remet alors une lettre de propriétaires ayant vécu antérieurement dans le condominium qui ont vécu les mêmes difficultés. Elle donne mandat à un expert pour examiner la situation et trouver des solutions. L'expert lui propose des solutions qui étaient déjà présentes dans un rapport antérieur.

Elle fait parvenir à son vendeur une mise en demeure lui réclamant le coût des travaux de réparation ainsi que le remboursement pour une cotisation spéciale concernant la toiture.

Les avocats du vendeur répondent que leur cliente n'est pas responsable concernant les problèmes de condensation, que c'est le syndicat qui est plutôt le responsable.

Comme le syndicat affirme qu'il n'y a aucun problème de conception, votre belle-sœur a fait appel à un architecte qui conclut dans son rapport que l'installation mécanique est non conforme au code du bâtiment, que la distribution d'air est mal conçue... il suggère la pose d'un échangeur d'air, que des travaux majeurs devraient être effectués à l'extérieur, etc.

Entre temps, votre belle-sœur a reçu des avis de cotisation spéciale, à la suite des décisions de l'assemblée générale pour le remplacement des tours d'eau, des travaux majeurs pour les garages et les façades qui totalisent 59 418.60$. Elle prétend qu'il s'agit de vices cachés.

N'ayant pas de réponse à ses demandes, votre belle-sœur entreprend un recours en injonction pour forcer le syndicat à entreprendre des travaux pour corriger le vice de conception et une diminution du prix de vente de 59 418.69$ pour les cotisations spéciales et d'autres dommages. Votre belle-sœur a-t-elle raison?

Dans une décision rendue le 10 août 2018 dans le dossier Huard c. Bourdon et le syndicat des copropriétaires Le Montérégien, le Tribunal a conclut de la façon suivante aux questions posées.

Y avait-il un vice grave et caché au moment de la vente? Le Tribunal conclut que oui et écrira:

« (63) En tout état de cause, il importe peu qu'il y ait ou non infraction à la législation dans le domaine de la construction; la conception des trois unités se trouve viciée du seul fait que celles-ci n'ont pas été conçues et construites pour être exposées et pour supporter les intempéries de leur orientation particulière. »

De plus, le Tribunal déclare que le simple fait d'avoir dénoncé plus tard la condensation dans la porte-patio et celle de la cuisine ne suffit pas et affirmera :

« (76) Le Tribunal est plutôt d'avis que Bourbon (la vendeuse) ne pouvait se décharger de sa responsabilité dès lors qu'elle avait connaissance du vice affectant son unité; elle savait l'ampleur du problème et n'a pas fourni l'information nécessaire à Huard (l'acheteur). Cela s'apparente au dol. »

Relativement à la réclamation en diminution du prix de vente, le Tribunal affirme qu'il n'y a pas de preuve démontrant que le remplacement des tours d'eau est prématuré ou provient d'un vice de construction. Le Tribunal fait la même constatation pour les garages. Elle rejette donc les réclamations à ce chapitre.

Relativement au problème d'eau qui affecte les murs extérieurs, le Tribunal considère que ces murs étaient visibles et pouvaient être examinés. De plus il ajoute qu'en déclarant qu'elle a fait inspecter l'immeuble et qu'elle se déclare satisfaite de l'inspection effectuée et au surplus qu'elle a procédé à l'examen et à la vérification des documents et qu'elle s'en déclare satisfaite, l'acheteuse a pris un risque qu'elle doit assumer.

Ayant condamné la vendeuse à payer 10 000$ en dommages et intérêts pour les troubles et ennuis subis par l'acheteuse, le Tribunal rejette la demande en garantie de la vendeuse contre le syndicat au motif qu'elle connaissait les vices, qu'elle ne les a pas dénoncés et donc qu'elle est la seule et unique responsable des dommages à être payés à la vendeuse.

Relativement à la demande d'injonction réclamant au syndicat d'effectuer des travaux correctifs, le Tribunal cite l'article 1077 C.C.Q. :

« Le syndicat est responsable des dommages causés aux propriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire. »

et considère qu'il s'agit bel et bien de vice de conception qui n'est pas de nature à des travaux d'amélioration de transformation ou d'agrandissement (art 1097CCQ).

Le Tribunal forcera donc le syndicat à effectuer l'ensemble des travaux suggérés par les experts, mais refusera le changement de la porte-patio arguant qu'il s'agirait cette fois-ci d'une amélioration et non pas d'un vice de conception ou de construction.

Le Tribunal rejettera la demande de l'acheteur relativement au paiement de la moitié de ses frais d'avocat, car selon la juge, la défense de la vendeuse et du syndicat étaient légitime.

Finalement le Tribunal accordera les frais de justice et ceux des experts à la vendeuse.

Que faut-il retenir de cette décision?

Tout d'abord que le vendeur d'un condo ou de tout autre immeuble doit déclarer tout ce qu'il sait sur ledit immeuble sans aucune restriction.

Que le syndicat est responsable des vices de conception et de construction et qu'un propriétaire de condo peut forcer par une injonction l'exécution des travaux nécessaires.

Finalement, il est essentiel quand vous vous présentez devant le Tribunal de faire une preuve pour chacune de vos réclamations.

Au plaisir et bonne année 2019!

Me Michel Joncas
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés

 

[1] Huard c. Bourdon, 2018 QCCS 3160, p.4

[1] Id, p.5

[1] Id, p.11

[1] ID, p.13

 


 



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