Quelle est la responsabilité d'un copropriétaire en l'absence de mise en demeure et en cas de refus du syndicat de poursuivre son assureur?
Vous êtes copropriétaire d'un condo. Votre voisin également copropriétaire d'un autre condo se plaint au syndicat de la présence d'odeur et d'humidité dans sa salle de bain. Après examen, il appert qu'il existe une fuite d'eau qui provient de votre cabinet de toilette. Il s'agirait selon l'expert engagé d'une dégradation du joint d'étanchéité. Vous n'avez jamais réalisé que votre cabinet de toilette fuyait. Les dommages sont considérables et touchent plusieurs autres unités.
Le gestionnaire de l'immeuble prend pour acquis que la cause de la fuite d'eau est du ressort du syndicat donc de sa responsabilité; d'ailleurs, ce dernier vous suggère de ne pas aviser votre assureur. Les travaux sont entrepris. Quelques jours plus tard, le conseil d'administration du syndicat décide de vous tenir responsable des dommages et une mise en demeure vous parvient deux semaines après cette résolution des administrateurs du syndicat.
À la lecture de la déclaration de copropriété, il ne fait aucun doute que la partie de tuyauterie d'où provient la fuite vous appartient, donc qu'il s'agit d'une partie privative. De même, il existe une autre clause du contrat qui déclare que tout copropriétaire reste responsable à l'égard des autres des conséquences des dommages causés par un bien dont il est responsable.
Dans ce contexte, avez-vous une défense à faire valoir?
Les événements qui viennent de vous être relatés se sont produits dans l'affaire Syndicat des copropriétaires du Condominium Verrières VI c. Maddalon et als (2018 QCCS 2312).
Dans ce dossier, le tribunal, après avoir constaté que le joint d'étanchéité défectueux était un bien dont les défendeurs avaient la responsabilité, en arrive à la conclusion que la réclamation du syndicat doit être rejetée puisqu'elle n'était pas précédée de l'envoi d'une mise en demeure en temps utile, soit avant que les travaux ne débutent.
En effet, quand les défendeurs ont reçu la mise en demeure, ces derniers étaient placés devant un fait accompli. En aucun moment, ils n'ont pu vérifier si la fuite d'eau provenait effectivement de leur cabinet de toilette, ils n'ont pas pu faire des expertises à leur tour sur l'origine ou la cause du sinistre.
Les défendeurs avaient aussi un autre moyen de défense à faire valoir à savoir une clause du contrat de copropriété qui se lit comme suit:
« [38] 52. Toute police d'assurance contractée par le syndicat doit prévoir :
52.1 Une renonciation par l'assureur à tous recours contre les administrateurs, chacun des copropriétaires [...] »
Pour les défendeurs, le syndicat avait l'obligation d'épuiser son recours contre son assureur, ce à quoi le juge acquiesce pour écrire :
« [86] En refusant d'exercer ses droits contre son assureur (Aviva), le syndicat a privé Maddalon-Molson de leur droit de ne pas faire l'objet d'un recours subrogatoire (clause 52 de la convention de copropriété). »
« [91] De l'avis du tribunal, le Syndicat doit épuiser son recours à l'endroit de l'assureur du bâtiment avant de s'adresser aux copropriétaires ».
Le juge conclut en rejetant la réclamation du Syndicat.
En conclusion, il faut retenir qu'avant d'effectuer des travaux ou quoique ce soit qui change la nature d'une situation, il est obligatoire d'aviser par mise en demeure la personne que l'on tient responsable des dommages afin que cette dernière puisse procéder à toutes les expertises qu'elle juge utiles ou nécessaires.
De même, si vous être propriétaire d'un condo, vérifiez si une clause similaire à celle invoquée dans la présente affaire se retrouve dans votre convention de copropriétaires, sinon il pourrait être très utile pour vous et les autres copropriétaires d'inclure cette clause dans votre déclaration de copropriété.
Au plaisir,
Me Michel Joncas