Vous décidez de modifier votre entrée de garage et pour ce faire, vous retenez les services d'un spécialiste pour l'installation de dalles de béton estampées. Vous convenez d'un contrat au montant de 23 748.00$ avant taxes. La soumission incluait le retrait de l'asphalte existant, les travaux d'excavation et la mise en place d'une fondation de pierres zéro trois quarts nettes. Les travaux sont réalisés en juin 2014.
Lors du retrait de l'asphalte, la présence de pierres zéro trois quarts est constatée, la pierre est compactée dans un sol argileux. Vous exigez de l'entrepreneur qu'il enlève la pierre pour la remplacer par de la pierre nette selon le contrat convenu. Le représentant de l'entrepreneur vous affirme que l'utilisation de la pierre zéro trois quarts nette « est inappropriée étant donné ses caractéristiques... ». Vous niez avoir reçu cette information.
Les travaux sont exécutés, vous payez le prix convenu.
En 2015, certaines dalles commencent à se fissurer. Le contracteur effectue des réparations. En 2016, de nouvelles fissures apparaissent; le contracteur procède à des réparations cependant les dalles continuent à se soulever, à se fissurer et à se décolorer. Au printemps, vous exigez que tous les travaux soient repris, ce que refuse le contracteur. À cette fin, vous obtenez des estimations qui varient entre 14 500.00$ et 15 200.00$ avant taxes. Vous déposez une procédure auprès de la Cour des petites créances.
Quelles sont vos chances?
Dans le dossier Séguin et Roy c. Béton Cellulaire inc., le juge saisi du dossier s'est exprimé comme suit.
Il a tout d'abord traité de la prescription, le recours des demandeurs était-il prescrit au moment du dépôt?
Le juge établit que la prescription est de trois ans pour faire valoir un droit personnel (art 2925 C.c.Q.) et que le point de départ de la prescription est le jour où le droit a pris naissance (art 2880 C.c.Q.) soit dans notre dossier, le jour où les premières fissures sont apparues en 2015.
Par la suite le juge réfère aux articles 2098 et 2100 C.c.Q. qui définissent les relations entre les parties pour un contrat de service.
2098 Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
2100 l'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art et de s'assurer le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
1 Séguin c. Béton cellulaire inc., 2019 QCCQ 7225
Lorsqu'ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
C'est ainsi que pour le juge, l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat, soit celle de fournir un ouvrage conforme aux règles de l'art et exempt de vices de construction.
En défense, l'entrepreneur peut de son côté invoquer l'article 2119 C.c.Q. et plus particulièrement le dernier paragraphe qui se lit comme suit :
Art 2119 Chacun pourra se dégager de sa responsabilité en prouvant que ces vices résultent de décisions imposées par le client dans le choix au sol ou des matériaux, ou dans le choix des sous-entrepreneurs, des experts ou des méthodes de construction.
À ce sujet, le juge faisant référence à un auteur conclura:
(56) En d'autres termes, ce moyen d'exonération offert à l'entrepreneur s'applique uniquement dans le cas où le client possèderait une compétence dans le domaine de la construction égale ou supérieure à la sienne .
Sur ce dernier point, le juge détermine que l'entrepreneur n'a pas fait la preuve de l'immixtion injustifiée des demandeurs.
Finalement le juge considérant la gravité des dommages subis, reconnais que les dalles devront être entièrement remplacées après que le sol aura été réaménagé, il condamne le contracteur à payer la somme de 15 000$.
Que faut-il retenir de ce jugement?
Quand vous faites exécuter des travaux, il est toujours prudent d'avoir un contrat dans lequel vous avez le détail des travaux à être exécutés. De même, si vous n'avez pas de connaissance vraiment particulière, vaut mieux ne pas vous immiscer dans les travaux, ce qui ne vous empêche pas de vous informer auprès de votre entrepreneur des méthodes utilisées pour faire les travaux ainsi que des matériaux sélectionnés.
2 Séguin c. Béton cellulaire inc., 2019 QCCQ 7225
Au plaisir
Michel Joncas, avocat
Fontaine Panneton Joncas Bourassa & Associés