Au moment où les médias focalisent
notre attention sur une caravane de camionneurs qui prend d'assaut la capitale
nationale du Canada et où notre degré d'écœurement envers toutes mesures
sanitaires atteint son paroxysme, notre attention envers la crise climatique
est réduite à sa plus simple expression. Pourtant, la crise climatique est le
plus grand enjeu auquel est confrontée l'humanité entière. C'est le plus grand
champ de bataille de notre histoire : le vivant contre les pulsions de
destruction de la planète. Il est urgent que la question des changements
climatiques devienne le centre de notre attention. La crise actuelle de la
pandémie de la COVID-19 est de la petite bière si l'on compare aux défis que
poseront les changements climatiques à notre vie dans les prochaines années.
Le constat
est implacable
Les faits et les chiffres sont
incontestables. Le réchauffement de la planète s'accélère. Les inondations, les
sécheresses, les feux de forêt, les ouragans, les tornades sont des phénomènes
familiers aujourd'hui. La Colombie-Britannique, la Californie en ont subi les
conséquences dans la dernière année avec les feux de forêt et les inondations
qui ont dévasté ces territoires. Nous n'en sommes plus à débattre des causes.
Nous les connaissons. Nous ne pouvons plus accepter les demi-mesures ou les
faux débats sur la possibilité de donner à la fois dans le développement
économique tous azimuts et dans la protection de l'environnement. Nous n'en
sommes plus là. Il faut agir et agir maintenant. Il faut changer le monde. Il
faut prendre parti pour le vivant contre les mauvais choix du passé. Bien sûr,
prendre parti pour le vivant ne se fera pas sans heurts. Cela bouleversera notre
vie comme nous la connaissons aujourd'hui. Ces grands bouleversements sont
nécessaires si l'on veut sauver l'humanité de sa disparition.
Commençons
chez nous...
Je sais. Ce problème de la crise
climatique est bien plus grand que nous. Même si le Québec et le Canada avaient
un bilan de zéro émission de gaz à effet de serre, cela ne changerait rien au
sort de l'humanité si de grands pays comme la Chine, l'Inde et les États-Unis
ne font rien pour enrayer la progression du CO2 dans l'atmosphère.
Ce n'est pas un hasard si les pays par de grandes messes tentent d'adopter des
orientations pour freiner la progression de cette crise. Comme ces accords ne
sont pas contraignants, ces accords aussi encourageants puissent-ils être au
moment de leur adoption finissent en queue de poisson, car aucun État ne les
respecte.
C'est pourquoi il faut agir pour
l'humanité et se doter d'une puissante diplomatie anti-crise du climat pour
convaincre et persuader les pays de la planète d'emboîter le pas. Il faut dire
que se donner en exemple est la meilleure des diplomaties. Ce qui n'est pas le
cas en ce moment pour le Canada. Malgré les beaux discours du premier ministre
Justin Trudeau et la crédibilité que lui donne la présence de l'écologiste Steven
Guilbault à son conseil des ministres, les résultats tangibles sont décevants.
Les cibles sont toujours reportées alors qu'il faut agir dès aujourd'hui. Ce
qui est vrai pour le Canada ne l'est pas moins pour le Québec. Privilégié par
la présence sur son territoire d'une énergie propre en grande quantité, le
Québec n'a pas profité de cet atout incroyable pour devenir un exemple à
suivre. Nous nous sommes plutôt attardés à négocier une réduction pancanadienne
qui affecterait le moins possible notre développement économique. Bref, à
vouloir faire une transition la plus douce possible d'une économie carbone à
une économie durable, nous sommes prêts à perdre notre avantage comparatif du
début. L'urgence d'agir sera réalité plus tôt que tard et nous vivrons cette
transition en mode crise plutôt qu'en mode changement. Si certains se rebiffent
aux limitations actuelles qu'impose l'observance des mesures sanitaires liées à
la crise de la pandémie, ils seront révoltés des mesures qui seront nécessaires
pour faire face aux catastrophes engendrées par les conséquences de la crise
climatique. Vaut mieux agir maintenant par choix que plus tard par nécessité.
Cela semble pourtant facile de choisir le vivant plutôt que nos pulsions de
mort destructrices liées à notre monde d'hyperconsommation et d'inégalités
sociales et économiques.
Le courage
Certes, changer. Prendre parti du
vivant demande beaucoup de courage et aussi une certaine abnégation sur des
aspects actuels de nos modes de vie. Nous ne pouvons pas changer sans que cela
affecte nos modes de vie actuelle. La vie bonne comme nous l'imaginons
aujourd'hui et comme nous l'ont vendu les millions de publicités qui ont
construit notre imaginaire actuel doit être réinventée. Un livre récent des
économistes François Delorme et Gérald Filion est instructif à plusieurs
égards. Ils démontrent un portrait réaliste des choix qui s'offrent à nous. Il
faut le dire malgré certains aspects positifs, le constat général est plutôt
pessimiste. Dans les faits, la démocratie est en jeu. Les inégalités sociales
et économiques augmentent. La chute de la confiance de la population dans les
institutions est évidente. Cela ne peut pas être plus évident si l'on scrute le
discours des antitout dans le cadre de la présente crise sanitaire. Les médias
et leur manière populiste de nous raconter notre quotidien, les faux-fuyants
des discours politiques, les discours de haine attisés contre l'Autre, celle ou
celui qui est différent, constituent un cocktail dangereux pour l'avenir de nos
démocraties, mais aussi pour celle de l'humanité. Il est clair que nous avons
besoin de plus en plus de courage et d'ambition. Nous avons aussi l'obligation
d'innover pour redonner de l'espoir à notre jeunesse afin de nous en sortir
ensemble. Nous le devons à nos enfants et nos petits-enfants. Il faut dire avec
la jeune écologiste suédoise Greta Thunberg « No more bla bla bla ».
Un exemple
de courage politique : Évelyne Beaudin
Un exemple de ce type de courage et
d'ambition nous a été donné récemment par la nouvelle mairesse de Sherbrooke, Évelyne
Beaudin, qui malgré une entente préalable négociée avec des citoyennes et des citoyens
concernant la réglementation sur les berges de nos rivières, a décidé de la
rompre pour préserver la vitalité de nos cours d'eau. On se rappellera que la
fonction publique de la Ville avait recommandé au nouveau conseil élu en
novembre dernier de procéder à certains assouplissements, surtout pour les
propriétés à petite superficie. De nombreux nouveaux élus n'étaient pas à
l'aise avec les ajustements proposés à la séance du 22 novembre. La
mairesse Beaudin avait exprimé son désaccord avec les recommandations du bureau
de l'environnement. Fidèle à la position qu'elle avait prise alors qu'elle siégeait
comme conseillère municipale, madame Beaudin pensait qu'il fallait raffermir
ces normes. Je sais, certains plaideront pour les droits acquis ou les droits
de propriété. J'en suis, mais agir contre les changements climatiques n'est pas
un menu de grands restaurants. Il faut prendre toutes les actions nécessaires. À
mon sens, la protection des berges de nos cours d'eau est un minimum.
Voilà un exemple de courage nécessaire et
d'ambition de nos politiciens si l'on veut vraiment choisir la vie...