Depuis sa fondation en 1968, le Cégep de Sherbrooke s'est métamorphosé en s'adaptant aux changements de sa communauté et du monde qui l'entoure.
Il se donne aujourd'hui pour mission de former des étudiantes et des étudiants engagés, compétents et prêts à relever les défis de demain.
À l'occasion de son 50e anniversaire, nous commémorons son histoire, son évolution, et partageons quelques anecdotes...
(Photo : Un duplicateur à alcool. Source : Wikipédia)
En très peu de temps, à la fin des années 60, tout un réseau de cégeps était mis sur pieds. Ces institutions auront réformé le système d'éducation du Québec et, encore aujourd'hui, continuent de transformer notre société.
Marie Théorêt, enseignante en sociologie au cégep pendant 35 ans, nous raconte les débuts de 1968.
Tout était à faire!
À la première rentrée scolaire, Marie Théorêt se souvient que son plan de cours faisait au total trois lignes! Il n'y avait pas de plans de cours prédéfinis et très peu de normes ministérielles à respecter en matière de contenu éducatif. Les enseignantes et les enseignants avaient une grande liberté quant aux méthodes d'enseignement et aux sujets couverts dans un cours.
« On me disait d'expliquer aux élèves ce qu'est la sociologie. Ça finissait là, aucune autre directive. » Toutefois, Mme Théorêt ne retient que de beaux souvenirs de cette époque. En effet, cette liberté d'établir la matière à enseigner était un privilège : elle pouvait couvrir un large éventail de sujets. De plus, cela permettait aux élèves de pousser leur curiosité sur les notions vues en classe, de se questionner et d'apprendre par eux-mêmes, notamment en observant leur environnement.
Même en ce qui a trait aux méthodes d'évaluation, il n'y avait pas d'exigences d'uniformité. Les examens étaient facultatifs et laissés à la discrétion du personnel enseignant. Certains privilégiaient les travaux pratiques, d'autres les examens théoriques. Par contre, les exigences liées à la qualité du français étaient déjà de mise : il fallait pénaliser les élèves pour les fautes de syntaxe et de grammaire. Cependant, Mme Théorêt n'était pas toujours d'accord, surtout en ce qui concerne la règle selon laquelle le masculin l'emporte toujours sur le féminin.
Les grandes révolutions technologiques
Bien entendu, à l'époque, il n'y avait ni Internet ni ordinateur portatif. Pourtant Mme Théorêt réussissait tout de même à transmettre sa matière et la documentation nécessaire.
Au départ, les enseignantes et les enseignants utilisaient les bonnes vieilles méthodes : « On avait de la craie et un tableau; j'écrivais mes notes de cours à la main, puis les reproduisais pour mes élèves. » Toutefois, la photocopieuse n'existait pas encore, c'était l'époque du duplicateur à alcool. Avec cette machine, une seule copie nécessitait beaucoup d'effort. Elle s'activait à l'aide d'une poignée, et pour chaque copie elle effectuait trois tours sur elle-même. Pour ses quelque 100 élèves, madame Théorêt devait répéter le même geste pour chacune des copies.
Pour Marie Théorêt, la plus grande révolution technologique de l'époque fut le projecteur à diapositives. Dorénavant, pour diffuser des images, plutôt qu'emprunter de grosses bobines de film à l'Office national du film du Canada (ONF), il lui suffisait de projeter des diapositives. «Pour moi, les projecteurs ont vraiment fait toute la différence. C'était beaucoup plus facile et rapide!» Par contre, il était nécessaire de réserver un projecteur très longtemps à l'avance pour avoir la certitude d'avoir accès à l'une des 2 ou 3 machines disponibles pour tout le personnel enseignant.
Les cégeps : un vent d'espoir pour les femmes
Selon l'ancienne enseignante, durant les premières années du Collège de Sherbrooke, les femmes ne représentaient pas plus du quart de la population étudiante. À cette époque, l'éducation des filles se limitait à la petite école. Peu de femmes entamaient des études supérieures, la majorité se rendait plutôt aux écoles ménagères. Dans ces institutions, les femmes apprenaient principalement à s'occuper du foyer et des enfants, puisque c'était encore souvent le rôle pour lequel on les destinait.
« Peu de femmes poursuivaient des études universitaires, mais quand les cégeps sont arrivés, ça les a beaucoup attirées. Au point que l'administration se questionnait sur le nombre de filles admises. Parce que chaque année, il y en avait de plus en plus.»
(photo : Les graduées du programme Soins infirmiers, 1976)
Les cégeps ont donné aux femmes un meilleur accès aux études. Elles pouvaient dorénavant envisager de nouvelles voies d'avenir. Bien qu'au départ la majorité des femmes s'inscrivaient à des programmes du département des Sciences et techniques humaines, petit à petit, elles ont su prendre leur place dans tous les cursus d'études.
(Photo : Des étudiantes dans un cours d'aérobie au Cégep de Sherbrooke)
Par ailleurs, le Collège de Sherbrooke était parmi les premiers cégeps à embaucher des femmes comme enseignantes en éducation physique. Leur présence a permis l'émergence de nouvelles disciplines sportives, plus adaptées aux femmes.
Enfin, à la même époque, le mouvement féministe était en pleine effervescence. Au Collège de Sherbrooke, c'était entre autres le droit de porter le pantalon en tout temps pour les femmes que Marie Théorêt revendiquait. Après tout, les femmes comme les hommes avaient le droit de se vêtir confortablement pour venir étudier ou travailler, surtout l'hiver!
Un trésor de souvenirs
Des souvenirs et des anecdotes, Marie Théorêt en a des tonnes à raconter. Celle qui a enseigné 35 ans au Cégep de Sherbrooke se dit choyée d'avoir vécu une si belle expérience : « J'ai fait ce métier avec amour. J'ai aimé mes élèves, ils l'ont senti et me l'ont bien rendu. Si c'était à refaire, je recommencerais sans hésiter.»
Il y a eu beaucoup de changements depuis les débuts de Mme Théorêt. Toutefois, encore aujourd'hui, il est juste d'affirmer que le dévouement du personnel enseignant demeure. Le Cégep de Sherbrooke se démarque par la qualité de ses programmes et c'est grâce aux enseignantes et enseignants qui continuent d'exercer avec passion.
(Photo : Marie Théorêt lors de l'événement de lancement des activités du 50e anniversaire du Cégep de Sherbrooke. Crédit : Cégep de Sherbrooke)