Tranquillement les activités reprennent pour le plus grand bonheur de tous. La vie tente de reprendre son cours mais parfois, pour certains, la suite est moins heureuse. Perte de revenus, que ce soit de façon temporaire ou permanente, laisse de bien grands trous dans le budget de plusieurs.
On attend de plus en plus parler du phénomène de force majeure ou bien encore du traditionnel « Act of God ». La force majeure est définie à l'article 1470 du Code civil du Québec qui stipule :
« Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d'une force majeure, à moins qu'elle ne se soit engagée à le réparer.
La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible ; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères. »
C'est de cet article qu'il est question quand on parle de guerre civile, d'inondations, de tsunamis, d'insurrection et...... de pandémie. En effet, personne n'aurait pu prévoir ce type d'évènement et il n'y a pas moyen de faire en sorte de l'éviter. On semble donc bel et bien parler de force majeure.
Pour apprécier le critère d'imprévisibilité et d'irrésistibilité, il faut se placer au moment où le contrat, source de l'obligation, a été contracté. On comprend que les co-contractants d'un contrat signé il y a un an ne pouvaient pas faire état d'une possible pandémie contrairement à celui signé en mars 2020.
Donc nul doute, la pandémie pourrait être considérée un cas de force majeure comme pour la grippe H1N1 en 2010 mais est-ce que cela peut permettre pour autant à un débiteur de ne pas exécuter ses obligations ? C'est là que réside la vraie question.
Bien entendu, les tribunaux devront très certainement trancher la question plusieurs fois dans les prochains mois. Beaucoup de débiteurs ayant perdu leur emploi vont tenter cette voie pour s'exonérer de leurs obligations ou encore annuler certains contrats en vertu de l'article 1693 du Code civil du Québec qui mentionne ceci:
« Lorsqu'une obligation ne peut plus être exécutée par le débiteur, en raison d'une force majeure et avant qu'il soit en demeure, il est libéré de cette obligation ; il en est également libéré, lors même qu'il était en demeure, lorsque le créancier n'aurait pu, de toute façon, bénéficier de l'exécution de l'obligation en raison de cette force majeure ; à moins que, dans l'un et l'autre cas, le débiteur ne se soit expressément chargé des cas de force majeure.
La preuve d'une force majeure incombe au débiteur. »
Dans tous les cas, il faudra d'abord se référer au contrat qui est la source des obligations (bail, contrat d'assurance, contrat d'achat de voyage, etc.). La force majeure prévue au Code civil du Québec n'est pas d'ordre public, donc elle peut être écartée de façon contractuelle.
Si ce n'est pas votre cas, vos obligations seraient alors analysées par les tribunaux en prenant en cause l'ensemble des faits (le contexte) et des clauses à votre contrat. Vous avez tout-à-fait intérêt à trouver une entente avec votre créancier à l'amiable ou encore avec l'aide d'un médiateur.
Et surtout, ayez toujours à l'esprit que l'article 1375 du Code civil du Québec impose aussi aux parties de négocier de bonne foi. La partie qui se montre déraisonnable et campe sur ses positions malgré le malheur de l'autre partie pourrait être considérée comme ayant violé son obligation de bonne foi.
Bien à vous,
Me Karine Jobin, avocate chez Monty Sylvestre, conseillers juridiques