Ce qui
s'exprime s'imprime.
Généralement,
les intervenants psychosociaux affirment l'inverse : ce qu'on n'arrive pas
à exprimer s'imprime en nous et peut devenir très nuisible. Ainsi, une colère
non exprimée s'imprimera à l'intérieur de la personne et provoquera un
enchaînement de comportements néfastes.
On ne
naît pas tous égaux. On n'évolue pas de façon égale non plus.
Au
moment d'écrire cette chronique, je ne sais pas trop comment m'y prendre. En
fait, j'essaie d'exprimer une colère que je ressens envers les abus de langage
que j'entends et je lis, surtout sur les médias sociaux, mais je me demande
comment faire pour que ce soit efficace et respectueux.
«T'as
pas à être respectueux envers quelqu'un qui te lance un char de m...ots
violents! »
Je pense
le contraire, justement! Mais y arriver, c'est autre chose!
Ma
colère envers la violence verbale, écrite (et parfois physique) qui déferle sur
toutes sortes de personnes s'est exprimée de façon plus ou moins directe dans
mes chroniques depuis des années.
J'entendais
Chantal Machabée, journaliste-femme-pionnière dans le milieu macho du sport, qui
admettait que des gens lui écrivaient des lettres (c'étaient avant les médias
sociaux et courriels!) pour lui dire qu'elle était pourrie, poche, qu'elle
devrait retourner dans sa cuisine, qu'elle volait une job à un gars, qu'elle
était là parce qu'elle était « cute et qu'elle cherchait à se
« matcher » avec un joueur », bref, ce n'était pas chic. C'était
il y a près de 40 ans.
Elle a
continué pareil. Mais elle a eu besoin d'une dose de confiance en soi et de
passion pour exceptionnelle son métier pour ne pas choisir de faire autre
chose.
Qui
aurait pu la blâmer de reculer en se disant : « j'ai-tu besoin de ça
dans ma vie? »
Donc,
elle a continué. Mais la méchanceté gratuite exprimée s'est imprimée en elle et
elle peut encore citer les messages haineux.
Les
attaques directes récentes aux politiciens et à d'autres personnalités
publiques (dont le hockeyeur Jonathan Drouin), entretiennent cette colère qui
ne me quitte pas.
À bien y
penser, je sais certainement deux choses par rapport à ma colère:
premièrement, gueuler après quelqu'un qui gueule ne donne rien (j'ai essayé...).
Deuxièmement (et surtout!), ça n'a rien calmé en moi. Ça n'a surtout pas canalisé
ma colère.
C'est là
où j'en suis.
Insulter
quelqu'un qui insulte, c'est provoquer une escalade automatique. Et
automatiquement malsaine.
Liberté.
Encore et toujours...
« Ben
c'est ça, le smatte, censure toute, pis vient encore plus décrisser notre
liberté d'expression! »
La
phrase est fictive. La réalité serait probablement bien pire!
Pour
moi, aucune notion de liberté ne peut permettre de faire volontairement mal à
quelqu'un d'autre. Dit autrement, la liberté d'expression ne peut être invoquée
pour permettre d'atteindre à la liberté d'être de l'autre.
Des gens
ont été paralysés dans la suite de leur vie par de l'intimidation, des propos toxiques.
Des gens ont renoncé à des carrières parce qu'«ils n'avaient pas besoin de
cette haine dans leur vie ». Des gens se sont enlevé la vie à la suite de
charges verbales et écrites répétées.
Quelqu'un
veut tenter de me convaincre que les mots ne peuvent pas blesser? Je l'attends.
On va jaser.
Ce qui
ne s'exprime pas s'imprime, c'est vrai. À l'inverse, ce qui s'exprime de façon
toxique s'imprime dans la personne visée.
Ce
qui doit s'exprimer
Notre
défi social est de favoriser l'expression des frustrations, des refoulements,
des colères. C'est essentiel pour éviter les traumatismes à long terme.
Mais
c'est aussi d'enseigner et de baliser les manières de s'exprimer. Et de ne pas
hésiter à dénoncer, le cas échéant.
Tout est
(encore!) dans la manière.
Le
spectre
Je vois
les façons de communiquer comme un large spectre.
D'un
côté, les partisans de la violence verbale et écrite pour faire mal à l'autre.
À l'autre bout du spectre, les partisans du bannissement de certains mots de la
langue française, peu importe le contexte.
Les
extrémistes sont toujours toxiques.
La
solution est quelque part au milieu du spectre.
Clin
d'œil de la semaine
La
colère est souvent engendrée par la colère qui engendre une autre colère. Pas
mal vicieux, comme cercle!