Julien, le neveu de votre beau-frère, vient de vivre toute une aventure. En effet, il est propriétaire d'un restaurant pour lequel il louait un emplacement dans un centre commercial très connu de sa région.
Le bail débutait le 1er mai 2010 et devait se terminer le 30 avril 2020. Au mois de septembre 2010, le propriétaire du centre commercial annonce qu'il doit procéder à des travaux urgents sur l'extérieur de sa bâtisse. Les travaux démarrent le 13 septembre et se terminent le 24 novembre. Julien a dû enlever sa terrasse extérieure et condamner la porte qui donnait accès directement à son restaurant de l'extérieur. De plus, durant toute cette période, les clients étaient importunés par un bruit important. Malgré la fin des travaux, le bruit perdure et provient du local occupé par une chaîne alimentaire bien connue.
Julien a fait parvenir un avis à son locateur dans lequel il déclarait « on entend des bruits énormes qui viennent du local et qui dérangent nos clients ». Auparavant, Julien avait fait parvenir plusieurs avis au locataire trop bruyant, mais sans succès semble-t-il. Dans cette lettre, Julien concluait en demandant à son locateur d'intervenir auprès du locataire « pour résoudre le problème qui devient insupportable... »
Le locateur a ainsi avisé le locataire fautif et lui a demandé de corriger la situation. Malgré de nombreux efforts, le bruit persiste et demeure toujours présent dans le restaurant.
Au mois de février, Julien intente une poursuite en annulation de bail et réclame des dommages et intérêts.
Au mois d'avril, Julien quitte les lieux loués, n'ayant pas payé les loyers depuis le mois de novembre.
Lors du procès en première instance, la juge entend plusieurs témoins, dont trois experts sur le bruit. La juge conclut qu'il existe un « bruit anormal et perceptible dans le restaurant qui provient de l'entrepôt. » De même, elle retient que les anciens locataires ne se sont pas plaints du bruit, que Julien aurait dû savoir que l'immeuble était construit en béton et en acier, que Julien ne s'était pas plaint avant le mois de novembre, que le locataire n'a pas changé ses méthodes d'exploitation depuis 2010, finalement que Julien n'a pas établi que la perte de son chiffre d'affaires était causée par le bruit.
C'est ainsi que la juge rejette la demande d'annulation du bail, concluant qu'il n'y a pas de lien entre la perte de revenus et le bruit et condamne Julien à payer les loyers dus, plus une pénalité de neuf mois additionnels, tel que stipulé audit bail, soit quelques 150 000,00 $ sans compter les intérêts et les frais. Julien doit-il porter ce jugement en appel, a-t-il des chances de réussir?
Il faut savoir qu'en vertu des règles établies dans le Code de procédure civile du Québec, toutes les décisions dont le montant est supérieur à 60 000,00 $ sont appelables devant la Cour d'appel du Québec, mais encore faut-il que l'appel puisse réussir.
En effet, il faut également prendre en considération que les trois (3) juges qui sont chargés d'étudier un dossier en appel, prendront pour acquis la version des faits retenue par le juge de première instance ainsi que les témoignages entendus. C'est donc dire que si le juge de première instance ne croit pas un témoin, il sera quasi impossible de renverser cette situation. Les juges en appel se prononcent sur des erreurs de droit plutôt que sur les faits. En effet, pour une Cour d'appel, le premier juge qui entend les témoins est le mieux placé pour analyser la crédibilité des témoins.
À cela s'ajoutent les frais et honoraires qui accompagnent un dossier en appel. Selon vous, Julien devrait-il porter sa cause en appel? Nous reviendrons donc sur cette affaire dans notre prochaine chronique.
Au plaisir.