Par Louise A. Legault
La téléréalité en a fait
ses choux gras. Un peu de peinture, beaucoup de rangement, de nouveaux meubles
et accessoires, et cette maison un peu défraîchie qui ne trouvait pas preneur
se vend en claquant les doigts.
Ce serait la crise
immobilière de 2008 et un marché saturé qui auraient donné au home staging (ou mise en valeur
immobilière) ses lettres de noblesse. C'est à l'agente immobilière Barb Schwarz
de Seattle qu'il faut créditer l'invention du concept à la fin des années 1970,
laquelle s'est appuyée sur son expérience du théâtre et de la scène pour
préparer des maisons à la revente. Barb Schwarz a aussi mis de l'avant une
certification (Accredited Staging Professional ASP) recherchée par de nombreux
agents immobiliers américains
Des études américaines
soutiennent que le home staging
permet de réduire du tiers à la moitié le temps requis pour vendre une
propriété. Il influencerait aussi le prix à la hausse, les acheteurs
potentiels.
Figure bien connue du home staging, l'animatrice de Bye-bye
maison ! (à sa huitième saison à Canal Vie), Brigitte Poitras, précise qu'il «
ne fait pas augmenter la valeur de revente; il réduit plutôt la marge de
négociation en diminuant les arguments négatifs que peut utiliser l'acheteur
potentiel». Elle ajoute : «On parle souvent d'un montant de 1% de la valeur
marchande à dédier à la mise en valeur, mais selon le secteur et les
comparables, c'est-à-dire le prix auquel se sont vendues des maisons semblables
dans le secteur, on peut aller jusqu'à 2 ou 3%.»
L'agente immobilière
Monique Beaufort utilise le home staging
depuis maintenant dix ans, et elle obtient d'excellents résultats. «Je ne le
fais pas systématiquement, précise-t-elle. Plus particulièrement pour les
propriétés vides ou encore pour celles qui restent invendues. Dans le cas des
propriétés habitées, les propriétaires ne sont pas toujours prêts à faire des
changements.» Selon elle, le home staging
s'utilise même pour la location, étant donné les loyers exigés pour certains
appartements.
Monique Beaufort donne en
exemple une propriété en vente depuis un bon moment déjà par un autre agent qui
n'avait obtenu qu'une offre d'achat conditionnelle bien inférieure au prix
demandé. Lorsqu'elle a repris le mandat et eu recours aux services de mise en
valeur immobilière, une personne qui l'avait déjà visitée et jugeait l'endroit
intéressant a fait une autre offre à un prix nettement supérieur.
«Il ne faut pas voir le home staging comme une dépense,
souligne-t-elle, mais comme un investissement. Dans ce cas-ci, le propriétaire
a plus que récupéré sa mise. Plutôt que de baisser le prix demandé, on peut
apporter des améliorations qui donneront aux visiteurs une meilleure idée de
l'espace.»
Une propriété vide, par
exemple, semble toujours plus petite qu'elle ne l'est. « Les visiteurs doivent
pouvoir s'imaginer vivre dans l'espace », souligne-t-elle. Elle note cependant
que, dans un marché plus lent, il faut faire preuve d'un peu plus de prudence
car, aux frais d'aménagement, qui se situent autour de 1000 à 2000$, s'ajoute
la location qui peut représenter de 500 à 800 $ par mois. «Une propriété bien
mise en valeur se vendra cependant toujours plus rapidement.»
L'ABC du home staging
Bien sûr, il y a les
conseils que l'on répète sur toutes les tribunes. «Nettoyez. Dépersonnalisez.
Peinturez.» Une règle d'or du home
staging: élaguer! À un fouillis de bibelots disparates, il est préférable,
par exemple, de mettre en valeur quelques pièces de bonne taille. Et à une
bibliothèque qui déborde, il vaut mieux miser sur quelques ensembles et
accessoires bien choisis.
À cela s'ajoutent aussi
les petites réparations négligées qui peuvent trahir un manque d'entretien et
faire douter de l'état général de la propriété : bris apparents, pentures
décrochées, bain rouillé. Certains éléments comme les robinets ou les
luminaires trahissent l'âge d'une maison et de son décor. Brigitte Poitras
concentre ses efforts sur la cuisine et la salle de bains, les deux pièces les
plus importantes dans la décision d'achat. Elle use de certaines astuces:
repeindre les armoires ou le meuble-lavabo, changer le comptoir ou installer un
dosseret, refaire l'émaillage de la baignoire ou l'envelopper. Il faut aussi
équilibrer l'éclairage, souvent déficient l'hiver ou surtout du côté nord de la
maison. « Les coins sombres font mauvaise impression », souligne-t-elle. En
dernier recours, elle louera des meubles d'appoint. Il est parfois même
préférable d'acheter quelques éléments à bon marché. Dans les autres pièces,
quelques points de repère suffiront à situer le visiteur.
Quelques diktats de la
décoration intérieure valent aussi bien en home
staging: dans les choix de couleur, il faut préconiser les couleurs plus
chaudes. Il faut aussi créer des points d'intérêt qui attireront le regard. Une
bonne mise en valeur créera un «couloir virtuel» où se déplacera naturellement
le visiteur, selon Jacinthe Limoges, présidente de l'Académie supérieure
Limoges, qui offre une foule de cours reliés à la décoration, tant pour les
professionnels que pour les amateurs. Le couloir met en valeur les atouts de la
maison et détourne les regards de ses points moins forts. «Il faut créer une
impulsion d'achat», dit-elle.
La vente immobilière à l'heure d'Internet
Le home staging trouve toute son importance quand vient le temps de
publiciser une propriété sur Internet. Ce dernier joue de plus en plus le rôle
de porte d'accès au marché immobilier pour les acheteurs potentiels qui y
magasinent leur maison avant de visiter. Plus question d'afficher sur Internet
des photos sous-exposées ou surexposées, encore moins des photos prises avec un
iPhone !
L'Académie supérieure
Limoges offre d'ailleurs un cours d'une journée sur la photo immobilière,
s'attardant plus particulièrement à la technique high dynamicrange(HDR) où l'on prend plusieurs clichés sur trépied
à différentes expositions pour ensuite les intégrer dans une seule photo, ce
qui donne des photos bien éclairées et plus dynamiques.
Avec l'avancement de la
technologie, certains y vont même du home
staging virtuel, le temps de retoucher les photos avant de les mettre en
ligne pour corriger certains points qui pourraient détourner les clients
potentiels. Certains n'hésitent pas à tailler les arbustes, à placer une boîte
à fleurs virtuelle ou à repeindre un mur... tout cela virtuellement. D'autres
vont même jusqu'à créer des décors complets à partir de banques de données de
meubles et d'accessoires. La peinture ne coûte pas cher dans de tels cas!
Jacinthe Limoges trace
cependant une ligne très nette : il est plus facile en effet de corriger les
défauts évidents à l'ordinateur que sur place. Jacinthe Limoges ne s'y prête
pas, se mettant à la place de l'acheteur.
L'Académie supérieure
Limoges offre depuis peu un cours sur les différentes applications mobiles
mises au point pour la décoration et qui facilitent le travail des décorateurs
et des bricoleurs. Bien entendu, on y revoit aussi les tendances et les
couleurs de l'heure. Pour le bricoleur, l'Académie propose des techniques qui
permettent de réaliser avec succès l'installation de divers accessoires. Le
cours de home staging comme tel se
donne sur six jours, et comprend une partie théorique reliée tant à la
décoration qu'au démarrage d'entreprise et la réalisation en groupe d'un projet
qui permet de mettre à l'épreuve l'approche client des candidats. La sixième
journée fait place à des conférenciers qui discutent tendances, mais aussi
couleurs, question d'éviter des faux pas dans le choix de celles-ci.
Jacinthe Limoges rêve du
jour où le home staging viendra en
tête de liste dans le processus de vente d'une propriété. « À Toronto, par
exemple, on ne songerait jamais à mettre une propriété en vente sans avoir
recours au home staging. Ici, on en
est encore à «je vends moi-même, si ça ne fonctionne pas je retiens un agent,
et en désespoir de cause, je fais du home
staging!» Selon elle, pas plus de 20 à 30% des maisons sont mises en valeur
avant l'inscription. Pourtant, on utiliserait maintenant ces techniques même pour
la location de bureaux !