C'est bien connu, le métier d'agriculteur.trice n'est pas de tout repos. Les longues heures, le travail physiquement éreintant, l'insécurité financière, le manque de relève, et plus encore, sont des poids qui s'accumulent sur les épaules de ceux qui nourrissent les québécois.es. Le stress et la détresse psychologique qu'engendrent tous ces facteurs n'ont fait que s'exacerber en ces temps de pandémie.
Ces travailleurs.euses ont donc grand besoin d'avoir accès à des personnes ressource pour les aider à naviguer dans cette tempête, qui semble-t-il ne passera pas de sitôt. L'accumulation de différentes crises met en évidence les multiples défis auxquels ils et elles sont confrontés depuis le début de l'année 2020. La grève du CN, le blocage des voies ferrées par des manifestants autochtones, la crise sanitaire, les travailleurs étrangers temporaires dont l'arrivée a été retardée, et les aléas de la météo, sont des éléments qui, cumulés, ont pu avoir un effet néfaste sur la santé mentale de plusieurs.
Travailleuse de rang oeuvrant au sein de l'organisme ‘'Au cœur des familles agricoles'', Rachelle Houle fait tout en son pouvoir pour intervenir avant que ces états d'esprit ne deviennent omniprésents et malsains pour cette clientèle particulière. Elle explique que ce type de service a été développé spécifiquement pour épauler les travailleurs agricoles.
« Dans les années 1990-2000 il y a eu un constat de la détresse psychologique des agriculteurs, qui est plus élevé que chez la population en général. Ce sont des gens qui travaillent beaucoup et ce travail est directement dans leur court. » Elle ajoute qu'en plus d'avoir à opérer une ferme, il faut gérer la paperasse, respecter des normes strictes, et s'assurer de la distribution de leurs produits. « De plus en plus ils doivent être très polyvalents; des fermes ce sont des PME. Ils doivent être capables de développer des compétences qui touchent à toutes sortes de domaines : l'administration, la gestion d'employés, ce qui n'est pas donné à tout le monde », selon Rachelle Houle.
Elle fait également remarquer que plusieurs de ces entrepreneurs ont des membres de leur famille à leur emploi, et que la pression est double dans ces situations ; la bonne situation financière de tous dépend du succès des opérations à la ferme; les tensions ou même les conflits de travail entre les membres d'une famille complexifient leur résolution.
« N'importe qui peut appeler à l'organisme pour référer quelqu'un; ou la personne peut appeler elle-même si elle en ressent le besoin. Un voisin, un ami qui s'inquiète, peut nous contacter. Le service est complètement gratuit et confidentiel. Et je n'ai jamais vu un agriculteur ou producteur.trice qui était fâché qu'on s'inquiète pour lui », explique Mme Houle.
Elle invite aussi les conjoints.tes qui ne travaillent pas nécessairement sur la ferme, mais qui vivent dans un contexte agricole, à communiquer avec ACFA si des comportements inhabituels ou des épisodes difficiles sont vécus ou observés dans l'intimité. Les services sont proposés pour des besoins individuels, de couple, ou familiaux.
Une fois la personne référée, Rachelle Houle évalue et identifie ses besoins pour ensuite élaborer un plan d'intervention qui offrira des pistes d'actions constructives et efficaces afin d'aider celle-ci. « On va l'accompagner dans la recherche de solutions. Ce qui m'attirait dans le métier de travailleuse de rang, c'est que l'approche est très flexible et on s'adapte beaucoup aux gens. » Les rencontres se font souvent à la convenance de la personne selon le temps et le lieu qui lui conviennent. « Ça leur permet de prendre un temps pour eux parce qu'ils n'en prennent pas souvent. De vraiment faire un temps d'arrêt et de se dire : ‘'Durant la prochaine heure je regarde ce qui se passe dans ma vie, et je vais travailler pour améliorer mon bien-être, mon confort; que ce soit dans mon couple, ma job de producteur, ou pour moi personnellement qui vit un épisode dépressif'' », raconte la travailleuse sociale.
Le contexte de la pandémie a obligé Rachelle Houle à adapter sa pratique et de communiquer avec ses clients par visioconférence dans les derniers mois. Elle dit ne pas avoir remarqué de grandes différences depuis que cette nouvelle crise a éclaté, mais qu'il s'agit d'un facteur de stress supplémentaire pour les producteurs agricoles. « La fermeture des abattoirs pour les éleveurs de porcs; les quotas de lait qui ont été coupés; ce sont des stresseurs de plus. Mais en même temps, ils n'en sont pas à leur première crise non plus. Je ne veux pas banaliser, mais je ne peux pas dire que ça été la première cause de détresse pour eux. »
« Ce que j'ai appris de les côtoyer c'est que ce sont des gens de cœur, extrêmement travaillants, résilients, qui vivent avec des stress énormes. C'est de réaliser à quel point la vie agricole interfère avec tout le reste de leurs sphères de vie », commente Mme Houle. Elle se dit surprise de constater que la perception et l'opinion du public prend une grande importance pour ceux et celles qui œuvrent à nourrir la population.
Le collectif Agricultrices Québec offre une série de conférences-discussions virtuelles, destinée à répondre aux besoins et aux questions des productrices agricoles du Québec. Sous le thème « Mieux gérer son stress en temps de crise », cinq dates sont prévues en Estrie avec la conférencière et psychologue du travail spécialisée dans le domaine agricole, Pierrette Desrosiers. La conférence permettra de mieux comprendre pourquoi et comment certaines personnes gèrent mieux l'incertitude et arrivent à mieux s'adapter en période de crise. Une période de discussion et de questions, animée par Rachelle Houle, suite à la présentation de Mme Desrosiers.
L'événement est ouvert à toutes les productrices agricoles de l'Estrie et les participantes doivent préalablement s'inscrire en cliquant sur l'une des dates :
-29 juin 2020 : Conférence du Memphrémagog
-6 juillet 2020 : Conférence de Coaticook
-9 juillet 2020 : Conférence du Haut-Saint-François
-13 juillet 2020 : Conférence des Sources
-16 juillet 2020 : Conférence Frontenac et Granit
*Les dates des conférences-discussions peuvent être modifiées en fonction de la météo et du travail au champ. Les participantes inscrites en seront informées. Les événements auront lieu entre 19 h 30 et 21 h.
La situation actuelle doit être une occasion de sensibiliser les gens à la réalité souvent difficile que vivent les agriculteurs.trices, pour être en mesure de mieux apprécier tous les efforts et le dévouement que ceux-ci mettent afin d'acheminer la nourriture que chacun pourra ensuite mettre dans son assiette.
acfareseaux.qc.ca