Le phénomène
Notre-Dame-de-Paris, composé par Luc Plamondon et Richard Cocciante, est de
passage cette semaine au Centre culturel de l'Université de Sherbrooke. Créé en
1998, il va sans dire que le spectacle est plus que rodé et ne fait que
s'affiner avec le temps.
Il y a près de 25 ans, le spectacle
Notre-Dame-de-Paris, inspiré de l'oeuvre de Victor Hugo, a fait naître un grand
engouement pour les comédies musicales. Plusieurs sont nées par la suite, et
malgré le succès qu'elles ont pu connaître, il semble qu'aucune n'ait égalé,
dans le cœur des fans, l'histoire tragique de Quasimodo le bossu. Voilà donc
que près d'un siècle plus tard, une nouvelle mouture fait toujours salle comble,
en tournée un peu partout dans le monde. Est-il légitime de se demander si le
spectacle est toujours d'actualité? S'il a « bien vieilli »?
Des
monuments et une histoire qui touche
Visiblement, la demande était suffisamment
forte pour que l'on décide de remettre en branle l'aventure de
Notre-Dame-de-Paris. La version québécoise, mise en scène par Gilles Maheu et
produite par Paul Dupont-Hébert, conserve deux monuments de la première
mouture : Bruno Pelletier dans le rôle du poète Gringoire et Daniel
Lavoie, toujours dans la peau du détestable prêtre Frollo.
L'excitation était palpable hier soir au
Centre culturel de l'Université de Sherbrooke alors que c'était soir de
première. Le public a chaleureusement accueilli la troupe dès les premières
notes d'« Il est venu le temps des cathédrales », entonnée par Bruno
Pelletier. Ce dernier, à 60 ans, n'a rien perdu de son charisme et sa voix est
toujours aussi puissante et limpide. L'interprète a d'ailleurs confié que
malgré la grande joie de repartir en tournée dans la peau de Gringoire, il a
choisi de ne participer qu'à un certain nombre de représentations, pour
préserver son énergie et sa voix. Bien évidemment, l'aventure est grandement
exigeante sur le plan physique et nécessite un important investissement de
temps.
Mentionnons, dans le même ordre d'idée, le
monument Daniel Lavoie, 73 ans. Définitivement, l'un de nos grands. Lui qui a
créé le personnage du prêtre Frollo en 1998 continue de le porter et de le
faire évoluer avec autant de prestance, de nuance et tout en voix. Lors de
certaines pièces telles que « Être prêtre et aimer une femme »,
« Tu vas me détruire » ou encore « La torture », les
frissons sont garantis. Il est presque bon de détester l'infâme prêtre, torturé
par son amour interdit pour la belle gitane Esmeralda.
Alors donc, le spectacle-culte est-il
toujours au goût du jour, a-t-il « bien vieilli »? Tout à fait.
L'expérience est aussi grandiose qu'elle l'était : les décors et costumes
(Christian Rätz et Caroline Van Assche) sont spectaculaires, il arrive qu'on ne
sache plus où poser les yeux tant les scènes sont riches et pleines d'action.
Chanteurs et danseurs habitent la scène jusque dans les murs de la cathédrale,
derrière le rideau, flottent au-dessus de la scène. La classique histoire du
bossu Quasimodo, sonneur de cloches, recueilli par Frollo en les murs de la
cathédrale Notre-Dame-de-Paris touche. Par les mélodies prenantes, les envolées
lyriques et les textes forts qui la racontent. Malgré l'invraisemblance de
l'amour au premier regard posé sur Esmeralda tant par Quasimodo, que par le
chevalier Phoebus et le prêtre Frollo, on se laisse prendre au jeu.
Une
nouvelle mouture impressionnante
Accompagnant les vieux routiers Bruno
Pelletier et Daniel Lavoie, les personnages de la présente mouture ne manquent
pas d'impressionner. Angelo Del Vecchio, dans le rôle de Quasimodo, tire son
épingle du jeu de façon brillante. Bien sûr, il est impossible d'oublier
complètement l'interprétation initiale de Garou, qui a jadis popularisé le
personnage du bossu. Mais la voix rauque et l'intensité de Del Vecchio
touchent.
Quant à Yvan Pedneault, dans le rôle du
chevalier du roi Phoebus : voix impeccable, physique de l'emploi, lui qui
est partagé entre un amour passionnel pour Esmeralda et un avenir avec sa jeune
fiancée Fleur-de-Lys. Cette dernière, interprétée par Emma Lépine, rend bien le
rôle également, par sa voix cristalline et ses allures enfantines.
Esmeralda, la gitane andalouse qui
ensorcelle les hommes par sa beauté et sa candeur, est interprétée par la
magnifique Elhaida Dani. Elle est le coup de cœur, pour ma part, de cette
nouvelle mouture. Une très belle voix, mais particulièrement la présence et la
mouvance sensuelles nécessaires à ce rôle. Possiblement la meilleure Esmeralda
depuis de début de l'aventure.
En tête de la tribu des Sans-Papiers et
ayant élevé Esmeralda comme un grand frère, Clopin est personnifié avec
justesse et charisme par Jay.
La
danse, un personnage en soi
L'aspect grandiose du spectacle réside en
grande partie en les performances de danse qui sont omniprésentes.
Chorégraphiées par Martino Müller, chacune des scènes se vit et se ressent à
travers les mouvements des danseurs personnifiant les Sans-Papiers et les
gardes de la cavalerie. Il semble que les chorégraphies soient encore plus
élaborées que lors de la première tournée du spectacle. Peut-être est-ce
l'engouement général des dernières années pour la danse, contemporaine
particulièrement, qui peaufine le tout. En tous les cas, les danseurs en
mettent plein la vue, tant par leurs mouvements que par leur interprétation et
leurs prestations athlétiques. Et que dire des costumes!
Ainsi donc, l'œuvre conçue il y a un quart
de siècle par le parolier Luc Plamondon et le compositeur Richard Cocciante et
qui a jadis conquis le monde, séduit encore. Notre-Dame-de-Paris vaut le
déplacement.
En spectacle au Centre culturel de
l'Université de Sherbrooke du 7 au 10 septembre.
www.centrecultureludes.ca