Dans le cadre de la Journée mondiale de la santé mentale, une jeune immigrante témoigne de son parcours, et offre, par le fait même, un espace de réflexion et de dialogue.
C'est à cœur ouvert que je me présente devant
ton écran pour souligner la Journée mondiale de la santé mentale! C'est avec
lourdeur que je veux te faire part de mon témoignage. Oui, tu ne me connais
pas, mais je veux que tu retiennes seulement que je suis une jeune africaine
d'origine camerounaise, qui vit au Canada depuis 2016. J'espère qu'après
m'avoir lu, tu vas être sensible à mon histoire et en t'y reconnaissant juste
un peu, j'espère que la prochaine fois, tu seras là pour moi, pour toi, ou pour
l'inconnu que tu trouveras dans la situation que je vais te décrire.
À l'âge de 16 ans, alors vivant en France, je
fus diagnostiquée de la bipolarité. Après ce diagnostic, ma vie s'est vu être
sérieusement bouleversée. Le plus difficile dans mon parcours fut l'approche
avec laquelle les divers membres de ma famille et mes amis ont reçu la nouvelle
et m'ont accompagné.
À l'époque, adolescente, vivre avec un tel
diagnostic était vraiment compliqué... J'étais jeune et je ne comprenais pas
pourquoi cela m'arrivait... à moi. Ça me troublait encore plus. Pourtant, dans
mon cas, comme dans plusieurs autres cas, la bipolarité dont j'avais été
diagnostiquée avait pour cause plusieurs facteurs tels que l'environnement
familial et social. Étant issue d'une
communauté immigrante africaine noire, ce diagnostic mental m'indexait
énormément et me complexait carrément. Les superstitions de la famille ne m'ont
pas aidée non plus, me poussant dans des situations de crises encore plus
importantes. Ce que j'essaie de te faire
comprendre ici, c'est qu'au-delà de la maladie mentale il y a de vraies
personnes qui souffrent... au fond d'une jeune fille que j'étais, il y'avait
une jeune fille qui souffrait et qui ne demandait qu'à être supportée et accompagnée.
Un diagnostic de maladie mentale,
d'instabilité mentale n'est pas une chose qu'on choisit d'avoir du jour au
lendemain. On le devient du jour au lendemain, à cause de différentes
situations de la vie, ou à cause de nos gènes familiaux. Des troubles d'anxiété
aux troubles de dépression, de bipolarité, jusqu'à l'automutilation ou la
schizophrénie, la santé mentale est à prendre avec sérieux et plus d'empathie.
Dans mon cas, à l'époque je demandais seulement à être acceptée comme toutes
les autres jeunes filles de mon âge. Je souhaitais que mes amis ne voient en
moi rien de différent à eux. J'ai fait en tout 6 ou 7 crises qui m'ont tout
conduit à l'hôpital psychiatrique... Plus jeune, les crises étaient fréquentes,
car je n'étais pas passée en phase d'acceptation de la médication. Depuis que
je vis au Canada, ces crises j'en ai fait 2 : une en 2016 et la dernière
cette année.
Étant arrivée ici au Canada, je croyais que le
regard surement serait plus compatissant, mais j'ai quelquefois, un peu trop de
fois, été surprise par des regards perturbateurs qui m'ont bien souvent affectée.
Finalement, j'ai fini par comprendre que le problème n'était pas l'altération
de ma santé mentale, mais plutôt que le monde a peur de ce qu'il ne connait
pas.
Voici ce que j'aimerais que tu retiennes! Dans
la communauté immigrante et en dehors, nous devrions mettre en place plus
d'outils qui permettraient d'aider autant les personnes souffrant d'un
diagnostic mental que les autres. Nous devons démystifier la peur derrière le
mot « mental ». Et si toi, tu as un diagnostic de maladie mentale, il
te suffirait de te dire qu'en dépit de nos origines, nos croyances, notre
couleur de peau ou autre, dans la communauté humaine qui nous compose, nous
pouvons nous faire aider et avoir espoir de guérir malgré le regard
désobligeant des autres. Pour ceux qui n'ont pas de diagnostic, je vous
encourage fortement à accompagner vos proches dans le processus de guérison et
de vous tenir informés sur la question.
Je vous invite donc à parler de la santé mentale
pour mieux aider, car bon nombre souffrent encore en silence. Des organismes
existent, des lignes téléphoniques aussi, mais avoir un frère, une amie, une
sœur ou un conjoint à l'écoute peut vraiment aider et surtout faire la
différence. N'aies pas honte de demander de l'aide, car ton équilibre pourrait
en dépendre.
Pour terminer, j'aimerais dire ceci : la santé
mentale on n'en parle pas souvent, mais ce n'est pas parce qu'on en parle pas
qu'elle n'existe pas. La santé mentale englobe notre bien-être émotionnel,
psychologique et social. Elle affecte grandement la manière dont nous nous
sentons et réagissons face aux autres. C'est comme une grippe ou un mal de
dents. Elle est si importante et si fragile. Au fond, quand on regarde avec
attention, quand on regarde au-delà du trouble mental, on est tous humains,
exposés au même risque d'être troublés. N'est-ce pas que nous sommes tous
différemment pareils? En effet, on se ressemble bien plus qu'on pense!
Thia, jeune leader à Dialogue +