Sois prudent(e) ! Deux mots prononcés chaque fois que je prends la route. Deux mots judicieusement choisis que j'ai souvent pris à la légère, voire trouvés quétaines à une certaine époque. C'est vrai, que pouvait-il m'arriver de «siii grave» ? J'avoue qu'aujourd'hui, ces deux mots résonnent différemment dans le creux de mes tympans...
Alors que le soleil déployait ses rayons avec vigueur sur les Cantons-de-l'Est et que la douce température, elle, ne me donnait « qu'une seule envie, me laisser tenter » : (Comme le fredonne Philippe Lafontaine dans Coeur de loup) grimper le son de la radio, descendre la fenêtre de la voiture et y sortir le traditionnel coude (rires). L'image est parfaite !
Je rêvassais déjà sur la route à cette coupe de vin réconfortante du samedi soir que je partagerais dans quelques heures à peine. Je n'avais pas calculé qu'une fraction de seconde avait le pouvoir de changer mon plan bien établi.
Le chemin est devenu flou, le ciel s'est assombri et mes idées se sont embrouillées. Je ne me rappelle même plus les vêtements que je portais. Une alarme paralysant mon état de panique s'est mis à résonner si fort dans mes tympans : Vais-je mourir ? Est-ce comme ça que ça doit se terminer ? Comment on fait ça, je ne l'ai jamais appris ?
Puis ma voiture s'est immobilisée... dans le fossé. Je savais qu'elle aimait voyager, mais je n'avais pas envisagé ce choix de destination. C'est à ce que moment que la panique a pris possession de mon corps. J'avoue que mes techniques de yoga se sont volatilisées du même coup.
Sortir de mon véhicule devenait alors une expérience contre nature pour mes jambes qui peinaient à supporter le poids de mon corps. Mon amie, communément appelée adrénaline, m'a donné un fichu coup de pouce pour la réussite de mon projet.
C'est en talons hauts, secouée par la scène, sur le bord de la 55 que j'ai éclaté en sanglot dans les bras de celle qui a percuté mon véhicule. On pleurait le sentiment de peur, d'impuissance mais aussi de soulagement. Personne n'était blessé, ni moi, ni elle, ni ses enfants. Même sa voiture avait fière allure. Le tsunami d'émotions qui s'entrechoquaient dans nos poitrines était plutôt indescriptible et douloureux.
Tout s'est passé très vite par la suite. Mais, je me souviens avoir été émue devant tous ces professionnels mandatés pour nous porter secours et ces témoins aussi qui ont choisi de s'arrêter afin d'assurer notre sécurité.
Alors que j'étais couverte de honte (et de mascara) j'étais sidérée par la douceur des regards, le calme et le respect qui découlaient de cette scène peu glorieuse. Un incident qui aurait pu être catastrophique a plutôt fait ressortir le beau de chaque être humain présent sur les lieux. La seule raison de leur présence était de nous aider. Ça peut sembler banal, mais j'ai encore les yeux dans l'eau juste d'y penser.
C'est par un samedi printanier ensoleillé que j'ai compris toutes les subtilités derrière ces deux mots simples « sois prudente » ! Rien n'est acquis, la vie est précieuse il faut en prendre soin.
Isabelle Perron