L'exploration d'archives
familiales témoigne de coutumes qui peuvent paraître curieuses, étranges, voire
choquantes pour l'œil contemporain. Pourtant, lorsqu'elles sont remises dans
leur contexte, on découvre que ces pratiques ont des origines et des significations
surprenantes. Le mois de novembre, « mois des morts », est l'occasion d'explorer
un de ces usages : la photographie post-mortem.
Jusqu'au début du xxe siècle, les familles
étaient confrontées au décès d'un être cher beaucoup plus fréquemment que de
nos jours. Les facteurs de risque étaient nombreux : problèmes liés à l'hygiène
et à l'accès aux soins de santé, connaissances médicales moins avancées, etc.
Les enfants étaient durement touchés par les maladies infectieuses. À
titre d'exemples, en 1899, le taux de mortalité infantile est de 26,8 % à
Montréal et de 49,9 % à Québec!
Dans ce contexte, la
photographie post-mortem devient un usage fréquent dans la culture occidentale.
La photographie funéraire, souvenir visuel tangible, accompagne les familles
dans leur deuil.
On trouve une photographie
post-mortem dans le fonds d'archives de la famille Masson, de Danville.
Marie-Anna Stéphanette Masson est née le 11 mai 1893 et décédée quelques
mois plus tard, le 16 octobre. Ses parents, Joseph Masson et Marie-Anne
Grégoire, commandent un portrait de leur fille chez le photographe Ula C.
Stockwell. Stéphanette, probablement vêtue de sa robe de baptême, est allongée
les yeux ouverts sur un fauteuil. La mise en scène laisse l'impression que la
fillette est vivante, telle que ses parents l'ont connue et aimée.
Cet objet de commémoration qu'est
la photographie post-mortem devient progressivement accessible à un plus grand
nombre de familles grâce au développement de techniques photographiques moins coûteuses
et permettant la réalisation de plusieurs tirages d'une même photo. Cela permet
de partager le souvenir du défunt avec les membres de la famille élargie.
Le format cabinet, tel que représenté
dans cette chronique, est caractérisé par ses dimensions (environ 10 x 13 cm).
La photographie sur papier à l'albumine est collée sur un carton décoratif. Le
sujet y trône de manière un peu théâtrale, au centre d'un faux décor composé de
murs peints, de meubles d'appoint et de drapés.
La mort et le deuil sont non
seulement des épreuves traversées différemment par chacun, mais aussi selon le
contexte dans lequel on évolue. Bien que cette pratique puisse heurter nos
sensibilités actuelles, la photographie post-mortem est finalement un geste
tendre qui permet aux familles endeuillées de se souvenir d'une personne chère.
On assiste d'ailleurs au retour de cette pratique puisque certains photographes
actuels se spécialisent dans la photographie funéraire.
Le fonds de
la famille Masson, composé d'une trentaine de photographies, permet de retracer
plusieurs membres de cette famille de Danville, et ce, sur plusieurs
générations. On y trouve, entre autres, un dossier concernant le révérend Louis
Aimé Masson, premier curé résident de Danville de 1865 à 1902.
Autres sources :
Burns, Elizabeth A.
(2016). The Burns Archives [site
Web]. Consulté
le 16 octobre 2020. http://www.burnsarchive.com/Explore/Historical/Memorial/index.html
Charbonneau,
Normand et Marion Robert, La gestion des
archives photographiques, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec,
2003.
Mignacca,
Stéphanie, Photographies
commémoratives post mortem américaines du xixe
siècle : mises en scène et mises en sens du cadavre, Université du
Québec à Montréal, juin 2014. https://archipel.uqam.ca/6464/1/M13457.pdf
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Milot, Jean, « La mortalité infantile au tournant du xxe siècle au Canada
français », Paediatrics & Child
Health, Société canadienne de pédiatrie, v. 15 (5), mai-juin 2010. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2912632/#:~:text=Les%20statistiques%20de%20la%20ville,taux%20de%2049%2C9%20%25.