Le mois de mars 2020 a chamboulé les plans de bien des gens. Nous avons tous connu des changements majeurs dans nos vies et nous commençons tout juste à revoir l'ombre de notre vie d'avant.
Les parents avec des enfants d'âge scolaire ont dû se débrouiller afin d'obtenir, sans toujours le vouloir, leur titre de prof. Cette période, d'abord temporaire, s'est prolongée et est restée permanente pour certaines familles. Peu importe la raison qui a poussé les parents à garder leurs enfants à la maison pour cette fin d'année, il faut avouer que ce n'est pas toujours évident de devenir l'éducateur, l'enseignant et même le directeur avec nos propres enfants.
J'ai l'avantage d'avoir un diplôme d'enseignante, mais ce domaine je l'ai quitté depuis plus de 10 ans. On s'entend que le monde de l'éducation est en perpétuel changement, donc pour moi de retourner dans mes vieilles bottines de prof avec ma fille de première année, c'était tout un défi.
Avec deux enfants plus jeunes qui la harcèlent pour jouer avec elle, il faut avouer que la motivation n'était pas au rendez-vous. Et puis, de mon point de vue d'adulte, je voulais profiter un peu de ce temps en famille, comme des vacances. Mais lorsque ces vacances non-planifiées se sont allongées, j'ai décidé qu'il fallait bien poursuivre l'apprentissage et trouver une façon qui plairait à tous les membres de la famille. J'ai essayé plusieurs approches pour finalement opter pour un plan de travail sur deux semaines, me permettant d'échelonner les apprentissages et lui permettant de choisir ce qu'elle désirait faire de ses journées.
La situation hors du commun que nous vivons m'a permis de faire vivre des apprentissages à la hauteur de ses capacités. Pour une fois, elle apprend à sa vitesse. Elle a pu partir des projets qui ne font pas partis d'un curriculum scolaire et qui rejoignent d'avantage ses intérêts. Et puis elle a très peu de temps d'école dans une journée, puisqu'elle se retrouve seule avec le prof; elle peut donc aller jouer avec les plus jeunes rapidement.
J'ai ainsi redécouvert le goût d'enseigner avec elle, le vrai goût de faire apprendre, sans la discipline et les contraintes scolaires. Je planifie les semaines le dimanche soir et j'adore ça! Ma fille, qui avait un goût très limité de l'école, a enfin hâte de voir les prochains thèmes et de faire ses exercices.
Lorsque le temps est venu de retourner à l'école, mon conjoint et moi avons décidé qu'elle resterait à la maison afin de laisser la place aux jeunes qui en ont besoin et dont les parents travaillent. Cette situation étant exceptionnelle, nous voulons continuer d'en profiter au maximum avant un retour plus normal en septembre.
À travers ce plaisir réciproque de faire les apprentissages dans le confort de notre foyer, voilà que ma fille en est arrivée à la conclusion qu'elle ne voulait plus retourner à l'école ! Elle m'a dit « J'adore ma professeure, mais j'aime plus être avec Madame Maman. » Depuis ce temps, cette petite phrase anodine me reste en tête et me tracasse. Quel choix devrais-je faire en septembre ? Je choisis pour elle, pour nous, pour la société ?
Moi qui croyais que le social allait lui manquer, mais non...Elle apprécie autant que son papa et moi cette belle vie sans routine matinale. Et puis que sera réellement l'école en septembre ? Personne ne peut le dire pour l'instant. Je repense à tous les combats le matin pour aller à l'école et je suis soulagée de ne plus les revivre, mais pour moi faire l'école à la maison de façon officielle est un pas différent. Cette fois, j'ai la chance de lui faire vivre ses apprentissages sans passer par des chemins officiels, car le soutien est toujours là via son enseignante et l'école. Mais si je franchis le pas, qui pourra m'aider réellement ?
Je suis certaine que nous ne sommes pas la seule famille à vivre cette réalité; plusieurs parents ont découverts la beauté d'apprendre à leurs enfants à leur rythme, sans tenter de les faire entrer dans un moule. Je ne suis pas une experte des lois et la paperasse concernant l'école à la maison, mais je sais que cela existe et que cela est beaucoup plus simple qu'on est porté à le croire. Voici donc une première référence (Le site de l'association québécoise pour l'éducation à domicile) pour ceux et celles qui se demandent si l'éducation à domicile leur conviendrait : https://www.aqed.qc.ca/. Si jamais vous voulez pousser plus loin l'investigation, le livre L'éducation à domicile (Marie-Noëlle Marineau, Marie-
Eve Boudreault, Julie Roux et Julie. R-Bordeleau) est la bible sur le sujet.
Et puis dans chaque région il y a souvent des regroupements afin de faire socialiser les enfants entre eux, et de permettre aux parents de s'entraider. Avec les réseaux sociaux il est maintenant plus facile de trouver de l'aide à distance, et de belles ressources sont disponibles via les différents groupes Facebook.
Beaucoup de questions et de doutes trottent dans ma tête. J'ose espérer que septembre 2020 sera différent; que cette situation ouvrira la porte à des apprentissages adaptés pour tous. Je ne veux pas que la réalité scolaire revienne à la normale. Je souhaite que le domaine de l'éducation évolue et réalise qu'une collaboration famille-école est réellement possible, qu'une éducation adaptée à tous est réalisable, et que les enseignants puissent réellement faire leur travail sans toutes les contraintes qui leur sont imposées.
Bref, un changement est à l'horizon grâce à la situation exceptionnelle que nous vivons. Souhaitons que ce changement soit positif et durable dans le temps.