Même si les tensions sont grandes
dans ce secteur du globe, ce lieu mérite d'être considéré lorsque nous
choisissons une destination culturelle exotique. Les états d'Israël et de la
Palestine sont deux nations-soeurs qui s'affrontent pour la terre promise
depuis des millénaires.
Je dis sœurs puisqu'à la base, elles
sont toutes deux sémites, soit descendantes de Sem, le fils de Noé. Cette région,
lors de mon passage il y a quatre ans, a été une source de paradoxes pour moi.
J'y suis allé seul dans le cadre d'un voyage un peu plus long au Proche-Orient.
Pour les trois religions monothéistes, il s'agit de l'endroit de pèlerinage par
excellence, puisque plusieurs lieux sacrés du judaïsme, du christianisme ainsi
que de l'islam s'y trouvent réunis. Ça vaut vraiment la peine que je vous
raconte les expériences que j'ai vécues là-bas.
Pour commencer, vous n'êtes pas sans savoir qu'Israël entretient des relations
tendues avec ses voisins comme le Liban et la Syrie. Lorsque je suis entré à
Israël, je l'ai fait d'une manière un peu différente de la majorité des
visiteurs qui atterrissent à Tel-Aviv, je l'ai fait par la frontière terrestre
Israélo-jordanienne, au Nord-est, près du plateau du Golan. À cet endroit, il y
a un grand « no man's land », que nous devons traverser avec une navette qui
nous amène du poste frontalier jordanien jusqu'à une sorte de bâtiment
israélien de type aéroport, mais sans les avions. À cet endroit, j'étais le
seul occidental sur près de 300 personnes à traverser la frontière; la majorité
des gens étaient des palestiniens qui revenait du travail en Jordanie. C'est
donc dire que j'attirais l'attention énormément puisque pour eux, cette façon
d'entrer au pays était anormale.
J'y suis entré à 19h 30. À 20h 30,
tout le monde, sauf moi, avait quitté les douanes! J'étais affreusement seul
dans une immense salle d'attente avec des gens lourdement armés qui observaient
tous mes faits et gestes. Ce n'est qu'à 22h 35 qu'ils m'ont laissé entrer au
pays! Ils ont attendu la fermeture de l'endroit et que le dernier autobus (22h 30)
pour la ville la plus proche soit passé! Ils ont vérifié sans mon consentement
mes comptes Facebook et Gmail, m'ont posé une centaine de questions pour
vérifier mes réelles intentions de voyage! Le principal problème venait du fait
que j'arrivais d'un périple de deux semaines en Syrie, pays contre lequel Israël
est en guerre pour le contrôle du plateau du Golan.
Pour eux, j'étais plus proche d'un
espion que d'un touriste... Mais quand ils ont compris qu'en plus de m'appeler
David, mon grand-père s'appelait Lévis (deux prénoms d'origine hébraïque), une
douanière m'a dit en souriant: « Pourquoi ne nous as-tu pas dis avant que tu
étais juif! Tu aurais évité toute cette attente! » « C'est parce que je suis
chrétien », leur ai-je répondu... Ils n'avaient pas l'air de comprendre
pourquoi je ne voulais pas me faciliter la tâche. Je dois dire que l'une des
raisons pour lesquelles j'ai décidé de visiter Israël et la Palestine, en plus
du côté culturel et historique, était de connaître les endroits bibliques et de
marcher sur les pas du Christ... C'est donc dire que mon expérience spirituelle
commence avec une certaine mise à l'épreuve.
Donc, je réussis à sortir de ce lieu
inconfortable en même temps que les employés et les militaires qui terminaient
leur journée. Puisqu'ils m'avaient fait rater l'autobus, j'ai décidé d'aller à
la prochaine ville à pied en faisant du pouce... Réalisant ma situation
précaire, ce sont les derniers employés du poste douanier qui m'ont embarqué et
m'ont déposé dans un petit café de Beït Shéan vers 23h 30.
Je m'attendais à y trouver une
auberge de jeunesse ou n'importe quel endroit pour passer la nuit, mais à cette
heure, tout était fermé, sauf le YMCA qui chargeait 250$ la nuit ! (Mon budget
total était de 40 $ par jour). Je suis alors retourné, un peu découragée, au
petit café, seul endroit où demeurait un peu de vie et d'espoir pour moi dans
cette ville.
Après avoir pris connaissance de ma
situation, l'un des employés m'a offert de m'aider à trouver un endroit pour
dormir à la fin de son quart de travail. Il m'a demandé si je pouvais patienter
jusqu'à minuit trente. Je suis ensuite parti avec lui à la recherche d'une
auberge, mais tout était bel et bien fermé; il m'a donc cordialement offert
l'hospitalité chez lui. Arrivé chez lui, en fait chez ses parents, il m'a
installé un endroit pour dormir dans une maisonnette, annexe à la maison, qui
lui servait de chambre. Il m'a dit que lui, partait pour le kibboutz voir ses
amis et m'a offert de l'accompagner si je n'étais pas trop fatigué.
"Pourquoi pas!" Un kibboutz est une sorte de commune agricole qui a
pour but d'établir des colons en Israël, cette entité existe depuis début du
XXe siècle et on les voit majoritairement dans des régions frontalières de la
Palestine et parfois à l'intérieur même du Territoire palestinien.
Rendu au kibboutz, les gardes armés
avaient l'air de bien connaître mon nouvel ami et nous ont laissé entrer à
l'intérieur de l'enceinte de la petite ville. Nous avons ensuite visité
quelques maisonnettes et avons passé la nuit à parler et échanger avec ses
amis, pour ensuite revenir se reposer quelques heures chez lui. Le lendemain
matin, après avoir partagé un repas avec sa famille, je lui ai fait part de mes
futurs plans en Israël. Je lui ai demandé s'il lui était possible, lorsqu'il en
aurait l'occasion, de venir me reconduire à la gare routière afin que je puisse
me rendre à Nazareth. Étonné, il m'a dit qu'il devait s'y rendre pour voir sa
copine dans une heure et que cela lui ferait plaisir de venir me reconduire.
"Wow ! Un beau clin d'œil de la vie!"
En chemin je l'ai interrogé sur les
photos accrochées sur les murs de sa chambre, le montrant avec quelques autres
jeunes hommes armés de lances-roquettes et de mitrailleuses. Il m'a confié
qu'en réalité, il était commando dans l'armée israélienne et qu'il a participé
à plusieurs missions et batailles aux frontières ainsi qu'en Territoire
palestinien. Nous avons ensuite entamé une discussion qui l'a mis plusieurs
fois hors de lui, et dont je vous épargne les détails les plus haineux. Bref,
j'ai eu droit aux raisons pour lesquelles les Israéliens devraient en finir
avec leurs "dangereux" voisins : attaques de centres commerciaux et
multiples attentats à la bombe. En passant devant une prison à sécurité
maximale, il me confie que quatre "terroristes" y sont enfermés grâce
à lui et son équipe.
Il y a un mois, ils ont mené un raid nocturne à Ramallah, en Cisjordanie,
afin de débusquer les responsables d'un attentat à Tel-Aviv. Voyant que j'avais
passé les derniers mois en terre musulmane, il a voulu que je lui confirme à
quel point c'était des gens perfides... Ce que j'ai tout de suite démenti, lui
relatant les belles rencontres que j'y avais faites. C'est triste de voir à
quel point les gens peuvent se détester quand des deux côtés, on trouve des
personnes charitables et généreuses. Me catégorisant un peu comme un utopiste
qui ne perçoit pas comme lui tout le mal dont son peuple est affligé, il m'a
laissé à Nazareth en me disant tout de même de faire attention, « car c'est une
ville remplie de musulmans »! Après l'avoir remercié pour toute sa générosité
et les conversations qui m'ont bien fait voir un côté de la médaille, j'ai
commencé à déambuler dans la vieille partie de la ville à la recherche d'un
endroit où me poser.
Dans cette charmante ville du Nord d'Israël je me suis
trouvé une belle auberge très accueillante dirigée par un homme de confession
musulmane, militant pour l'indépendance de la Palestine, ou du moins pour un
meilleur respect des droits de l'homme dans cette région déshéritée du globe.
Après plusieurs discussions avec cet homme, il m'a remis une publication qui
collige les abominations juridiques récentes qui viennent à l'encontre des
droits de l'homme et qui font subir aux Palestiniens plusieurs actes de
ségrégation de la part des autorités israéliennes. Ces mêmes autorités qui,
selon mon nouvel ami, ne doivent pas me prendre en possession de cette
littérature dénonciatrice.
Durant mon séjour à Nazareth, je me suis rendu dans
plusieurs lieux sacrés comme la Basilique de l'Annonciation, construite à
l'endroit où
Jésus aurait passé une bonne partie de sa vie.
Je dois avouer que la tranquillité et la mansuétude qui régnaient dans ces
endroits contrastaient beaucoup avec les récits des gens à l'extérieur des
murs. Nul besoin de vous dire que mes prières et mes bonnes pensées sont allées
pour une paix durable dans cette région du monde et pour une vraie
réconciliation entre ces deux nations.