À la suite de ma chronique précédente où j'abordais l'importance liée à la stimulation afin de contribuer au développement neurologique chez l'enfant, il me fait plaisir d'aborder avec vous un sujet que j'ai étudié en profondeur au cours des deux dernières années soit, l'acquisition des comportements moteurs fondamentaux chez l'enfant et leurs effets à long terme.
Qu'est-ce qu'un comportement moteur fondamental ?
De façon simple, on peut décrire un comportement moteur comme étant fondamental lorsqu'il sert d'assise à des mouvements plus spécialisés qui seront utiles dans la vie future de l'enfant. Dans la littérature scientifique, on va généralement regrouper les comportements moteurs fondamentaux sous trois formes : 1) les comportements liés à la locomotion telle que : marcher, courir, enjamber, sauter, faire des pas chassés, des sauts à cloche-pied, galoper, etc. 2) Les comportements liés à la manipulation d'un objet comme : lancer, attraper, frapper avec la main ou un bâton, botter, rouler, dribler, etc., et, 3) les comportements liés à l'équilibre et à la stabilisation comme : marcher sur une poutre, garder l'équilibre sur place sur une jambe, se pencher, pivoter, esquiver, se tourner, chuter, etc.
Pour ce qui est des mouvements spécialisés, ce sont des gestes ou activités que l'on pose et qui nécessitent une certaine habileté pour les accomplir, pensons à une vrille en patinage artistique, il est clair qu'un enfant n'ayant jamais expérimenté des situations d'équilibre et de stabilisation aura beaucoup de difficultés à accomplir un tel geste quelques années plus tard, sans parler du tonus nécessaire à la réussite d'un tel mouvement. Lancer une balle de baseball avec précision ou frapper cette même balle venant d'un lanceur est un autre bel exemple de mouvements spécialisés difficile à accomplir pour un enfant qui n'aura jamais été stimulé à lancer ou frapper un objet.
L'âge critique pour l'acquisition des comportements moteurs fondamentaux
Si vous êtes parent d'un enfant âgé entre deux et huit ans, c'est le temps de lui faire expérimenter toutes sortes d'activités liées aux comportements moteurs fondamentaux, car cette période représente une période critique dans sa vie. En effet, celle-ci est considérée comme étant optimale quant à l'apprentissage des comportements moteurs fondamentaux parce que l'enfant est dans une phase où son cerveau intègre avec beaucoup de facilité les stimulations qui lui sont proposées. Cette capacité du cerveau d'absorber de façon optimale est appelée « la plasticité ». D'ailleurs, c'est souvent le manque d'entraînement ou si vous préférez, d'expérimentations motrices durant cette période qui font que certaines personnes rendues à l'âge adulte seront incapables d'exécuter des comportements moteurs dits fondamentaux, ce qui, du même coup, les découragent de poursuivre dans la voie d'une vie saine et active parce qu'ils n'éprouvent pas de plaisir face à la pratique d'activités physiques et sportives.
Ironiquement, même si l'âge de deux à huit ans est majeur dans la vie de l'enfant quant à son apprentissage moteur, notre système québécois fait en sorte que l'on intervient très peu avec les enfants durant cette période critique. On a qu'à penser aux centres de la petite enfance où l'on retrouve peu d'interventions spécialisées effectuées à cet égard et aux enfants dans les maternelles qui, dans bien des cas, n'auront que 30 ou 60 minutes d'éducation physique par cycle de 10 jours ! Par ailleurs, en ce qui concerne la notion d'âge critique, plusieurs personnes me demandent si le fait de vivre des expériences motrices après cette période comporte quand même des bénéfices. Naturellement, un enfant qui vit des activités motrices à 12 ans ou 15 ans peut encore s'améliorer surtout s'il maîtrise les comportements moteurs fondamentaux, mais rien ne remplace un apprentissage moteur effectué durant la période critique
En général, la littérature scientifique identifie trois stades d'acquisition durant la période de deux à huit ans : le stade initial (entre 2 et 3 ans en moyenne), le stade intermédiaire (entre 4 et 5 ans en moyenne) et le stade final (entre 6 et 8 ans en moyenne). Ici, il est important de mentionner que ces âges servent de point de repère et non comme une fin en soi. En effet, non seulement les enfants n'évoluent pas tous au même rythme, mais pour plusieurs d'entre eux, ils pourront être dans un stade pour certains comportements et dans un autre stade pour d'autres comportements. Donc, l'âge ne doit pas être le seul critère d'analyse de l'acquisition d'un comportement moteur puisque la maturation physiologique (voir ma chronique précédente à ce sujet), l'environnement de l'enfant ainsi que les expériences motrices qu'il aura vécues auront une énorme influence sur ses capacités motrices.
Quelles sont les clés du succès?
Lorsque l'on parle d'expérimentations motrices, il faut non seulement que l'enfant en vive régulièrement, mais celles-ci se doivent d'être variées. Dans ma chronique précédente, je décrivais la période de 0 à 2 ans comme étant une phase où la maturation physiologique était en constante évolution puisque le cerveau de l'enfant est en plein développement.
À partir de 2 ans, il est primordial de stimuler les neurones et de développer les chemins entre le cerveau, les muscles et les sens de l'enfant et cette variété motrice lui permettra d'ouvrir plusieurs voies de communication et favorisera du même coup, une meilleure adaptabilité face aux activités motrices plus spécialisées. Autrement dit, si votre enfant ne fait que jouer au hockey 12 mois par année et que vous pensez qu'il deviendra meilleur grâce à cela, vous faites fausse route. Les compétences motrices transversales qu'il expérimentera avec de multiples activités motrices auront un effet majeur sur sa capacité à améliorer ses compétences en tant que joueur de hockey. Si votre enfant aime le hockey, faites-lui vivre une saison normale, mais aussi d'autres activités enrichissantes pour son développement. Non seulement, il sera mieux outillé pour répondre aux demandes motrices qu'il vivra tout au long de sa vie, mais il aura encore plus hâte de recommencer à jouer au hockey l'année suivante tout en étant plus fluide face aux exigences plus spécialisées que nécessitera son sport au fil des années.
Comme parent ou intervenant auprès des enfants, des activités toutes simples peuvent avoir un effet colossal quant à l'acquisition des compétences motrices et vous n'avez pas besoin d'inventer des jeux compliqués pour obtenir des bénéfices. Par exemple, avec l'hiver qui arrive à grands pas, les enfants peuvent grimper une butte de neige, pelleter, se rouler dans la neige, faire un bonhomme de neige, lancer des boules de neige, etc. En fait, pour les tout-petits, le simple fait de marcher avec un habit de neige représente déjà un développement important non seulement au niveau moteur, mais également en ce qui a trait à son développement physique général.
Voici d'autres exemples d'activités motrices que l'enfant peut expérimenter pour son développement physique et moteur : faire du tricycle ou du vélo, se baigner, glisser, faire des jeux de poursuite, sauter par-dessus des obstacles, attraper, frapper et botter un ballon d'anniversaire, rouler un ballon au sol, botter un ballon, faire un pont en étant au sol, se tenir sur une jambe en faisant l'avion, etc. Posez-vous toujours la ou les questions suivantes : lorsque mon enfant bouge et est actif, fait-il des activités locomotrices? Est-ce qu'il manipule des objets? Expérimente-t-il des activités améliorant son équilibre, sa stabilisation, sa posture et son tonus? Est-ce que l'on répète ces activités plus d'une fois?
Tous ces éléments vont favoriser un développement optimal chez l'enfant en touchant plusieurs facettes et composantes liées à l'acquisition des comportements moteurs fondamentaux.
En terminant, voici un bref résumé de mes recherches sur l'importance d'acquérir les comportements moteurs fondamentaux tôt durant l'enfance :
- L'acquisition des comportements moteurs fondamentaux représente un facteur clé quant à la participation à des activités physiques plus tard dans l'enfance et à l'adolescence (Okely et al. 2001;Fisher et al. 2005; Barnett et al. 2009)
- Les compétences motrices acquises à jeune âge représentent un facteur déterminant quant au niveau de sédentarité des individus et par conséquent sont en lien direct avec l'endurance cardiovasculaire à l'âge adulte (Haga, 2009)
- L'activité physique effectuée au cours de la petite enfance contribue à l'acquisition des comportements moteurs fondamentaux ainsi qu'au développement sain et à la prévention de l'obésité à l'âge adulte (Lubans et al. 2010)
- La maîtrise des comportements moteurs fondamentaux permet un développement harmonieux des enfants et des adolescents au niveau physique, psychologique et social (Lubans et al. 2010)
- Un enfant maîtrisant les comportements moteurs fondamentaux ressentira un sentiment de compétence qui le motivera à poursuivre dans la voie d'une vie active et sportive plus spécialisée et par conséquent, à maintenir de saines habitudes de vie (Lubans et al. 2010)
Si vous désirez me suggérer un sujet pour cette chronique ou si vous avez une question à laquelle vous aimeriez que je réponde, n'hésitez pas à communiquer avec moi sur Facebook ou à l'adresse courriel mgoyette@entrainementphysimax.com. Vous pouvez également visiter mon site Web www.entrainementphysimax.com.
