Ce ne sont plus des hypothèses, tout nous indique que nous
devrons changer notre paire de lunettes pour planifier le futur de la société. La
planète ne suit pas notre logique de développement, elle se rebelle et les dérèglements
s'amplifient. Les conséquences de ces derniers nous obligent à nous adapter à
des coûts mirobolants et les experts confirment d'année en année que
l'adaptation ne peut qu'être temporaire.
Ce qu'il faut, c'est de changer radicalement nos modes de
production et de consommation et, conséquemment, nos modes de vie. Le 3e
rapport du GIEC, récemment publié, nous y met au défi.
Changer sans vraiment changer
À ce jour, les plans de lutte au changement climatique du
gouvernement fédéral et du Québec, récemment rendus publics, à défaut d'être
complets sont crédibles. Des objectifs, des cibles, des actions à privilégier, des
mécanismes de révision et des budgets les accompagnant. On a le goût
d'embarquer.
Sortir des énergies fossiles et s'adosser aux énergies
renouvelables est un impératif, nous dit-on. En parallèle, on accepte un
gigantesque projet d'extraction de pétrole durant 50 ans, celui de Bay du Nord
à Terre-Neuve. Électrifier les transports donc les décarboniser est une
priorité. Décarboniser tout en conservant le même nombre de véhicules, de VUS,
de VTT, de motos, de motorisés, et en adaptant les routes en conséquence ne
fait pas de sens. On ne peut plus embarquer.
Ce sont des plans qui prétendent relever le défi de la
carboneutralité en 2050 mais sans changer le fait que nous, Canadien-ne-s, nous
avons besoin des ressources de 4,8 planètes pour satisfaire nos habitudes de
consommation.
Une orientation à privilégier, l'économie circulaire
Depuis quelques années, un nouveau concept d'économie voit
le jour. Il est promu en tenant compte que la planète est « finie » dans le
sens que ses ressources ne sont pas infinies, qu'il y a des limites à les
exploiter. Les ressources minérales, agricoles, de la mer, etc. sont mises à
mal. Le réchauffement climatique affecte tous les écosystèmes et freine leur
capacité à nous livrer les ressources nécessaires à notre existence. Avons-nous
le choix de ne pas concevoir notre système économique autrement ?
L'économie circulaire m'apparaît une voie prometteuse d'un
véritable développement durable. À la condition que la perspective soit de
l'appliquer intégralement, à tous les secteurs économiques et qu'elle mette à
contribution tous les acteurs : entreprises, organismes publics et
consommateurs.
L'économie circulaire[1] se définit comme « un système
de production, d'échange et de consommation visant à optimiser
l'utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie
d'un bien ou d'un service, tout en réduisant l'empreinte environnementale
et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités ».
Sous deux
thèmes, REPENSER et OPTIMISER, elle poursuit quatre objectifs principaux
:
1. Repenser nos produits pour réduire la demande en ressources et
préserver les
écosystèmes;
2. Intensifier l'usage des produits;
3. Prolonger leur durée de vie ainsi que celle de leurs
composants;
4. Leur donner une nouvelle vie en fin
de cycle.
La définition et les objectifs de l'économie circulaire induisent
des changements profonds à la logique actuelle de notre modèle économique actuel qui
est de « extraire, produire, consommer et jeter ». Appliquer dans son
intégralité, l'économie circulaire nous oblige à repenser les biens et services
produits dès leur conception dans le bureau des ingénieurs (écoconception)
jusqu'à leur fin de vie (recyclage) afin de fermer la boucle de la circularité.
Par exemple, REPENSER et OPTIMISER la filière du plastique, omniprésent
dans nos vies, impliquent de revoir, à sa base même, sa composition puisque,
selon une étude récente, 86 % du plastique européen provient du pétrole.
L'étude prend en compte quatre utilisations du plastique : l'emballage,
les biens d'équipement ménager, l'automobile et la construction.[2]
Pour chaque produit, il faut repenser leur production avec
des matériaux facilement recyclables, sans émissions de GES, une mise en marché
misant sur la durabilité, la réparabilité, des pièces de rechange et des manuels
de réparation, une publicité dénuée de désuétude psychologique (exempt d'effet
de mode par exemple), des emballages facilement recyclables, le transport
écologique des biens et finalement, le recyclage des matériaux et leur réutilisation
pour la production de nouveaux produits.
En maintenant la circularité dans la production, les
échanges et la consommation, on assure la préservation des ressources, la
réduction des GES et la collaboration de tous les acteurs.
L'idée commence à faire son chemin
Plusieurs pays ont adopté des stratégies d'économie
circulaire. Pensons à la Chine, au Japon, à la France, aux Pays-Bas, à l'Allemagne.
Le Québec l'a introduite même si c'est de façon marginale dans son Plan pour
une économie verte. En juin 2020, le Canada s'est joint à la Finlande et
aux Pays-Bas pour « promouvoir le rôle fondamental de l'économie circulaire ».
Nous ne sommes pas en terrain inconnu.
La production actuelle des autos électriques s'inscrit dans
cette optique de circularité : depuis leur conception, on a prévu le recyclage
des batteries, on est en voie de construire des usines de recyclage au Québec,
au Canada, dans le monde. Aurons-nous l'audace de l'appliquer dans son
intégralité ? Au niveau de la production, de la commercialisation, de la
réutilisation et du recyclage intégral des voitures en fin de vie ?
Au Québec, entre 2022 et 2025, le gouvernement passera « à
un système de responsabilité élargie des producteurs » dans la prise en charge
de la collecte, du tri, du conditionnement et du recyclage de leurs produits. Le
processus est en cours. Le gouvernement fixera des quotas à atteindre sous
peine d'amendes. Ils ont donc tout intérêt à repenser et à optimiser leurs
produits dans une perspective d'économie circulaire.
Vers une économie circulaire intégrale
Nous sommes encore loin de l'adoption de la circularité
intégrale des produits et des services. Pour atteindre les objectifs de
carboneutralité en 2050 et de développement durable en permanence, nous devons ériger
en système le concept d'économie circulaire.
Il ne faut pas oublier que la population, aujourd'hui à 7,5
milliards, devrait atteindre les 9,7 milliards en 2050. Prévoir cette pression
supplémentaire sur les ressources de la planète avec l'économie circulaire
serait des plus sages.
[1]
Source : https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/entreprises-organismes/mieux-gerer/economie-circulaire/
et une petite vidéo de trois minutes pour mieux comprendre : https://archive.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/concept
[2] SYSTEMIQ (2022) - ReShaping Plastics:
Pathways to a Circular, Climate Neutral Plastics System in Europe.