Une des répliques qui m'a le plus frappée durant la représentation de Britannicus Now, c'est surtout celle de Britanny lorsqu'elle a lancé : « il me reste deux ans à faire ici! » Ça m'a tout de suite émue. Ariane Bisson McLernon a exprimé ces mots comme si son personnage se trouvait en prison... Pourtant, l'histoire se déroule bel et bien à l'école. Une pièce de théâtre qui vous touche droit au cœur.
Au moment où l'auteure Marilyn Perreault se fait proposer l'adaptation de la tragédie Britannicus (1669) de Jean Racine pour en faire une version contemporaine, elle entend parler de l'histoire de Reena Virk... l'adolescente qui a été battue, pourchassée et noyée le 14 novembre 1997 en Colombie-Britannique par d'autres jeunes de son âge. C'est là que le déclic se fait. Marilyn s'inspirera de quelques extraits du classique théâtral Britannicus pour les transposer dans la réalité d'aujourd'hui. Une réalité qu'on voit dans toutes les écoles : l'intimidation. En fait, « Marilyn est allée chercher des vers de Racine qui correspondaient bien à ce que les adolescents de Britannicus Now vivent dans la pièce, affirme Lilie Bergeron, la metteure en scène. Elle a su nous faire comprendre qu'il y avait aussi une certaine fougue dans le texte de celui-ci. »
La lecture publique de Britannicus Now a su en ébranler plusieurs en 2009, c'est pourquoi le Théâtre du Double signe a voulu l'intégrer dans sa programmation 2011. Cette pièce de théâtre nous replonge à l'époque où l'on faisait tous partie d'une « gang », soit celle des filles « cool », des « bollés », des gars « toughs » - comme le personnage de Stan (Sylvain Carrier) - ou bien celle des victimes de plaisanteries par exemple. L'adolescence est une étape de notre vie qu'on peut difficilement oublier parce que les émotions sont plus fortes les unes comme les autres. En plus, elle laisse des traces à l'âge adulte. « L'adolescence, c'est comme un cheval fou qui court à toute allure vers son destin, la longue crinière au vent... on ne sait pas quand il va s'arrêter. C'est une période où tout est gros! Les émotions et les pulsions sont aussi très intenses », souligne Mme Bergeron, qui porte également le chapeau de directrice générale au Théâtre du Double signe.
Britannicus Now, c'est le clan des jupes contre le clan des pantalons. D'un côté, on a Delphine (Érika Tremblay-Roy), celle « qui a instauré la loi des jupes » et qui règne à l'école secondaire pour filles. Becky (Véronique Laroche) tient le rôle de la suiveuse : une jeune fille qui se fait manipuler et entraîner dans le « jeu d'échecs » de sa meilleure amie. De l'autre côté, il y a Britanny (Ariane Bisson McLernon), le souffre-douleur portant le pantalon. « C'est la jeune fille vulnérable qui n'est pas comme les autres. Elle ne prend pas sa place », explique Mme Bergeron. Un jour, la petite nouvelle, Justine (Marilyn Perrreault), désire changer les règles du jeu. Elle s'incruste dans le groupe des jupes et découvre peu à peu les manigances de Delphine. Au cours de théâtre, les élèves montent la pièce Britannicus. Alors que la discrète Britanny incarne le rôle principal, Delphine joue Néron, l'empereur tyran de Racine. Interprétée de manière très juste et poignante, Justine se rend compte rapidement que le théâtre est tellement près de la vie... et que parfois, les limites sont si vite franchises. « La tragédie, ça se joue dans les petites choses de la vie! », conclut la metteure en scène.
La pièce de théâtre Britannicus Now est présentée du mercredi au samedi jusqu'au 19 février au Théâtre Léonard St-Laurent (200, rue Peel) à Sherbrooke. Après les deux heures intenses, on vous invite à descendre au deuxième étage afin d'y boire un verre et de discuter avec les comédiens. Pour plus d'information, visitez le site http://www.doublesigne.ca/. Je vous conseille d'apporter un ou deux mouchoirs... juste au cas où!
Crédit photo : Martin Blache