Quand on me demande de définir le bonheur, je vois toujours dans mon esprit le désir de le dépeindre comme dans la photo : un moment d'extase ou bras élevés au ciel c'est une connexion totale avec le tout.
Eh bien, au quotidien, le bonheur se présente rarement de cette façon. Au fait, la rareté de ces instants de grâce fait qu'on s'en délecte tout particulièrement.
D'un autre côté, le bonheur ressemble à ces photos que l'on capte lors de moments privilégiés. Ce sont des clichés de l'ordinaire que je choisis de prendre et d'emmagasiner dans les filières de mon esprit. Oui, c'est l'odeur de mon petit café du matin, le rire de mes enfants qui se roulent dans l'herbe et que je capte par la fenêtre, ce sont les « tsii-tsi-tsi-tsit » du chardonneret qui engloutit des grains de Niger aux mangeoires, c'est l'odeur de l'herbe fraichement coupée du voisin...
Les expériences à couper le souffle sont rares, et les moments d'extase ne durent jamais bien longtemps. Si on cherche l'extraordinaire, on sera constamment déçu. Oui, la vie est un amalgame de petites choses banales dont on prend des clichés de façon volontaire. En fait, même les expériences majestueuses que l'on attend seront dans la réalité une succession de petits moments. Des instants sans prétention, qui sont simplement ce qu'ils sont, qui nous demandent simplement d'arrêter, d'observer et de faire partie de... en y étant simplement dans le moment. Des épisodes qui nous « donnent du souffle », inspirent dans le souffle de chaque instant plutôt que de nous le couper. Des moments qui nous amènent non pas à élever les bras dans les airs euphoriquement, mais à nous détendre en nous-mêmes et à poser nos deux pieds sur terre en s'ancrant profondément dans une contemplation volontaire qui devient méditation. Le bonheur dans la réalité n'a rien d'époustouflant, c'est du tellement beau dans l'infiniment ordinaire qu'on doit choisir de décortiquer et de savourer simplement.