En ce mois de mars, jour pour jour, il appert, sans l'ombre d'un
doute, que l'essentiel de notre énergie depuis deux ans a été canalisée autour
de la Covid-19, la maudite, cette pestiférée, et voleuse de temps
précieux.
Force est d'admettre qu'elle a le dos large. En revanche, m'est avis qu'elle n'a pas été
qu'une mauvaise compagne et qu'elle ne cumule pas tous les tords. À la suite de
quatre-cinq vagues d'improvisation, elle a généré en effet son lot
d'enseignement(s). Entre parenthèse,
mentionnons ici que l'enseignement vise à communiquer une manière d'agir ou de
penser; il sert aussi de leçon tirée de l'expérience; et il cherche enfin à
transmettre des connaissances aux générations futures pour mémoire du
passé.
Suivant ces préceptes très bon-enfant et surtout avec le recul, nous
pouvons remercier la pandémie de nous avoir inculqué un autre savoir-être, un
autre savoir-faire, numérique ou autre.
Résultat plus constructif qu'appréhendé, elle a bouleversé nos habitudes
de petits-bourgeois-québécois-canadiens-américains-du-nouveau-monde, alors que
les maux du village global étaient et sont plus criants encore, mis à part
peut-être l'anxiété et la maladie mentale qui font de nous des gauloi.es de la
sainte survie au quotidien.
Invention+- de la société bien-pensante du 19e siècle romantique, le
secteur de la culture, on le sait, compte parmi les plus malmenés de cette
guerre de tranchée virale. Dans la
mêlée, se dénombrent par dizaines les organismes, travailleurs et entreprises
de ce domaine socio-économique, qui auront baissé pavillon. Avec la crue du printemps, quelques autres
mettront pavillon bas, faute d'avoir eu de quoi et d'avoir des vents assez
forts pour maintenir à distance les marées houleuses.
Pour différentes raisons, en termes de bonne gouverne ou en raison des
trente-six travaux d'Arlequin, trois de nos importantes institutions
culturelles à Sherbrooke font ces jours-ci chou blanc. La Rive Gauche, en rade depuis plusieurs
mois, le bar Loubards, au bout du rouleau, et Musique Cité, dans la mouise,
jettent donc leur dévolu, puis leur bonnet par-dessus les moulins.
Salutations et chapeau bas aux têtes dirigeantes de ces lieux devenus
mythiques à Sherbrooke : à l'amie Lisà Cliche, à Marc Thibault (Mario Coulombe
et Christian Fournier) et à Sylvain Lecours (Jean-François Ouimet), entre
autres, dont l'engagement indéfectible au fil des ans n'a eu d'égal que leur
feu sacré en vue d'apporter une pierre à l'édifice.
Après l'Hôtel Wellington, la Grand-Mère italienne, le Café Crème, la
Maltonnière, l'Évidence, les Marches et le Café du Palais, Chez René, le
Cartier, le Magog et le Duplessis, Art-Focus, tous disparus du paysage, ces
trois nobles passeurs de culture n'ont pas non plus résisté à la tempête. Acculés au pied du mur, ils nous rappellent
d'ailleurs comment peuvent être fragiles les colosses aux pieds d'argile.
Même après 30-40 ans de forces vives, sur les dents et raides comme
des passe-lacets, ils battent aujourd'hui la chamade, en nous laissant des souvenirs
sans commune mesure. Parlez-en
d'ailleurs à la génération des quarantenaires et des cinquantenaires, vous
entendrez des histoires aussi riches qu'anecdotiques, lesquelles bâtissent le
côté pittoresque de la Cité.
Au bout de la ligne, bien qu'attristée de ces passages irréversibles,
m'est avis que la quadrature du cercle aura horreur du vide. Moi qui cumule depuis une bonne décennie la
présidence du Conseil de la culture de l'Estrie, je rêve déjà aux initiatives
qui vont naître, toutes voiles dehors.
Espérons toutefois que ces nouveaux acteurs de
la vie socio-culturelle soutiennent les artistes, les travailleurs et les
organismes culturels de façon aussi généreuse que leurs prédécesseurs. Pour structurante que soit leur mise au
monde, souhaitons qu'ils l'envisagent comme partie intégrante de l'écosystème
de la création, depuis la conception à la circulation, en passant par la
production et la diffusion, jusqu'au réseautage et au maillage entre les arts
et tout secteur confondu de l'activité humaine !