Une étude
réalisée par des médecins et chercheurs de Sherbrooke, de Montréal
et de Québec a conduit à la découverte d'un gène à l'origine
des atrésies intestinales multiples, une rare et mortelle maladie
héréditaire touchant les nouveau-nés.
En plus d'explorer de
nouvelles options thérapeutiques pour les enfants atteints, la
découverte du gène TTC7A permettra l'élaboration d'un test
diagnostic prénatal et d'un test de dépistage des parents
porteurs qui seraient offerts par le Centre hospitalier universitaire
de Sherbrooke (CHUS).
L'atrésie
intestinale multiple est une maladie congénitale qui se caractérise
par des obstructions multiples sur toute la longueur du tube
digestif, autant au niveau de l'estomac et du petit intestin que du
côlon et qui, dans de nombreux cas, est associée à un déficit
immunitaire grave. En étudiant l'ADN des enfants atteints,
l'équipe de recherche a identifié des mutations dans le gène
TTC7A, dont une s'avère relativement fréquente dans la population
franco-québécoise.
Une maladie
dévastatrice et mortelle
En effet, même
si la maladie est rare, environ une trentaine de cas ont été
répertoriés au Québec depuis 30 ans.
Aujourd'hui
encore, la maladie demeure dévastatrice et mortelle. « Les
chirurgies multiples, les greffes intestinales et les greffes de
moelle osseuse n'ont pas amené de solutions réelles à la
maladie. Même à la suite de ces interventions, le tube digestif des
nouveau-nés n'est toujours pas fonctionnel. L'espérance de vie
de l'enfant est d'environ deux à trois mois. Grâce à la
découverte du gène responsable, si un nouveau-né naît avec des
atrésies intestinales multiples, les tests génétiques pourront
confirmer le diagnostic », affirme le Dr Bruno Maranda, médecin
généticien au CHUS, chercheur au Centre de recherche clinique
Étienne-Le Bel (CRCELB) du CHUS et professeur à la Faculté de
médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l'Université de
Sherbrooke (UdeS).
L'hérédité
serait en cause
Bien que la
maladie soit très rare, elle semble toutefois survenir avec une
fréquence plus élevée dans la population canadienne-française au
Québec. Les Québécois constituent, selon cette recherche, la
population touchée la plus importante au monde. La condition
semblait être fort probablement d'origine génétique, puisque
dans certaines familles plusieurs enfants sont nés avec cette
condition, ce qui suggérait une hérédité récessive, dans
laquelle les parents sont porteurs. « Nous avons découvert que
plusieurs des enfants atteints d'atrésies intestinales multiples
portaient une même mutation génétique provenant de chacun des deux
parents. Ce résultat confirme l'hypothèse d'une maladie
récessive, c'est-à-dire que la mutation est héritée à la fois
du père et de la mère. Ces derniers, ne souffrant pas de la
maladie, ignorent donc qu'ils peuvent transmettre cette mutation.
L'identification
du gène défectueux, soit le TTC7A, nous permet de connaître la
cause de la maladie. C'est une excellente nouvelle tant pour les
familles du Québec que pour celles d'ailleurs dans le monde où
cette mutation se retrouve », confirme Vincent Raymond, co-auteur de
l'étude et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec.
Tests de
dépistage aux femmes enceintes et aux membres d'une famille
potentiellement porteurs Chaque couple ayant un enfant atteint de la
maladie court un risque de récidive de 25 % au cours d'une
grossesse subséquente. « Le concept de diagnostic prénatal permet
à un couple de procéder à des examens en début de grossesse afin
de déterminer si l'enfant à venir sera atteint. Nous pouvons
également, au sein d'une même famille, déterminer si, par
exemple, les frères et soeurs sont porteurs de cette condition
génétique et, éventuellement, si leur partenaire est à risque, en
vue de prévoir une récidive dans les générations suivantes »
souligne le Dr Maranda, qui est chercheur principal de cette étude
et également chef du Service de génétique médicale du CHUS.
Le Centre
hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) offrira le test
diagnostic prénatal et le test de dépistage des parents porteurs au
cours de l'été 2013. La poursuite de cette recherche contribuera
à prévenir cette maladie chez les enfants et à soutenir les
personnes porteuses du gène. Les modalités de prescription, la date
de mise en fonction et les conditions d'exécution de ces tests
seront précisées au cours des semaines à venir par le CHUS. Ce
test s'inscrira à l'intérieur d'une offre globale de
recherche sur les maladies génétiques.
De nouvelles
avenues thérapeutiques
« La découverte
du gène permettra d'explorer d'éventuelles avenues
thérapeutiques pour les enfants atteints, car elle nous aidera à
comprendre les mécanismes de la maladie, entre autres la modulation
du système immunitaire à laquelle le gène semble participer »,
explique le premier auteur de l'étude Mark Samuels, chercheur en
génétique au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine (CHUSJ) et
professeur à l'Université de Montréal.
« Pourquoi,
certains patients souffrent-ils aussi d'un déficit immunitaire
grave ? », demande le coauteur Dr Elie Haddad, médecin et chercheur
au CHUSJ en immunologie et professeur à l'Université de Montréal.
« La découverte du gène nous permettra de mieux saisir le lien
possible entre une anomalie de formation du tube digestif et une
anomalie de développement du système immunitaire. »
L'étude,
publiée au mois de mai dans le Journal of Medical Genetics, sous le
titre de «Exome Sequencing Identifies
Mutations in the Gene TTC7A in French-Canadian Cases with Hereditary
Multiple Intestinal Atresia», a été
réalisée dans le cadre du grand projet pancanadien de génétique
pédiatrique Finding Rare Diseases Genes (FORGE), soutenu par Génome
Canada, Génome Québec, les Instituts de recherche en santé du
Canada et d'autres organismes canadiens. Elle a tiré profit de
données provenant de CARTaGENE, vaste enquête panquébécoise qui
permet de suivre à long terme l'état de santé des femmes et des
hommes du Québec.
Sources :
Nathalie Poirier,
conseillère en communication du Centre de recherche clinique
Étienne-Le Bel
Mathieu Filion,
conseiller principal, relations médias de l'Université de Montréal