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Le courage de vieillir et de s’indigner!


Ça prendra du courage pour améliorer la situation de vies de ces femmes et de ces hommes qui ont bâti le Québec que nous connaissons. Ça prendra aussi du courage politique pour reconnaître nos manquements, mais surtout du courage pour mettre en œuvre une véritable politique à visage humain pour ces vieux que l'on refuse de voir.
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Photo : source: Youtube.com
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 22 avril 2020

Qu'est-ce que le courage ? Être courageux par les temps qui courent c'est de travailler dans le réseau de la santé aux soins des malades en pleine pandémie du coronavirus. Mais est-ce vraiment cela le courage ? Certes, il faut être reconnaissant envers ces gens qui ont une profession ou une occupation qu'elles ou qu'ils ont choisi et qui les obligent à risquer leur santé. C'est vrai aussi pour les pompiers, les policiers, les secouristes, les commis d'épicerie, les chauffeurs de camion et les préposés aux bénéficiaires auprès de nos aînés qui au nom de leur éthique professionnelle risquent leurs vies pour le bien des autres.

Je ne veux pas cracher dans la soupe et surtout pas donner l'impression que je veux minimiser l'apport essentiel de ces gens qui prennent soin de nous et des nôtres. Néanmoins, ce que j'ai le goût de partager avec vous ce matin, ce que pour moi est le vrai courage : c'est combattre une société qui « parque » ses vieux et qui les encouragent à disparaître socialement de ses yeux avant de finalement disparaître vraiment par leur mort biologique. Le vrai courage c'est de reconnaître que nous vivons dans une société qui fait de l'âgisme et qui juge que les vieux sont inutiles parce qu'improductifs. Le vrai courage c'est de prendre la parole pour dénoncer ce traitement indigne que nous réservons aux aînés, et par voie de conséquence, à nous un jour qui deviendrons à notre tour les vieux de quelqu'un. Réflexion sur le sort que nous réservons aux aînés.

Une crise dans la crise

Nous vivons déjà une grave crise qui met sens dessus dessous toutes nos vies. La crise de la pandémie du coronavirus qui nous isole dans nos maisons fait ressortir le pire et le meilleur des êtres humains et nous oblige à reconnecter avec nos valeurs essentielles. Or, voilà que nous prenons la pleine mesure de notre incurie collective devant les vieux. Des vieux que nous voulons chasser de nos regards, car ils ne sont plus utiles à produire. Dans L'homme révolté, Albert Camus a écrit : « ceux qui manquent de courage ont toujours une philosophie pour le justifier ». Vous constaterez tout comme moi qu'il ne manque pas de philosophes de circonstances ces temps-ci pour expliquer le manque total à nos obligations envers celles et ceux qui nous ont précédés.

La crise de la COVID-19 tue des centaines de vieux laissés à eux-mêmes dans des CHSLD ou dans des résidences pour personnes aînées si vous préférez pour présenter la chose sur un meilleur angle. La réalité c'est que des décennies de négligence, de petite politique et surtout d'une hypocrisie largement partagée sont responsables de cette crise dans la crise. Ça prendra du courage pour que nous puissions reconnaître nos torts et surtout prendre des mesures pour que de telles ignominies ne se reproduisent plus jamais. Cela met en doute notre représentation de ce qu'est le courage. Qu'est-ce que le véritable courage ? Qu'est-ce que le courage politique ? La liberté exige-t-elle le courage ?

Ça prendra du courage pour améliorer la situation de vies de ces femmes et de ces hommes qui ont bâti le Québec que nous connaissons. Ça prendra aussi du courage politique pour reconnaître nos manquements, mais surtout du courage pour mettre en œuvre une véritable politique à visage humain pour ces vieux que l'on refuse de voir.

Vieillir c'est un destin commun à tous

La bonne nouvelle si l'on veut en trouver une c'est que nous avons tous le même avenir. Un avenir commun, soit celui de vieillir. Personne n'y échappe. Chaque respiration que notre corps exprime est un pas vers le vieillissement inexorable. Or, si vieillir c'est naturel et que cela se comprend aisément, nous en avons tout de même une représentation négative. Être vieux pour certains c'est devenir malade, moins productif, moins utile. Pourtant, il y a plus d'une façon de vieillir. Moi par exemple je partage ma vie avec une femme qui vieillit bien et lentement. Elle est resplendissante de santé, active, énergique et pourtant elle est considérée par les statistiques du bon docteur Horacio comme une vieille à risque. Ah ces mensongères statistiques...

Il ne faut pas pour autant refuser de regarder ce que signifie vieillir. Il faut éviter La tyrannie du « Bienvieillir » du titre du livre de Michel Billé et Didier Martz paru en 2010 aux éditions Le bord de l'eau à Paris. Dans ce livre, les auteurs s'insurgent contre cette injonction absurde qui nous est faite de vieillir et de rester jeune. Injonction de laquelle nous avons bien de la peine à nous extraire tant elle est puissante dans notre société de consommation et du tout à jeter. Le « bien vieillir » devient donc impératif, car la mort nous fait peur la maladie est l'antichambre de la mort. Cela se traduit selon Michel Billé par : « Vieillissez, mais vieillissez bien, vieillissez, mais que ça ne se voit pas, que ça ne se sache pas, que ça ne pose pas problème, et surtout que ça ne coûte rien. Bref, vieillissez, mais restez jeune ! » (Michel Billé, Vieillir. Le courage et l'indignation dans Sans Dessous, vol. 1, no 8, p. 17)

Le vrai courage

L'autre question que pose l'auteur et qui est pertinente à mon propos est la suivante : « Si nous faisons de la vieillesse une maladie, il nous faut alors du courage pour regarder la maladie qui vient, inéluctablement, et ne pas tenter de l'éviter, mais l'affronter, la combattre, la dominer... À moins que ce ne soit, au fond, que la peur de la mort, qui, par anticipation, nous fasse craindre la vieillesse, tellement craindre la vieillesse qu'il nous faille du courage pour continuer à vivre ? » (Ibid. p. 16)

Il faut du courage selon moi pour vieillir et pour résister à la tyrannie du bien vieillir. Il faut avoir du courage pour savoir que l'on ne peut pas grand-chose devant les choix que notre corps nous impose en vieillissant. Ça prend beaucoup de courage pour laisser-aller. Dans une société où la performance est Dieu et la consommation est reine, il faut abdiquer devant le ratatinement de nos besoins de consommation. Le courage aussi de renoncer, d'abdiquer afin de faire la place au monde à venir, celui de nos enfants et de nos petits-enfants.

Parce que les vieux ont vécu, ils savent mieux que les plus jeunes ce qu'est l'injustice, le manque de respect, l'atteinte à leur dignité, à leur intégrité et à leur liberté. Ils ont l'habitude de s'oublier pour le monde à venir, mais aujourd'hui face à l'incurie dont ils sont victimes (nous en serons tous victimes un jour) ils ont le devoir de se lever et de protester. Ils doivent avoir le courage de s'indigner pour eux-mêmes pour une fois. Le courage de vieillir c'est aussi celui de s'indigner...


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