5 heures du matin... La sonnerie du cadran nous réveille. Nous sommes un
5 Juin et à Vancouver depuis une semaine.
Dans une chronique antérieure, nous avons parcouru la capitale à pied et
nous avons aussi fêté l'anniversaire de naissance de Liette cette semaine.
Voici l'autre raison qui nous a conduits à Vancouver. Depuis des années, sur ma
" Bucket List ", existe un voyage que je veux faire absolument
pendant que mon état de santé et mon âge me le permettent encore.
Et voilà Robert ! C'est parti! Vancouver- Montréal à vélo et en solitaire!
Colombie-Britannique
Notre appartement étant situé au centre-ville de Vancouver, ce matin c'est le
SkyBus qui nous attend en direction de l'aéroport où ma boîte à vélo a été mise
en consigne lors de notre arrivée. Je ne sais pas si c'est approprié de partir
en vélo pour une si longue route car mon entraînement (60 kilomètres dans les
jambes) fut presque nul à cause de la maladie de mon père qui exigeait notre présence
régulièrement.
Robert... T'es pas un lâcheur... Tu vas avoir mal... Mais tu vas
réussir!
Arrivé à l'aéroport, je fais les derniers préparatifs. Vérifier l'état du vélo
après son voyage en avion, changer de vêtements, préparer les sacoches et mes
adieux à Liette qui retourne à Montréal ce matin avec la boîte à vélo vide. J'ai
un petit pincement au coeur. Ça me tente moins, mais ça va être correct. Je
promets de l'appeler à tous les soirs.
Ce matin, il pleut et il pleuvra toute la journée. Ma première halte sera à
Hope après 110 kilomètres sur un accotement de la route qui est complètement
rempli de copeaux de bois noircis, dû au transport des camions forestiers et
que la pluie n'arrange rien. En arrivant au motel, j'ai dû me laver dehors avec
le boyau d'arrosage avant d'aller remplir ma fiche. Ensuite ce fut le tour du vélo
à être nettoyé. Dure journée.
J'ai décidé de suivre la Route 3 qui passe au sud de la Colombie-Britannique
afin de ne pas arriver en Alberta par le nord au niveau de Banff. La raison
étant que je voulais faire ensuite les routes sinueuses de l'Idaho.
Je roule de 6-7 heures par jour. Il fait froid et à trois reprises il a neigé
dans les cols. Arrivé dans le haut d'un col, une surprise m'attend : un ours,
qui se trouve au milieu de la route, décide de ne pas me laisser passer. Je
dois redescendre et attendre qu'il se fatigue de me regarder et s'en aille.
Mais les surprises ne sont pas finies ce jour-là: en redescendant de
l'autre côté de ce même col à une vitesse de 80 kilomètres/ heure, un cerf sort
d'un fossé et me coupe le chemin. Surprises et émotions aujourd'hui!
N'ayant fait aucun entraînement avant de partir, la fatigue se fait sentir. Il
pleut, il neige toujours et nous sommes à la mi-juin. Ce soir, à mon arrivée au
motel, j'ai dû aller me réchauffer devant le foyer 10 grosses minutes pour me dégeler
les mains afin de pouvoir signer la fiche d'enregistrement. Ayant roulé pendant
14 jours consécutifs pour traverser la Colombie-Britannique, je prends une
journée de congé... Bien méritée!
La conclusion pour la Colombie-Britannique est qu'il y a beaucoup de côtes qui
se seraient sans doute avérés moins pénibles si j'avais eu un meilleur
entraînement. Les paysages sont fabuleux, mais on les apprécie moins à la pluie
et à la neige; il y a toujours ce flot incessant de camions forestiers qui
polluent par le bruit et leurs déchets. J'ai bifurqué une journée aux
États-Unis pour exempter un col trop élevé en altitude.
En Alberta
Quand j'entre en Alberta, j'ai bon espoir que les côtes soient terminées et
qu'un vent arrière me permettrait d'avancer plus vite. Malheureusement, ce
n'est pas le cas. Le sud de l'Alberta est beaucoup plus vallonné que je
pensais.
À l'entrée de la province, traversant un parc provincial, j'observe le sens de
rotation des éoliennes, et je me rends compte que ce ne sera pas pour aujourd'hui
le vent arrière. J'ai eu encore un vent de face pour plusieurs jours.
Tout l'Alberta fut venteux, je prends neuf heures et demi pour faire 72
kilomètres : c'est ridicule et un peu décourageant. Sur la route, il n'y a que
des grosses enseignes Anti-Avortement et de Propos Bibliques. Je roule
maintenant sur l'accotement de la Transcanadienne 1, c'est vallonné et
verdoyant. Si j'avais voulu avoir des routes plus tranquilles, plus bucoliques,
je devais monter plus au nord et le kilométrage s'allongeait de beaucoup.
Toute la circulation fut arrêtée pour la traversée d'un troupeau de bisons. La
température est plus chaude, le temps ensoleillé, mais il y a toujours ce vent
de face qui me ralentit. Le matin au déjeuner, je regarde tous les drapeaux qui
battent au vent, mais jamais dans le bon sens.
En Saskatchewan
La traversée de cette province est caractérisée par des tornades. Au niveau de Swift Current, elles arrivent du sud,
c'est-à-dire du Montana. Lors de mon arrivée dans un motel, la dame de la
réception me montre le chemin à prendre pour aller me cacher au sous-sol, si
besoin est. Une tornade vient juste de toucher terre à un kilomètre de notre
endroit. Des bordées de grêles m'ont accompagné toute la journée.
La température oscille autour de 35C, c'est humide et j'ai toujours des vents
contraires. Des gens me donnent des instructions, à savoir comment faire si une
tornade s'approche de moi sur la route: se coucher dans les fossés ou entrer
dans les bouches d'écoulement d'eau et attendre que ce soit terminée. Nous
sommes au début de juillet et je roule toujours sur la Transcanadienne 1.
Au Manitoba
Je continue sur la Transcanadienne 1 jusqu'à Winnipeg où je change de direction
pour le sud du Minnesota. La raison de ce changement de route est de ne pas
être obligé de passer par le nord de l'Ontario en raison des routes sans
accotements et du trop grand nombre de camions. À 100 kilomètres au sud de
Winnipeg, j'ai fait une halte dans le petit village de St-Malo, où, à ma très
grande surprise, tout le monde parlait français.
Je pédale pendant quatre jours dans le Minnesota, toujours avec un vent de face
et une chaleur de plus en plus intense. Il y a beaucoup de fermes: ce sont les
Prairies.
Je traverse ensuite le Wisconsin pendant trois jours, car mon objectif est de me
rendre à Milwaukee où un traversier d'une durée de deux heures et demi m'amène
à Muskegon sur le bord du Lac Michigan. Au sud du Michigan, la chaleur s'intensifie
(35-38C) et j'ai toujours un vent de face. Je parcoure des régions très pauvres
et je remarque de nombreux sites industriels fermés.
Je me trouve à environ 200 miles au nord de Détroit où on annonce un festival
western. Je m'informe et on me dit que le festival a été annulé à cause de la
chaleur pour les chevaux (107F) . La bonne nouvelle est que je vais avoir de la
place pour dormir. Les quatre derniers jours furent vécus dans la pauvreté des
lieux.
En Ontario
Ayant terminé le trajet aux États-Unis, j'entre maintenant en Ontario. Lorsque
j'emprunte la voie pour traverser le pont pour me rendre à Sarnia, j'apprends
que les vélos ne sont pas admis sur le pont. Soupir! Je dois faire 25 milles de
plus au sud pour trouver un petit traversier qui m'amène aux douanes
canadiennes sur l'autre rivage.
À la sortie de ce traversier, je roule pendant deux jours au milieu de nulle
part, pas de dépanneur, pas d'hôtel... C'est la seule fois que j'utilise ma
tente. Je traverse le sud de l'Ontario en passant par London, Hamilton et
finalement arrivé sur le bord du Lac Ontario. Je maintiens le bord de l'eau par
les petites routes, même à Toronto. Il y a un festival Heavy Metal lors de mon
passage, ce qui me donne des problèmes pour me trouver une chambre d'hôtel.
La température est moins chaude lorsque je suis le bord de l'eau. La fin du lac
Ontario devient les Mille-îles et ensuite le St-Laurent fait son apparition.
J'arrête à Iroquois où un bon ami à moi m'accompagne en vélo jusqu'à Cornwall.
C'est la dernière nuit avant d'arriver chez-moi.
Cornwall, 6 heures du matin. Let's go :
direction Montréal!
Je suis le fleuve toute la journée et en dernier je prends la piste
cyclable à Lachine qui m'amène jusqu'au centre-ville de Montréal. J'arrive
devant la porte de notre condo vers 16 heures. Quelques bons amis et famille
étaient présents pour m'accueillir, et d'autres sont venus me saluer durant la
soirée.
Vancouver-Montréal
Ce fut 4 560 kilomètres en 46 jours. J'ai eu souvent envie de lâcher, de
louer une voiture, mettre mon vélo dans le coffre et de revenir plus vite à la
maison. Mais « Robert n'est pas fait de ce bois-là! »
J'ai perdu plus de 10
livres et j'ai un drôle de bronzage. Ce ne fut pas un voyage gastronomique. De
plus, les hôtels sur ma route ont souvent été très miteux et coûtaient entre
50-60$ par soir. Je faisais mes réservations par Ipad le matin au déjeuner.
C'est la Colombie-Britannique qui m'a donné le plus de misère à cause de ses
cols et du froid. Les quelques jours de vent arrière, je roulais facilement 200
kilomètres dans ma journée. Je prenais de l'avance pour les jours malchanceux.
Si vous cherchez les beaux paysages, les routes bucoliques, ce n'est certainement
pas le bon trajet. C'est vrai que c'est un trajet mythique que de faire
Vancouver-Montréal, je suis content de l'avoir fait, mais pensez-y deux fois
avant d'entreprendre une aventure semblable.
Liette ajoute : « Et oui! Il a tenu promesse: il m'a appelé à tous les
soirs. Très souvent, je sentais plus d'insatisfaction dans sa voix que de
réjouissance. Ce fut une période, disons-le, plutôt difficile, mais Robert est
construit dans du bois dur. »
Revenez-nous la semaine prochaine pour visiter une autre partie de notre Monde.
Lili & Deslo