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L’éléphant, le chat et la souris


Une chose est claire, le Canada doit ratifier cette entente même si le secteur de l'aluminium traverse une crise et qu'il pourrait en être affecté. Les enjeux pour l'ensemble de l'économie du pays sont trop grands pour que des appréhensions fondées ou non puissent conduire le Canada à la perte du marché nord-américain pour ses biens et services.
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Photo : crédit image: (haut) Source : oie.oenum.ca; (bas) Brigitisiscenterblog.net
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 18 décembre 2019

La signature la semaine dernière du nouveau traité de libre-échange Canada-Etats-Unis et Mexique fait jaser dans les chaumières canadiennes et a mis en mal la nouvelle relation entre le Bloc québécois et le Parti libéral de Justin Trudeau sur la question obscure des gains ou des pertes pour le secteur de l'aluminium.

Industrie concentrée au Québec, l'aluminium n'aurait pas obtenu les mêmes garanties de fabrication en Amérique du Nord qu'a obtenues le secteur de l'acier. Cela s'est fait sous la pression du Parti démocrate américain qui a forcé des modifications à l'entente initiale pour protéger le secteur de l'acier. Tentative d'explications d'un sujet complexe et vital pour la prospérité du Canada.

La politique de sa géographie

D'abord, soyons modestes. Reconnaissons d'emblée que même si le Canada appartient au club sélect des grandes économies du monde, sa présence s'y justifie plus par sa géographie, à proximité des États-Unis, que par sa force réelle et par son rayonnement. L'ancien premier ministre du Québec, Robert Bourassa, citant Talleyrand, disait que l'on avait la politique de sa géographie. On pourrait ajouter aujourd'hui que nous avons aussi la politique de notre poids démographique. Le Canada est un petit pays et lorsqu'il se retrouve à la table des grands, il a besoin d'alliés solides pour pouvoir jouer un rôle dans la conduite des affaires du monde.

Pierre Elliott Trudeau, ancien premier ministre du Canada et père de notre actuel premier ministre Justin Trudeau, l'avait bien compris. On se rappellera qu'à son arrivée au pouvoir en 1968, il a développé une politique étrangère indépendante des États-Unis reconnaissant la Chine communiste de Mao Tsé Toung et entretenant des relations étroites avec le régime cubain de Fidel Castro.

Cela a eu pour résultat de jeter un froid sur les relations du Canada avec les États-Unis. Le président américain de l'époque, Richard Nixon, n'aimait pas les extravagances de Pierre Elliott Trudeau. Celui-ci le savait et n'hésitait pas à affirmer sa position. Lors de sa première visite officielle aux États-Unis, Pierre Elliott Trudeau avait déclaré : « Vivre à vos côtés c'est comme dormir avec un éléphant. Peu importe le tempérament et la gentillesse de la bête, on demeure affecté par tous ses tics et ses grognements. »

Le Canada, un joueur négligé

Les relations canado-américaines ont connu des jours tumultueux dans notre histoire. C'est probablement sous le leadership de Brian Mulroney au Canada et de Ronald Reagan aux États-Unis où ces relations ont connu leurs plus beaux moments avec l'entente sur les pluies acides des Grands Lacs et la signature du premier traité de libre-échange Canada-États-Unis, devenu par la suite l'ALENA. Néanmoins, règle générale, les relations entre nos deux pays se vivent en fonction de nos intérêts économiques et de la personnalité des premiers ministres et des présidents. À l'heure actuelle, personne ne peut prétendre avoir des relations harmonieuses avec l'actuel président américain, Donald Trump, il est trop imprévisible. Pour nous en convaincre, nous n'avons qu'à penser aux relations qu'il entretient avec la Chine et ses alliés européens. Par ailleurs, les relations de Donald Trump avec Justin Trudeau sont ordinaires. Peu de chances que Donald Trump donne un coup de pouce à Justin Trudeau comme le faisait Ronald Reagan pour Brian Mulroney. Reste que nos relations économiques intégrées plus que jamais sont excellentes et c'est cela qui explique fondamentalement la signature d'un nouveau traité de libre-échange renouvelé et amélioré. Comme l'a déclaré justement Justin Trudeau, les relations canado-américaines dépassent la personnalité de ceux qui dirigent ces pays. Le Canada a donc le poids que lui donnent sa géographie et la qualité des relations entre ses principaux dirigeants. Ce qui revient à dire qu'actuellement le Canada compte pour bien peu dans les préoccupations américaines.

C'est dans ce contexte et cet esprit qu'il nous faut juger la pertinence ou non pour le Canada de ratifier le nouvel accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique. Il est vrai que dans la première mouture, l'accord faisait des brèches dans la loi de la gestion de l'offre en agriculture que le gouvernement a compensées par des problèmes de compensation aux agriculteurs. Cette fois, l'entente quelque peu remaniée sous l'influence des démocrates de Nancy Pelosi à la Chambre des représentants a, cette fois-ci, laissé de côté un autre secteur d'activité dominé par le Québec, soit la production d'aluminium. Quand il est question des compromis consentis par le Canada, il semble que c'est le Québec qui en fait surtout les frais. Précisons que l'entente aux dires mêmes des porte-parole de l'industrie est un gain par rapport à la situation actuelle, mais les garanties offertes au secteur de l'acier n'ont pas été obtenues par le secteur de l'aluminium.
Les questions que l'on doit poser à celles et à ceux qui affirment que l'on ne peut accepter l'accord tel que signé si le secteur de l'aluminium n'obtient pas les mêmes garanties que le secteur de l'acier sont simples : avons-nous une marge de manœuvre de négociations ? Faut-il sacrifier un traité essentiel à l'économie canadienne pour des craintes justifiées ou non sur les comportements plus ou moins loyaux de la Chine et du Mexique pour travestir l'esprit de l'entente dans le domaine de l'aluminium ? L'économie canadienne peut-elle croître sans avoir d'accès au marché nord-américain ? Poser ces questions c'est y répondre.

Pourtant, le nouvel accord est nettement amélioré sur celui que nous avons présentement en vigueur notamment pour la protection de l'environnement et le droit des travailleuses et des travailleurs. Sujets fort importants qui justifiaient par le passé les réticences de la gauche envers ce type de traité économique.

Un nouvel accord amélioré ?

Sous l'impulsion des démocrates qui ont donné un coup de main au Canada, l'accord signé la semaine dernière est nettement amélioré. Des modifications vraiment mineures, mais importantes ont permis à l'administration de Donald Trump d'obtenir l'appui de la Chambre des représentants à majorité démocrate. On a ainsi obtenu que le Mexique protège mieux ses travailleurs et qu'un comité international puisse enquêter sur d'éventuelles violations commises dans les usines et si besoin est, imposer des pénalités financières aux contrevenants. En matière environnementale, le Mexique doit montrer patte blanche et prouver qu'il respecte les normes environnementales. Les démocrates ont aussi défendu et obtenu l'une des revendications canadiennes concernant l'élimination de la protection de dix ans accordée aux brevets des compagnies pharmaceutiques et amélioré le processus de règlement des différends en s'assurant que le pouvoir politique américain ne puisse l'entraver. Bref, une entente qui est meilleure pour le Canada globalement. Alors où le bât blesse-t-il ?

Citons l'éditorialiste du Devoir Robert Dutrisac sur cette question : « Dans cette dernière série de négociations, le Canada et les États-Unis faisaient front commun pour que les partenaires s'engagent à fabriquer des véhicules avec des pièces constituées à 70 % d'acier ou d'aluminium "fondu et coulé" dans la zone de libre-échange nord-américaine. La production de l'acier a bénéficié de cette protection, mais pas l'aluminium, un enjeu moins important pour les travailleurs américains. En clair, cela signifie que les usines mexicaines pourront continuer à produire des pièces d'aluminium à partir de lingots coulés en Chine et que cette pratique risque de prendre de l'ampleur. On accuse la Chine de pratiquer une forme de dumping de l'aluminium qui sort de ses alumineries alimentées au charbon et, de ce fait, fort polluantes. Au Canada, 90 % de ce métal vient des alumineries québécoises, une activité qui fournit 10 000 emplois directs au Québec. Ottawa s'est portée à la défense de l'accord final, soutenant que même l'industrie de l'aluminium a fait des gains. C'est nous demander de prendre des vessies pour des lanternes : cette industrie n'a pas obtenu les mêmes avantages que les sidérurgies basées surtout en Ontario. »

Signer ou ne pas signer ?

Sachant tout cela, la situation peut devenir complexe dans le contexte d'un gouvernement minoritaire à Ottawa. Laissons de côté le jeu politique de qui appui qui dans le contexte de préparer la prochaine élection. Il y aura bien d'autres sujets pour nos partis politiques afin qu'ils s'adonnent à ce jeu partisan. Une chose est claire, le Canada doit ratifier cette entente même si le secteur de l'aluminium traverse une crise et qu'il pourrait en être affecté. Les enjeux pour l'ensemble de l'économie du pays sont trop grands pour que des appréhensions fondées ou non puissent conduire le Canada à la perte du marché nord-américain pour ses biens et services. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas avoir une attention soutenue envers le comportement des joueurs dans ce marché et de faire, le cas échéant, les représentations utiles sur le plan politique.

Ratifier ce traité est essentiel pour le Canada. Reste néanmoins que cela laissera un goût amer dans la bouche. Pour reprendre la métaphore de l'éléphant et de la souris. Le Canada est la souris qui s'est fait avaler à la fin par le chat mexicain. On pourra se rappeler cet épisode de notre vie politique comme celui de l'histoire de l'éléphant, du chat et de la souris...


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