En Estrie, 103 organismes communautaires sont en grève les 2 et 3 novembre, dont 56 ici, à Sherbrooke. Ils demandent entre autres à ce que leur expertise soit reconnue et mieux soutenue financièrement.
Quatre grandes revendications sont au cœur du mouvement de manifestation contre les coupures gouvernementales qui ont entrainé le personnel, les bénévoles et les membres de plus de 1300 organismes communautaires partout en province.
Le milieu est expert
Le premier point défendu par Sébastien Laberge, directeur général du Partage Saint-François et porte-parole du mouvement, est celui de l'importance de capitaliser sur l'expertise développée par les organismes communautaires.
« L'expertise du milieu nous permet d'avoir des interventions appropriées et qui répondent aux besoins des gens qui fréquentent nos organismes. En demandant à ce qu'on soit financés à la mission, ce qu'on demande au gouvernement, c'est de nous laisser travailler à notre façon, expliquait M. Laberge tout juste avant un point de presse devant des dizaines de personnes issues du milieu communautaire, lundi avant-midi. Nous avons fait nos preuves et les résultats sont là. »
Avant tout, M. Laberge ne veut pas que son organisme de devienne qu'un sous-traitant de l'État avec des objectifs de résultats dictés, sans prise en considération du milieu ou de la problématique sur laquelle il travaille
« Au Partage Saint-François, on œuvre pour aider les gens en itinérance depuis 33 ans. On sait quoi faire et comment aider les gens, affirme-t-il. L'expertise vaut la peine d'être écoutée. »
Rehausser et indexer le financement
Les organismes communautaires réclament entre autres une bonification substantielle des enveloppes qui leur sont destinées, qu'ils œuvrent en éducation, en défense collective des droits ou en santé et services sociaux.
« Juste en santé et services sociaux, on parle d'un manque de 225 millions de dollars. Plusieurs organismes sont financés minimalement et d'autres ne sont pas financés du tout, explique Sébastien Laberge. La troisième revendication, c'est l'indexation des sommes allouées. Comme tout le monde, on paie du chauffage, des frais de transport, des salaires, de la nourriture. Pour nous, ne pas indexer au coût de la vie, c'est couper. »
Finalement, Sébastien Laberge réclame la fin des coupures drastiques du gouvernement de Philippe Couillard qui, malgré ce qui a été dit par les ministres Lucie Charlebois et Gaétan Barrette, touchent les services à la population.
« Mme Charlebois disait qu'il n'y aurait pas de répercussions sur les services, que ce serait des coupures administratives, explique le porte-parole. Le ministre Barrette a dit la même chose. Mais les coupures de services dans le réseau de santé ont des impacts sur nous parce que les gens se tournent vers le communautaire pour recevoir des services! Et seulement en Estrie, deux organismes ont fermé leurs portes depuis le début de l'année, faute de financement. »
Le milieu communautaire compte-t-il interpeller les députés libéraux élus le 19 octobre?
« Notre nouveau premier ministre a promis de revoir le programme SPLI [ndlr : Programme des partenariats de lutte contre l'itinérance] et d'en bonifier le financement. Nous allons laisser la chance au coureur », conclut M. Laberge.
Des impacts réels
Plusieurs organismes communautaires touchés par le sous-financement étaient présents à la manifestation dans le stationnement du Partage Saint-François, lundi matin.
Intervenant au SHASE (Soutien aux hommes agressés sexuellement durant l'enfance), Évans Bédard a rappelé que son organisme allait fermer ses portes le 1er janvier 2016, si rien n'était fait du côté gouvernemental. En 15 ans d'existence, le SHASE n'a jamais bénéficié de financement récurrent. Des centaines d'hommes se retrouveront donc sans ressources pour les aider si de l'argent neuf ne descend pas bientôt.
Coordonnatrice d'Arrimage Estrie, un organisme qui fait dans l'aide relative à 'image corporelle et les troubles alimentaires, Julie Witty-Chagnon assure que le sous-financement de sa ressource met en péril les services à la population.
« Nous avons beaucoup de demandes parce que nous sommes les seuls à couvrir l'Estrie au grand complet, explique-t-elle. C'est un grand territoire et nous sommes trois intervenantes, à 28 heures par semaine, en plus d'avoir des mises à pieds tous les étés pour sauver des coûts. »
Selon elle, le volume de demandes justifierait l'emploi à temps plein de six personnes.
« On ne fait même plus de publicité pour nos services parce qu'on ne peut pas répondre à la demande. Nous allons dans les écoles secondaires, nous avons des groupes à nos bureaux. Le sous-financement a des répercussions sur les ressources humaines et directement sur les services qu'on peut offrir. »