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  HABITATION / Construction Estrie

Gestion des eaux pluviales :des solutions efficaces et esthétiques

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APCHQ Estrie Par APCHQ Estrie
Vendredi le 21 août 2015

Par Louise A. Legault

De l'eau, beaucoup d'eau! De l'eau qui tombe du ciel, qui ruisselle et qui percole dans le sol. De l'eau qui s'infiltre dans la moindre fissure et s'accumule dans la plus petite dépression. De l'eau qui ronge le terrain et l'emporte par grands pans. De l'eau qui peut faire la pluie et le beau temps dans le domaine du bâtiment, dont il faut assurer de plus en plus une bonne gestion pour la préserver et l'exploiter comme un atout dans un environnement résidentiel.

La gestion de l'eau de pluie s'est limitée longtemps à l'évacuer le plus rapidement possible, une approche strictement quantitative et technique. Une pente appropriée, bien orientée, et le tour était joué. Il ne semblait y avoir aucune limite à la capacité des installations.

Avec l'imperméabilisation grandissante des centres urbains cependant, l'eau pluviale présente un important problème sanitaire qui complique son traitement et sa gestion. Par forte pluie, toute cette eau déborde des infrastructures et est rejetée directement dans les cours d'eau (ou se retrouve dans les sous-sols). Or, cette eau charrie avec elle hydrocarbures, pesticides, métaux lourds et poussières. Il faut donc trouver le moyen de la retenir et de la nettoyer avant de l'évacuer.

Augmenter la perméabilité

L'approche peut sembler évidente. Pourquoi ne pas rendre les surfaces perméables? Dans le cas du pavé drainant, l'eau s'infiltre entre les pavés pour s'accumuler dans la structure. Elle est ainsi détournée des canalisations d'égout et des cours d'eau. Les matières polluantes sont filtrées, ce qui empêche la contamination des eaux.

Si le revêtement en pavé drainant s'avère un peu plus coûteux, il évite l'installation de bassins de rétention, une économie non négligeable. Construction Danam Bonzai fait justement l'essai des pavés INFLO mis au point par Techo-Bloc dans les rues privées et les stationnements extérieurs du projet Cité 7 à Mirabel.

Ce même principe se retrouve avec le béton drainant, un béton composé de vides interconnectés représentant de 15 à 35 % du volume. Encore une fois, l'eau pénètre le béton et percole dans la structure, afin d'approvisionner la nappe phréatique et les couches aquifères. Le béton drainant peut ainsi évacuer de 85 à 730 litres d'eau par mètre carré à la minute.

Le niveau d'infiltration varie selon l'apport de particules fines, ce qui laisse des vides. « Il faut prendre soin de ne pas fragiliser le revête - ment indûment, explique Pierre Berté de Sintra. Les cycles de gel et de dégel peuvent entraîner la rupture des granulats et créer des nids-de poule et des fissures. » Ce type de revêtement en béton drainant ne convient donc pas aux endroits très fréquentés ou traversés par des véhicules lourds.

Selon Manon Martineau, directrice du développement des produits spéciaux - béton prêt-à- l'emploi - chez Lafarge, le béton drainant trouve son application dans les aires de stationnement, les voies piétonnières, les aires de jeux et les parcs. « C'est du cas par cas, remarque-t-elle. Il faut tenir compte du type de sol, du niveau de précipitations et des aires adjacentes. » Le béton drainant s'avère compétitif par rapport au pavé imbriqué et peut constituer une option en mi - lieu urbain où l'espace est souvent restreint.

Le Québec est un peu à la traîne en ce domaine, notamment par rapport à l'Ontario, qui a publié son guide de gestion des eaux pluviales dès 2003. La Ready Mixed Concrete Association of Ontario (RMCAO) a d'ailleurs élaboré une norme en ce qui concerne le béton drainant.

La Ville de Montréal réalise en ce moment deux planches d'essai avec béton drainant sur les trottoirs d'un tournebride près de la rue Notre-Dame, où les fosses de plantation ont été agrandies. « Nous allons mesurer l'apport d'eau et voir si les arbres municipaux s'en portent mieux. Ils pourront ainsi mieux contribuer à la canopée et à la lutte aux effets d'îlot de chaleur, note l'architecte Guy Trudel, de la direction des transports. Nous voulons aussi évaluer l'effet sur l'entretien et le besoin d'arrosage. » Eau, îlot de chaleur, entretien, tout est relié. Avec en prime la sécurité, l'eau (et la glace) ne s'accumulant plus sur les trottoirs.

Laisser la nature faire son œuvre

Plutôt que de s'opposer aux processus naturels, une approche qui a malheureusement démontré ses limites, il peut s'avérer profitable de mimer la nature et de travailler avec elle. À l'approche pure et dure, il faut ajouter l'approche douce, qui recourt à la végétalisation. L'eau n'est plus ici quelque chose dont on doit se débarrasser de la façon la plus efficace, mais plutôt une ressource à exploiter

Une thèse de maîtrise de l'Université de Sherbrooke avance qu'avec une bonne planification de son territoire, une municipalité pourrait constituer une chaîne d'espaces végétalisés qui contribueraient à la réduction de l'effet d'îlot de chaleur observé en milieu urbain et à l'augmentation de la biodiversité, en assurant une meilleure connectivité des espaces verts entre eux.

La création de ces espaces verts répond aussi au besoin de contact avec la nature. Dans une telle approche, la gestion de l'eau va bien au-delà des considérations techniques et revêt une dimension sociale en créant des milieux de vie plus agréables. C'est un peu le pari retenu par NIP Paysage à Place l'Acadie, un ensemble d'habitations à prix modique de Montréal tristement célèbre, revampé avec trois aires de plantation, qui créent des espaces de jeu pour les enfants tout en gérant les eaux de surface.

Québec habitation a fait état de plusieurs projets résidentiels et des solutions retenues par les promoteurs pour gérer les eaux de surface. C'est le cas, entre autres, du projet de la Cité verte à Québec, avec ses bioswales et son bassin de rétention qui empêche l'érosion de la falaise en contrebas. Il y a aussi l'Albatros de Saint-Eustache, qui a utilisé les lacs artificiels d'un terrain de golf pour empêcher le rejet aux ruisseaux environnants tout en créant un parc pour les résidents du projet. Dans le projet de logement social le Coteau vert, les concepteurs ont pu réduire le nombre de places de stationnement et créer ainsi une cour intérieure verte avec un bassin de rétention des eaux en son centre.

Cette même approche peut servir dans la réfection de zones « tout béton » comme les Habitations Jeanne-Mance, un parc de logements sociaux au centre de Montréal. En verdissant les stationnements, la firme EXP a pu à la fois régler un problème d'inondation récurrente, créer un milieu de vie plus intéressant et rafraîchir cet îlot de béton.

Pour Vinci Consultants, il s'agit de pratiques nouvelles, et les clients demeurent frileux. Optimiste, l'ingénieure et PA LEED Marie Dugué évalue à 10 % le volume de projets végétalisés comparativement aux projets structuraux traditionnels. « La biorétention n'est pas toujours possible, mais elle est moins chère, ce qui est un argument de plus en sa faveur », note-t-elle.

Ce domaine conserve encore un côté expérimental. « On ne sait pas toujours comment les plantes vont réagir », souligne Josée Labelle, architecte paysagiste chez NIP Paysage. Au Coteau vert, par exemple, NIP devra trouver de nouvelles solutions, « la densité hallucinante d'enfants » ayant eu raison du gazon dans la cour intérieure.

Pour l'architecte paysagiste, le bâtiment même peut participer à la gestion des eaux pluviales. C'est ainsi qu'au Centre sportif de Gatineau, l'ajout de « gargouilles », qui constitue en fait un abaissement du parapet, éloigne l'eau du bâtiment vers des enrochements. Rien n'empêche non plus de raccorder le drain des toits plats au jardin plutôt qu'aux égouts. La gestion des eaux pluviales doit donc faire partie d'un concept intégré.

Faire avancer la pratique

Vinci Consultants et NIP Paysage collaborent à des projets de recherche et développement (R-D) dans le domaine. Les ingénieurs assurent notamment un suivi du stationnement du magasin Mountain Equipment Coop depuis 2009.

« Tout fonctionne très bien, été comme hiver », note Marie Dugué. Dans ce cas-ci, l'eau des toits est même redirigée vers les toilettes.

Plus récemment, ce duo s'est attaqué au stationnement du Marché public de Longueuil, inauguré en 2014. « L'Association des producteurs maraîchers du Québec n'aurait pu aménager un stationnement de 250 places en façade n'eût été de ce nouveau concept », explique Pascale Rouillé, de Vinci Consultants. Pas moins de six pratiques de gestion optimales (PGO) des eaux pluviales différentes (biorétention, noues, tranchées drainantes, tranchées « infiltrantes », bassins secs et bassins à niveau d'eau permanent) y sont mises à contribution en série. L'eau des toits est récupérée et sert à l'alimentation des toilettes et au nettoyage des étals extérieurs. L'endroit sera également le théâtre d'une formation en horticulture dans le cadre d'un programme d'insertion au travail. Des ateliers seront aussi donnés pour sensibiliser les visiteurs.

Voilà autant de façons de faire avancer la pratique et de rapprocher les citadins de leur vraie nature.

 

Source : Magasine Québec Habitation Aout 2015, Magasine publié par l'APCHQ Provinciale


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