Dans une lettre ouverte, l'auteur nous invite à réfléchir aux actions qui favorisent le vivre-ensemble et la non-violence.
Par Samya Lemrini Jeune Leader du projet Dialogue plus - Actions Interculturelles
Le 2 octobre de chaque année, la Journée
internationale de la non-violence est célébrée partout dans le monde. Pour
l'ONU et en vertu de la résolution de l'Assemblée générale du 15 juin 2007,
cette journée est « l'occasion de diffuser le message de la non-violence,
notamment par des actions d'éducation et de sensibilisation ».
La résolution
réaffirme la pertinence universelle du principe de non-violence et souhaite
favoriser une culture de paix, de tolérance, de compréhension et de
non-violence. Cette année, avec le contexte de pandémie, force est de constater
que la solidarité dont peuvent faire preuve les gens en temps de crise peut littéralement sauver des vies. Quelle
que soit la couleur de notre peau, la langue que nous parlons, quelles que
soient nos croyances religieuses et indépendamment de qui nous aimons, de
comment nous nous identifions, nous ne sommes pas les ennemis les un-e-s des
autres. Nous faisons front commun face à un adversaire de taille qui nous
guette tous et toutes. Nous y faisons face avec solidarité, entraide,
camaraderie, force et résilience. Nous n'avons pas le choix.
Plus que jamais, le contexte actuel nous rappelle l'importance de nous unir,
surtout avec ce début de deuxième vague. C'est en laissant de côté nos
appréhensions de l'autre et en s'ouvrant vers notre prochain, en faisant passer
l'intérêt commun avant le nôtre que nous parviendrons à lutter contre ce virus
infatigable. Dans les conditions qui prévalent, porter notre masque est un
geste solidaire, un geste militant, un geste que nous posons pour nous-mêmes,
mais aussi pour toutes les personnes qui nous entourent. Au-delà de nous unir
contre la pandémie, nous ne réalisons pas que nous prenons soin de milliers d'inconnu-e-s
qui sont peut-être né-e-s ici, mais peut-être aussi né-e-s outre-mer. Comme le
virus, notre bienveillance en cette période ne fait pas de discrimination. Elle
peut atteindre tout le monde, mais, plus robuste que la maladie, elle fait du
bien, elle est rassurante et se pose comme un baume sur le cœur de toutes les
personnes que l'on croise. Un simple regard ou un hochement de tête suffit pour
dire «merci». Merci de porter ton masque même si c'est pas le fun et même si tu es asymptomatique. Nous apprenons à
sourire avec les yeux et nous faisons de notre mieux pour passer à travers
cette épreuve collective difficile. Rapprochons-nous tout en respectant la
distanciation physique.
L'un des objectifs phares de la Journée internationale
de la non-violence est de favoriser le dialogue interculturel et de faciliter
le vivre ensemble, au-delà de tout préjugé ou mythe lié à l'inconnu. Dans cette
optique, il semble d'autant plus important d'insister sur l'enrayement de
l'intolérance par l'éducation et l'information sur la culture, les traditions
et l'histoire de l'autre. Il peut s'agir de votre voisin-e, de votre
enseignant-e, de votre médecin ou de votre commis d'épicerie. Elles et ils
viennent de Madagascar, du Togo, de la Colombie ou d'Algérie. Leur accent est
mélodieux et la couleur de leur peau est peut-être celle du sable ou du soleil
; mais leur sourire provient du Québec, des gens qu'ils et elles y ont
rencontrés et des souvenirs qu'elles et ils y ont créés.
Certes, il reste encore un bon bout de chemin à faire,
mais en échangeant avec les gens qui m'entourent, j'ose espérer que le Québec
est sur la bonne voie. Favoriser l'intégration des néo-québécois-es est
important pour assurer le respect des autres cultures. Leur offrir des
opportunités d'emploi sans discrimination à compétences égales est crucial.
La reconnaissance que nous sommes sur des terres
autochtones non-cédées et que les québécois-e-s nées ici sont des
descendant-e-s d'immigrant-e-s peut faciliter ce processus d'acceptation et
relativiser cette notion de « nouvel-le arrivant-e ». Car au fond, si nous ne
sommes pas issu-e-s des Premières Nations, si nous ne sommes pas Inuits ou
Métis, ne sommes-nous pas tou-te-s des immigrant-e-s ? Reconnaître qu'il y a du
racisme au Québec est également un pas de plus vers un changement de paradigme
nécessaire qui reflète l'importance de continuer d'éduquer les gens sur les
différences qui nous unissent. Nous unissent, oui ! Ce changement de paradigme
prend racine dans l'éducation à la non-violence.
Des drames indicibles comme la
mort précoce de Joyce Echaquan nous rappellent le passé colonial du Canada et
réitère notre devoir de mémoire et d'histoire. La détention de Mamadou Konaté
nous indigne et nous révolte. Ces deux situations, comme bien d'autres, nous
poussent à manifester pacifiquement pour faire entendre notre colère - avec
notre masque. C'est d'ailleurs l'un des dogmes clés de la théorie de la
non-violence : le pouvoir des dirigeants dépend du consentement des
populations. Nous consentons à éradiquer le virus, mais nous ne consentons pas à ces tragédies évitables. La
non-violence cherche à éroder l'arbitraire en refusant le statu quo. Refuser le statu
quo, ce n'est pas de s'insurger contre l'état d'urgence sanitaire. Non.
C'est s'octroyer le pouvoir de participer à notre société en respectant les
mesures d'urgence sanitaire pour pouvoir recommencer à vivre normalement le
plus rapidement possible. Ça, c'est
militant.
Je profite de cette tribune qui m'est accordée pour
m'adresser à toutes les générations : Apprenons du passé pour un avenir
meilleur. Faisons de cette journée une journée pour célébrer la diversité,
prenons un moment pour apprécier nos différences, car elles constituent
réellement une richesse inestimable. Reconnaissons nos faiblesses, acceptons
que nous pouvons toujours en apprendre plus. Normalisons le fait de ne pas tout
savoir. Soyons ouvert-e-s à nous éduquer, toujours plus. On se ressemble bien
plus qu'on pense.