Un intervenant psychosocial du CIUSSS de l'Estrie - CHUS intègrera dès le 1er avril les équipes policières ou paramédicales de Sherbrooke afin de mieux répondre aux situations impliquant des troubles de santé mentale sur le territoire de la ville.
Le projet est le fruit d'un partenariat entre le CIUSSS de l'Estrie - CHUS, le Service de police de Sherbrooke (SPS) ainsi que la Coopérative des travailleurs des ambulances de l'Estrie (CTAE). Si des équipes semblables existent à Montréal depuis quatre ans, le concours des ambulanciers à Sherbrooke est une première au Québec.
Le projet débutera par les quatre soirs où l'incidence des situations visées est plus élevée, c'est-à-dire les mercredis, jeudis, vendredis et samedis. L'intervenant sera intégré à une équipe policière deux soirs par semaine et à une équipe paramédicale les deux autres soirs, en alternance.
Le bon service au bon endroit
Par ces nouvelles équipes d'intervention spécialisées, on souhaite notamment enrayer le transport systématique aux urgences pour d'une part, les désengorger. De l'autre, mieux répondre aux réels besoins de la personne en détresse.
« La détresse psychologique est en progression à Sherbrooke et est récurrente chez certaines clientèles, affirme Lyne Cardinal, directrice des services généraux du CIUSSS de l'Estrie - CHUS. Une personne en détresse peut être momentanément perturbée ou encore vivre avec un problème de santé mentale. Le rôle de l'intervenant sera d'évaluer sur place les personnes afin de les orienter rapidement vers le bon professionnel ou la bonne ressource. »
Selon elle, cette évaluation permettra aussi de faire connaître les différentes ressources qui existent à ceux et celles qui ne les connaissent pas et qui ne nécessitent pas toujours une hospitalisation et des soins psychiatriques.
D'une durée d'un an, le projet sera soutenu par une équipe de recherche qui étudiera l'utilisation des services et les impacts sur les personnes qui auront bénéficié de l'équipe d'intervention.
« L'objectif est la pérennisation de cette équipe d'intervention et d'offrir le bon service, au bon endroit et au bon moment aux personnes en détresse, souligne Mme Cardinal. On pourra aussi repérer les personnes qui ne connaissent pas les services du réseau ou qui n'ont pas le réflexe d'y recourir. »
De grands avantages pour les services d'urgence
L'intégration d'un intervenant psychosocial à ses équipes policières n'aura que bénéfices pour le SPS selon son directeur adjoint, Danny McConnell. L'expert assis dans la voiture balisée permettra notamment d'améliorer les pratiques des agents de police auprès des personnes en détresse puisque l'intervention sera dorénavant mieux adaptée à la situation.
« Les opérations en lien avec des problèmes de santé mentale sont souvent longues et délicates. Réparti sur l'année, ces interventions occupent en moyenne des ressources policières pendant sept heures quotidiennement. L'incarcération ou l'hospitalisation psychiatrique ne sont pas des solutions idéales. En évitant la récurrence de ces interventions, on pourra limiter le temps d'attente aux urgences », explique-t-il.
Du côté de la CTAE, le directeur des opérations Jean-François Pellerin affirme que cette nouvelle équipe d'intervention permettra de diminuer le temps de réponse des ambulanciers sur le territoire.
Des résultats probants à Montréal
Le projet d'intégration d'un intervenant psychosocial est déployé depuis quatre ans au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Du côté policier, l'équipe de soutien aux urgences psychosociales (ÉSUP) a permis d'amorcer un changement de mentalité vis-à-vis de la détresse psychologique.
« Lorsque l'équipe d'ESUP se déplace, elle vient en soutien aux policiers qui vivent une zone grise, qui veulent aider la personne mais qui ne sait pas vers quelle ressource l'envoyer. ÉSUP va s'occuper de la personne et travailler de concert avec des intervenants pour répondre au besoin. Notre intervention évite les portes tournantes pour les policiers de quartier, qui doivent parfois se déplacer à répétition à la même adresse pour la même situation. Les policiers qui sollicitent ÉSUP savent que ça fonctionne », explique le coordonnateur d'ESUP du SPVM, Antonino Petrotta.
Le criminologue Éric Lefèbvre reconnait que la formule n'est pas magique. Il est toutefois convaincu que si l'on peut réduire le nombre de transports à l'hôpital et le nombre d'appels non fondés au 9-1-1 chaque année, tous en ressortent gagnants.
« Difficile de chiffrer combien de portes tournantes ont été évitées depuis quatre ans. Toutefois, on sait que 1500 appels ont été répondus par notre équipe l'an dernier. Les postes de police qui sont situés à des endroits plus problématiques ont aussi moins entendu parler de certaines personnes auprès de qui on pouvait intervenir régulièrement. »
Aurait-on donc trouvé une manière de mieux prendre en charge les cas de santé mentale? « Je pense que oui », conclu Éric Lefèbvre.