Aucun outil ne permettait jusqu'à aujourd'hui de quantifier le réseau vasculaire cérébral. C'est maintenant chose du passé puisqu'une équipe de chercheurs de la Faculté de médecine et des sciences de la santé (FMSS) de l'Université de Sherbrooke est à l'origine d'un nouvel outil informatique de segmentation révolutionnaire, déjà populaire sur la scène internationale.
Pendant ses études postdoctorales en Allemagne, le professeur-chercheur à la FMSS de l'Université de Sherbrooke, Kevin Whittingstall, voyait plusieurs cerveaux post mortem passer au laboratoire dans lequel il travaillait. Pour lui, il était évident que les petits vaisseaux sanguins étaient modifiés par soit une commotion cérébrale ou bien la maladie d'Alzheimer par exemple.
« Je me suis dit qu'il devait exister des outils pour quantifier ces vaisseaux sanguins dans un humain vivant, a expliqué le principal intéressé ce matin lors du dévoilement du projet. C'est là que je me suis aperçu que ça n'existait pas. Quand on m'a engagé ici en 2011, j'avais comme vue globale de commencer à quantifier la position, la structure et la morphologie de ces petits vaisseaux sanguins. J'ai donc recruté une équipe avec plein de gens qualifiés pour faire ce travail. »
Le professeur-chercheur Whittingstall a mis plusieurs années à développer des techniques non invasives d'imagerie pour visualiser la structure et le fonctionnement du cerveau humain. Aujourd'hui, son étudiant au doctorat, Michaël Bernier, qui est maintenant chercheur postdoctoral à la Harvard Medical School, a dévoilé son outil informatique de segmentation révolutionnaire, lequel est un atlas comprenant une banque d'images des vaisseaux sanguins cérébraux chez des humains sains servant de référence pour cibler des altérations chez des personnes atteintes de dégénérescence d'origine vasculaire.
« Le nouvel outil permet de voir la vascularisation du cerveau autant au niveau des veines que des artères, a indiqué Michaël Bernier. Avant, on observait l'image et on avait une petite idée qualitative de quel était l'impact de la vascularisation d'une certaine maladie sur un patient. Maintenant, on a un outil qui peut s'appliquer sur n'importe quel type d'image qui étudie la vascularisation. On peut extraire la vascularisation et la comparer à une base de données de patients sains afin de voir si un individu a un biomarqueur de début de maladie. »
L'atlas du cerveau mis en place est comme une banque de données d'empreintes digitales. C'est-à-dire que « nous effectuons une séance de 10 minutes d'imagerie par résonnance magnétique (IRM) pour prendre deux clichés du cerveau du patient, a expliqué M. Witthingstall. Le premier vise les artères par la mesure de la vélocité du sang. L'autre, qui mesure les interférences magnétiques, permet de visualiser les veines. Nos images sont si précises qu'elles nous permettent de quantifier la structure, la longueur et le diamètre des différents vaisseaux pour chaque région du cerveau. Michaël les assemble ensuite avec un logiciel alliant mathématiques et traitement d'images et obtient l'arbre vasculaire artério-veineux unique pour chaque patient. »
Un pas vers la démystification
Pour le moment, le nouvel outil développé n'est pas encore utilisé dans les hôpitaux puisqu'il est encore au stade de la recherche et de la planification. Cependant, le professeur-chercheur Whittingstall estime que son équipe est sur une bonne piste.
« Le jour où l'on va découvrir avec plusieurs études que c'est le réseau vasculaire qui est le premier biomarqueur atteint dans une certaine maladie, nous allons pouvoir répondre à plusieurs questions, à savoir comment on peut maintenir le réseau vasculaire en santé, a-t-il commenté. Ça va peut-être changer la façon de traiter certaines maladies. »
La Faculté de médecine et des sciences de la santé est devenue la première au monde à documenter un atlas artériel et veineux du cerveau. D'ailleurs, le projet trouve déjà des échos sur la scène internationale dans une collaboration en Italie avec le Dr Enrico Premi, qui étudie les accidents vasculaires cérébraux (AVC).
« On croit à la science ouverte, donc toute la technologie qui a été développée par M. Bernier pour cette étude peut être retrouvée en ligne gratuitement par les autres chercheurs ou cliniciens et utilisée dans leurs études, a noté M. Whittingstall. On croit qu'avec cette approche, le développement se fera plus rapidement. »
« On ne peut pas encore diagnostiquer au niveau clinique, mais ça permettra à toute fin d'étudier les débuts d'une maladie, a remarqué M. Bernier. C'est un pas en avant vers le diagnostic. Ce n'est pas encore approuvé au niveau clinique, mais on espère qu'on va aller dans cette direction et que ça pourra être utilisé partout dans le monde. »
Crédit images dans le texte: Michaël Bernier