Les amateurs d'art visuel seront servis pour la grande réouverture du MBAS. Deux installations forts différentes, mais originales en tous points, accueilleront les visiteurs. Seconde partie d'une visite pas ordinaire.
Un coup d'œil complètement différent attend les visiteurs à
l'étage du musée avec l'exposition remarquable de Steve Heimbecker. 16 Latitudes est le
fruit de quatre années d'un travail patient et élaboré, qui présente le
croisement entre la capture du son et de l'image, de l'espace et du temps. Son
titre vient du fait que l'artiste ait suivi l'axe d'une seule longitude traversant 16 latitudes, entre le nord
et le sud du Québec. Deux œuvres distinctes, mais complémentaires, composent celle-ci :
‘' Les 13 pointes de l'étoile filante'' et ‘'Saisons de la forêt au wall de
roches''.
Le créateur a mis trente ans à peaufiner une technique
permettant une cartographie du son et de l'image. Équipé de plusieurs appareils
spécialisés, micros, et caméras, M. Heimbecker a su capter les fréquences du
vent, de la vie urbaine ou animale, selon l'endroit choisi. Avec le temps, il a
développé une maîtrise exceptionnelle du mixage et de la superposition des sons
et des images, pour en faire des œuvres abouties. « L'idée d'utiliser une
multiplicité de canaux d'information, est d'exposer la dualité des détails dans
la représentation de l'ensemble de l'œuvre, » indique Steve Heimbecker.
Les endroits utilisés pour la création de ce projet
d'envergure ne sont pas anodins, puisque l'artiste cherchait des lieux
qui lui permettraient d'appliquer ces principes avec précision. Il a trouvé son
premier sujet avec le cratère des Pingualuit, créé par la chute d'une
météorite il y plus d'un million d'années, dans le parc national du même nom, qui
situé au nord du Nunavik.
Étant presque parfaitement circulaire, le lac qui s'y est formé était idéal
pour capter tous les éléments nécessaires à la réalisation de l'œuvre. M. Heimbecker tient à préciser que cette réalisation n'aurait pas été possible sans la précieuse collaboration des gardiens du parc qui l'ont généreusement accompagné pour l'y guider.
À l'aide de petites caméras de pointe, elles-mêmes équipées
de micros ultra-sensibles, le déplacement sonore du vent, la circonférence du
cratère ainsi que le paysage environnant, ont été scrupuleusement enregistrés
et filmés. Chacune des séances de tournage impliquait d'installer les caméras à
des angles et degrés différents, mais toujours de façon à couvrir l'entièreté
de la circonférence du Pingualuit, en son et en image.
Visuellement, ce sont 13 écrans projetant une série de 5
images disposées verticalement qui attendent les visiteurs. Projetées en
accéléré, elles sont à première vue immobiles, mais à force de les observer,
des détails et du mouvement se dégagent de celles-ci. L'enrobage sonore qui
accompagne l'installation est basé sur le même principe, faisant de l'ensemble,
une expérience immersive et fascinante.
Une impression de paysage ‘'lunaire'' se dégage de cette
partie de l'exposition. « Le nord est un endroit extraordinaire! De toutes
les expériences artistiques que j'ai faites, il n'y a rien de comparable à
celle-ci. C'est un lieu de solitude, mais aussi de méditation; sans le vouloir
spécifiquement, c'est ce qui ressort de cette aventure » raconte M.
Heimbecker. Il dit souhaiter que chaque visiteur y trouve un moment de
réflexion sur sa place dans l'ordre naturel lors de son passage.
Le second volet offre un point de vue complètement
différent. ‘'Saisons de la forêt au wall de roches'' utilise sensiblement la
même technique de captation d'images et de sons, mais le décor est planté dans
une forêt située aux abords de St-Étienne-de-Bolton. La captation s'est fait de
façon hebdomadaire, sur 36 mois afin de montrer les transitions entre les
saisons.
Cette fois, c'est muni d'une caméra ‘'GoPro'' que M. Heimbecker a pris ses
images. Celles-ci forment un mur où elles sont disposées côte à côte, comme des
images miroir, avec à chaque extrémité, des arbres bordés de neige; printanière
au début, automnale à la fin. L'artiste s'est filmé entrant et sortant de l'orée
de la forêt, superposant ensuite les séquences en 6 couches de 12 vidéos.
Chacune des vidéos est ralentie à 25%, donnant une impression de lenteur, comme
une marche dans les bois, mais en passant d'une saison à l'autre. Un ‘'concert''
discret, mélangeant chants d'oiseaux, bruits forestiers et voix animales, accompagnent
cette visite poétique.
16 Latitudes est présentée jusqu'au 31 janvier 2021.
mbas.qc.ca