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Où est notre GPS politique?

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Photo : Nous sommes, dit-il, devant deux choix, l’inclusion ou l’exclusion des gens que nous accueillons.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 22 février 2017

Nous sommes de plus en plus nombreux à nous servir d'un GPS (géopositionnement par satellite ou global positioning system) pour nous rendre d'une destination à une autre dans nos déplacements. Ces petits outils de notre quotidien ont rendu caduque l'utilisation des bonnes vieilles cartes routières. En politique, des conseillers chevronnés, expérimentés, aux réseaux sociaux larges et puissants, faisaient bien souvent office d'équivalent à ces bidules qui nous permettent de trouver notre destination dans nos déplacements.

Aujourd'hui, tout a changé. La politique est devenue affaire de marketing, de positionnement de marque et les conseillers d'antan ont été remplacés par de jeunes analystes perspicaces de logarithmes et d'analyse de métadonnées. Les partis politiques sont devenus des marques pour le meilleur et souvent pour le pire. La pratique du clientélisme électoral est quotidienne et les décisions de nos gouvernements sont souvent le résultat de calculs électoraux. Tentative d'analyse d'un contexte politique toxique...

Eux et nous encore...

Quand j'étais gamin, j'avais peur dans le noir. Ma mère me rassurait soit en laissant une veilleuse allumée dans ma chambre ou avec une porte entrebâillée. N'empêche que les jours où j'étais moins sage, elle me menaçait de me priver de ma veilleuse ou d'une porte entrouverte sur le monde éveillé. C'est un peu ce que nous propose le premier ministre Couillard dans la question de la laïcité par les temps qui courent. Les manifestations de la foi des autres par des signes ostentatoires sont indiscutables. C'est une question de principe.

Nous sommes, dit-il, devant deux choix, l'inclusion ou l'exclusion des gens que nous accueillons. Si nous ne voulons pas passer pour des xénophobes ou des intolérants, voire des racistes, nous devons accueillir à bras ouvert le voile des femmes musulmanes, le turban indien, la kippa portée par les juifs, ou encore le kirpan sikh pour nos juges, nos policiers ou nos gardiens de prison. Sans compter que le fatras des accommodements religieux est là pour de bon dans l'ordre et le désordre. Qu'importe les réserves exprimées par le sociologue et intellectuel respecté Gérard Bouchard, le premier ministre Couillard persiste et signe : « Canada's multiculturalism first and forever ».

Par son discours, Philippe Couillard souffle sur les braises de l'intolérance et de l'ignorance et il prépare le terrain à une campagne électorale de type « eux contre nous ». Eux, les méchants adversaires politiques intolérants et xénophobes, nous, les gentils libéraux accueillants et ouverts. Par ce discours, non seulement le premier ministre prépare-t-il des lendemains périlleux pour le Québec, mais il fabrique le terreau de la détestable pratique de la politique dite du « wedge politic ».

Politique rejetée à deux reprises par les Québécois soit contre Jean Charest qui s'opposait à la rue et à Pauline Marois qui se faisait la championne de la charte des valeurs québécoises.

Valeurs québécoises et libertés religieuses

Ceux qui me lisent régulièrement ou qui me connaissent savent bien que je n'ai rien contre le voile, le turban, la kippa. En fait, la question des signes ostentatoires des religions m'indiffère profondément. Je suis d'abord et avant tout un partisan de la laïcité et je suis l'un de ceux qui croient profondément que le crucifix au-dessus du siège du président de l'Assemblée nationale du Québec devrait être retiré. Pour moi, les questions religieuses sont un choix qui relève du privé et cela m'irrite de voir ces débats prendre autant de place dans l'espace public.

Néanmoins, il faut être sourd et aveugle pour ne pas voir que cette question interpelle les Québécoises et les Québécois. Pourquoi donc? Il faut remettre cette question dans le contexte de notre culture. Pendant plus de deux siècles, la population du Québec a vécu sous le joug de l'Église catholique romaine qui, associé avec le conquérant anglais, nous a soumis à la volonté des puissants et a régenté nos vies. Qui n'a pas une histoire de famille où un grand-père nous raconte qu'il n'a jamais vu le corps nu de sa femme légitime? Les histoires de robe de nuit trouées à l'endroit stratégique permettant de faire son devoir pour avoir des enfants? Les interdits dans les pratiques sexuelles des femmes et des hommes? Pendant longtemps, jusqu'à Vatican II, l'Église a été pour bien de nos ancêtres une chape de plomb dont le Québec s'est libéré avec la Révolution tranquille. Voilà le premier obstacle à notre compréhension des faits religieux vécus par celles et ceux que nous accueillons. Il est d'ordre culturel. Notre culture première, comme le dirait le sociologue Fernand Dumont.

Un second obstacle tient à la vision juridique qui sous-tend la question des accommodements religieux. Dans un texte d'opinion paru dans le journal Le Devoir, Me François Côté, chargé de cours et doctorant en droit, a écrit le 16 février dernier : « Ce qui pose réellement problème avec les accommodements accordés au nom de la religion, c'est la vision qui les sous-tend : une vision libérale et communautariste appliquée par la Cour Suprême du Canada en raison d'une Charte canadienne des droits et libertés (qui a été imposée au Québec en dépit de son opposition), alors que la société québécoise, dans son rapport avec l'égalité de tous devant la loi et sa perception de la question religieuse adhère, à titre de fait social largement documenté, à une perspective plus laïque et républicaine. »

Enfin, le dernier grand obstacle à la discussion du fait religieux dans l'espace public tient dans la spécificité du Québec comme société dans le grand tout canadien et du fait que la question de la pérennité de la culture française est toujours aussi incertaine, même plus aujourd'hui qu'hier. C'est pourquoi nous sommes partisans de l'interculturalisme plutôt que du multiculturalisme. Pour résumer la différence entre les deux de façon simplifiée, disons que le multiculturalisme est la célébration de la diversité alors que l'interculturalisme est l'intégration de la diversité à un socle de traditions communes préexistantes. Pardon à messieurs Bouchard et Taylor pour ces raccourcis extrêmes avec leurs pensées complexes et riches.

Débattre de la complexité

Quand on prend la mesure du problème que pose au Québec la question des signes ostentatoires et des accommodements religieux dans l'espace public, on se rend bien compte que nous sommes dans un sujet d'une grande complexité et aussi d'un potentiel de débats socialement explosif. La responsabilité d'un premier ministre du Québec n'est pas de nous imposer ses principes envers et contre tous ou de préparer un terrain électoral fertile propice à la division et à la fortification de sa base électorale. Sa première responsabilité c'est de nous guider vers des solutions de compromis et surtout d'éduquer la population. Ce n'est pas par la peur et l'ignorance que l'on fera du Québec une meilleure terre d'accueil. Le premier ministre Couillard a failli à sa responsabilité première et il est à se demander où est notre GPS politique.


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