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L’aveuglement québécois

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Photo : Si l’on en croit les derniers chiffres dévoilés dans les différents médias, c’est plus de 8 000 personnes d’origine haïtienne qui sont entrées illégalement au Québec depuis le mois de juin.
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 23 août 2017

La littérature et la fiction permettent d'explorer des facettes du monde inexplorées. Souvent, la littérature peut nous aider à dénouer des impasses qui relèvent de nos tabous et de nos non-dits. Par la fiction, on peut aller dans les fondements de l'impensé d'une société afin de réfléchir à notre condition humaine. C'est ce que fait l'auteur José Saramago, prix Nobel de la littérature en 1998, dans son roman l'aveuglement publié en 1995. Plongée dans la crise des migrants haïtiens à nos frontières.

L'aveuglement de Saramago

Ce roman raconte l'histoire d'un homme qui devient aveugle et qui se transformera en épidémie. Ce début d'une épidémie aussi étrange qu'inexplicable nous plonge dans les noirceurs de l'humanité et nous révèle notre aveuglement par nos préjugés, notre manque de sincérité et notre refus de regarder la vérité bien en face. Seul un personnage sera capable de voir et devra guider ses congénères dans les sentiers d'une recherche d'une humanité à retrouver.

Il y a un lien à faire avec ce roman percutant de Saramago et l'actuelle crise des migrants accompagnée de la montée d'un discours xénophobe au Québec. Nous sommes aveuglés par nos préjugés tout comme les protagonistes du roman de Saramago qui n'ont pas de véritables identités. Ils se confondent dans la masse, tous égaux, tous aveugles. La crise actuelle autour des migrants haïtiens exige que nous ne fermions pas les yeux et que notre lecture de la réalité efface les ombres et éclaire le monde de notre humanité. Il faut faire en sorte que nous gardions bien en vie l'espoir et que notre lucidité nous empêche de devenir des aveugles.

Réfugiés haïtiens au sud-est du Québec : État de situation

Si l'on en croit les derniers chiffres dévoilés dans les différents médias, c'est plus de 8 000 personnes d'origine haïtienne qui sont entrées illégalement au Québec depuis le mois de juin. Depuis le 1er aout dernier, plus de 3 800 personnes ont été interceptées au Canada après avoir traversé la frontière à pied pour être arrêtées et interceptées par la GRC. Nous avons droit en ce moment à un flux d'environ 250 personnes par jour. Ce n'est pas rien et ça ressemble, quoi qu'en disent les porte-parole des gouvernements, à une crise.

Certes, bien que l'on parle de milliers de personnes, le Québec et le Canada sont parfaitement capables de maîtriser la situation sur le plan des ressources disponibles pour accueillir ces gens. Ce qui vient compliquer la chose c'est la montée d'un discours à la limite de la xénophobie de certains groupes liés à l'extrême-droite et les discours « divisifs » de la classe politique dans cette affaire.

Les politiques en immigration de Trump : la source de la crise

Il faut comprendre que nous sommes devant des gens qui cherchent à immigrer chez nous sans passer par nos règles établies et sans faire une demande en bonne et due forme. Ce qui vient mettre de la pression sur nos règles et nos politiques en immigration. Malgré ce que peuvent en dire les uns et les autres, il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire pour empêcher ces gens d'entrer illégalement au Canada. Il s'agit du respect de règles internationales. Depuis 2004, une entente entre les États-Unis et le Canada oblige les migrants à faire une demande d'asile dans le premier pays où ils arrivent, même s'ils souhaitent rejoindre le second. En d'autres mots, avant de venir s'installer au Canada, les migrants haïtiens en question auraient dû en faire la demande à partir des États-Unis. Ce qu'ils n'ont pas fait craignant d'être refoulés dans leur pays d'origine : Haïti.

Dans ce cas précis, le mouvement actuel de population haïtienne à nos frontières est probablement et selon toute vraisemblance lié aux discours et aux politiques d'immigration de l'administration américaine du président Trump. Au lendemain du terrible séisme qui a ravagé Haïti en 2010, le président américain d'alors Barack Obama a octroyé un statut de protection temporaire (SPT) à plus de 60 000 Haïtiens. Le président Trump a annoncé l'intention de son gouvernement de ne pas renouveler ce statut à partir de janvier 2018. Ces Haïtiens ne veulent pas retourner dans leur pays parce que chez eux le niveau de pauvreté est toujours endémique, la corruption est toujours présente et le taux de criminalité a bondi. Il faut comprendre que pour la vaste majorité de ces gens, ils occupent des emplois et sont intégrés à la société américaine. Ils sont en quelque sorte déracinés par les politiques de Trump.

Les mots sont importants

Une fois que nous avons bien compris d'où vient ce phénomène récent de flux migratoire vers notre pays, pouvons-nous encore décemment les qualifier d'immigrants illégaux? Ne sont-ils pas de véritables réfugiés politiques victimes des politiques inqualifiables du président Trump en matière d'immigration? Le discours à la limite haineux de ce président à l'endroit des citoyens américains non-blancs n'est-il pas une source de persécution? Les événements racistes et inqualifiables de terrorisme intérieur à Charlottesville en Virginie occidentale tendent à accréditer ce point de vue.

Contrairement au discours de groupes de mouvance d'extrême-droite au Québec, ce mouvement de migrants haïtiens n'est pas composé d'immigrants illégaux, mais de véritables réfugiés politiques, résultat des politiques innommables en matière d'immigration de notre voisin américain, les États-Unis d'Amérique. Dans de tels moments, le choix des mots est important.

Le discours politique

Ainsi, pour les mouvements d'extrême-droite, ce sont des immigrants illégaux et on devrait les retourner chez eux au mépris des conventions internationales dont le Québec fait partie par la signature du Canada sur ces ententes. Pour sa part, le chef du PQ et de l'opposition officielle ménage la chèvre et le chou, mais finit par nous dire que de telles situations n'existeraient pas si le Québec était Maître chez lui. Un soupçon de discours souverainiste ça aide parfois. Comme si la situation serait différente si le Québec était souverain. Monsieur Lisée veut-il sous-entendre que le Québec s'il était un pays ne serait pas signataire des ententes internationales signées par les principaux pays de la planète?

Quant à lui, le premier ministre Couillard joue à la politique de la division et accuse tous ses adversaires de xénophobie en se présentant comme le seul et unique défenseur de la tarte aux pommes et des droits de l'humanité. Monsieur Legault quant à lui a dit des mots malheureux en utilisant l'expression que le Québec était une passoire, mais sur le fond on ne peut lui donner tort. C'est l'inaction du gouvernement en matière de la défense de la langue, de la culture et plus globalement de la nation québécoise qui est la toile de fond à ce sentiment d'insécurité grandissant de nombreux Québécois. C'est la même tiédeur des libéraux qui fournit le terreau favorable à la montée de l'extrême-droite, quoi qu'en dise le premier ministre Couillard.

Dénouer l'impasse

Si les mots ont un sens. Il faut bien dire que les Haïtiens à nos frontières sont de vrais réfugiés qui fuient un climat délétère et profondément raciste créé par le président américain Donald Trump. Les politiques de Trump sont directement responsables de l'affluence de ces gens démunis à nos frontières. Ces gens sont des réfugiés des politiques racistes et xénophobes du président Trump tout comme la mort de la manifestante contre le racisme en Virginie est le résultat d'un acte de terrorisme intérieur aussi condamnable que ceux que commettent les « fous d'Allah ».

Pour dénouer l'impasse, il faut que nous accueillions avec générosité ces familles de réfugiés politiques haïtiens. Notre gouvernement devrait faire des représentations auprès du gouvernement américain, négociation du traité de l'ALENA ou non, pour lui rappeler ses obligations internationales et les valeurs humanitaires sur lesquelles s'est fondée l'amitié entre nos peuples depuis des centaines d'années.

S'il est vrai que le gouvernement canadien et au premier chef le premier ministre Justin Trudeau doivent rectifier le tir de leurs discours pour qu'il soit mieux compris, il est aussi fondamental que l'on se souci au Québec des préoccupations légitimes des nôtres qui sont inquiets pour l'avenir de leur langue et de leur culture. Ce n'est pas en les traitant de xénophobes que l'on calmera le jeu, ni en créant des séances de défoulement collectif sur le racisme appréhendé des Québécois dans le cadre d'une commission d'enquête. Il faut plutôt comme veut le faire François Legault défendre les intérêts du Québec bec et ongles et affirmer le caractère sacré de la nation canadienne-française qui est la vaste majorité du Québec moderne.

Il faut éviter à tout prix de plonger le Québec dans une cécité politique et de faillir à ce que nous sommes et nous complaire dans l'aveuglement québécois.


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