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Les médias et l’opinion publique

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Photo : Je crois que les médias électroniques ainsi que les médias Web comme EstriePlus.com mériteraient aussi un appui financier. - Daniel Nadeau
Daniel Nadeau Par Daniel Nadeau
Mercredi le 27 mars 2019

Dans le dernier discours du budget fédéral du ministre des Finances, Bill Morneau, la ligne concernant l'aide à la presse écrite s'est perdue dans le tintamarre de l'indignité des conservateurs d'Andrew Scheer et des suites de l'affaire SNC-Lavalin. Chose certaine, la preuve n'est plus à faire. Le pouvoir des médias dans le formatage quotidien de nos débats démocratiques est mis à mal par la faillite des modèles d'affaires traditionnels.

Tout récemment, Jean-François Lisée a mis en lumière le pouvoir des médias dans son Qui veut la peau du Parti québécois ?, dans leur façon de dicter l'agenda du discours public. Un autre exemple nous est donné ces dernières semaines par l'affaire SNC-Lavalin. La question qui nous brûle les lèvres est la suivante : les médias sont-ils encore aujourd'hui à l'ère des réseaux sociaux et des réseaux d'information en continu le cinquième pouvoir ? Le point sur l'état des médias en 2019 et leur pouvoir sur l'opinion publique.

Des médias en crise

Il n'y a pas de doute. Le modèle d'affaires traditionnel des médias tant imprimés qu'électroniques est en crise. Les revenus publicitaires sont en forte baisse au profit des géants du Web que sont Facebook et Google. Depuis la dernière crise économique mondiale de 2008, où le Québec et le Canada n'ont pas été épargnés, il y a eu une baisse draconienne des dépenses publicitaires et cela est devenu une habitude. Parlant d'habitude, les agences de publicité composées d'X et d'Y ne croient plus aux vieux médias et ne jurent que par les réseaux sociaux et par le Web. Cela n'est pas sans conséquence sur le choix de leurs clients, les annonceurs.

Ces changements s'expliquent notamment par la croissance fulgurante des nouvelles plateformes de Facebook et Google. Devenus des monopoles mondiaux ces dernières années, Google et Facebook fédèrent désormais à peu près l'ensemble des comportements médiatiques : publicité, recherche et partage d'information, discussions et débats, publications de contenus riches. On obtient de meilleurs résultats pour le même investissement tout en ciblant plus précisément ses clientèles cibles.

Émergence de nouvelles plateformes

Dans un article du Voir publié en 2014, Simon Jodoin a bien expliqué ce nouveau phénomène. Lisons-le dans ces mots : « En fédérant ces comportements, ces plateformes se sont imposées comme un filtre entre le lectorat et le média local traditionnel. Naguère, le lecteur parcourait quotidiennement le site Web de son journal favori en se rendant tout bonnement sur sa page d'accueil pour lire les grands titres. Ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui et toutes les statistiques de fréquentation des sites médiatiques le démontrent. Le lecteur fréquente les contenus publiés à partir de liens partagés sur les médias sociaux, via les résultats d'une requête dans les engins de recherche ou encore par le biais d'agrégateurs comme Google news.

Autrement dit, les nouvelles mégapoles comme Google et Facebook s'imposent, et ce à l'échelle planétaire, comme des méta-portails, des médias qui précèdent et englobent tous les autres médias. En s'imposant ainsi comme la porte d'entrée de tous les contenus publiés, ces mégapoles ont pu devenir de véritables machines impossibles à concurrencer pour un média local. En devenant la porte d'entrée de tous les contenus de tous les médias, ces nouvelles plateformes se sont transformées en aspirateurs de revenus publicitaires. Or, le "lectorat" de ces plateformes est si imposant et leur coût de production de contenus étant pratiquement nul (ils n'en produisent aucun) qu'il leur est possible de faire des prix au volume laissant loin derrière la compétition. Le résultat net est que les tarifs publicitaires des médias locaux ont ainsi chuté drastiquement et irrévocablement au fil des dernières années. »

Réduction dramatique des journalistes politiques

L'industrie des nouvelles est en crise profonde partout à travers le pays. Dans un rapport publié en 2017 intitulé The Shattered Mirror, le Forum des politiques publiques a estimé que depuis 2011, il s'est perdu 30 % des effectifs de journalistes au Canada. Depuis 2010, 27 quotidiens et 225 hebdomadaires ont fermé leurs portes. Les revenus publicitaires des quotidiens ont plongé entre 2006 et 2015 de 2,75 milliards à 1,3 milliard de dollars. Google et Facebook se sont emparés de 82 % de ces revenus publicitaires. À titre d'exemple, les membres de la galerie de la presse à Ottawa ont atteint en 2016 son plus bas niveau depuis plus de 20 ans avec 320 membres soit 20 % de moins que son nombre moyen de 379 membres. (Robert Lewis, Power, Prime Ministers And The Press. The Battle for Truth on Parliament Hill, Toronto, Dundurn, 2018, 378 p.)

Cela n'est pas sans conséquence pour nos débats démocratiques. Si l'on prend par exemple comme point de repère la participation aux élections générales, nous remarquons que lors du passage du père de l'actuel premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau, le taux de participation électorale avoisinait 75 % alors qu'en 2008, le gouvernement conservateur de Stephen Harper a été élu avec un taux de participation de 59 %. Cela s'est légèrement amélioré en 2015 alors que le succès de l'actuel premier ministre canadien, Justin Trudeau, a fait sortir le vote des jeunes et a permis de renouer avec un taux de participation de 68,5 %.

Des médias en crise sont-ils encore puissants ?

Avec la crise des médias traditionnels et l'émergence de nouvelles plateformes comme Facebook et Google qui se disent seulement des diffuseurs et qui permettent de publier des idées fausses et des nouvelles sans fondements et sans vérifications, le pouvoir des médias sur la formation de l'opinion publique et sur l'orientation des conversations démocratiques est moins évident qu'auparavant, même si ces médias sont toujours aussi présents. Le dévoilement de l'affaire SNC-Lavalin par le Globe and Mail et la couverture de presse hystérique des médias anglophones de cette affaire prouve hors de tout doute que les médias sont encore capables d'influer et de créer des courants favorables ou défavorables dans l'opinion publique. Le résultat des derniers sondages électoraux canadiens avec la descente des libéraux de Justin Trudeau aux enfers au profit des conservateurs d'Andrew Scheer est éloquent.

Quel avenir pour l'information ?

Néanmoins, il faut être fortement préoccupé comme société de l'affadissement d'une presse libre, diversifiée et démocratique sur le plan de notre vitalité démocratique. S'il est vrai que les mesures annoncées par les gouvernements du Québec et du Canada pour venir en aide aux quotidiens imprimés du pays et aux quotidiens régionaux au Québec peuvent se comprendre dans un tel contexte, il demeure néanmoins qu'il est préoccupant que cette volonté de préserver une presse libre et une presse régionale vigoureuse ne soit pensée qu'en fonction de la crise du modèle d'affaires des médias traditionnels. Je crois que les médias électroniques ainsi que les médias Web comme EstriePlus.com mériteraient aussi un appui financier. J'écris aujourd'hui ma 300e chronique dans le journal Internet EstriePlus.com et cela est possible parce que des gens ont cru à ce modèle d'affaires qui est loin d'être le pactole. Pourtant, je crois que dans ces 300 chroniques écrites, j'ai contribué aux débats démocratiques en adoptant le point de vue de quelqu'un qui vit dans une région du Québec au Canada.

C'est pourquoi je crois que l'aide financière des gouvernements aux médias devrait être dirigée non pas vers le sauvetage d'un modèle d'affaires en déclin, mais plutôt à la faveur d'une presse libre, critique et aussi régionale. Dans une telle perspective, mon journal EstriePlus aura aussi droit à sa part pour témoigner de la reconnaissance de la société envers le travail qu'il fait dans notre communauté. C'est à ce prix et dans cette vision des choses que nous aurons droit encore à un pouvoir équilibré de la presse sur l'opinion publique... De tous nos médias sur l'opinion publique !


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