« En temps de crise l'humanité a la capacité de faire de grandes choses en commun et la gériatrie ne sera plus jamais la même à cause du COVID 19. »
Le Dr Christian Campagna est président de la Fédération des médecins résidents du Québec avec une spécialité en gériatrie et termine actuellement sa résidence au CHUS de Sherbrooke. Natif du Nouveau-Brunswick et établi en Estrie depuis 6 ans, il est au cœur des enjeux actuels, puisqu'il travaille avec la clientèle la plus touchée par la COVID-19. EstriePlus a discuté de la situation avec lui.
Pour le Dr Campagna, à l'heure actuelle les estriens se doivent d'être optimistes puisque la progression du nombre de cas semble avoir plafonné.
« Je ne sais pas ce que l'on aurait pu envisager au début quant au nombre de personnes qui seront atteintes de la COVID-19, puisque que l'on ignorait toujours disons la ‘'vitesse ‘' de contamination du virus, on s'est rapidement rendu compte qu'une personne infectée pouvait à elle seule en contaminer plusieurs, et ce rapidement. Chez nous en Estrie le nombre de personnes contaminées a explosé très rapidement ce qui nous plaçait juste derrière Montréal (où 6228 personnes sont infectées à l'heure actuelle); aujourd'hui nous sommes au cinquième rang! La bataille est loin d'être gagnée; on ignore ce que nous réserve la semaine prochaine, cependant on se doit d'être rassuré par ses chiffres là. Nous ne sommes pas dans une courbe exponentielle de la contamination; nous avons la chance d'avoir encore des capacités de soins intensifs et des capacités d'hospitalisations qui sont bien présentes », explique le jeune médecin.
Les québécois n'ont pas été confrontés à un tel ennemi depuis le siècle dernier, mais font preuve d'entraide et de débrouillardise. Le Dr Campagna n'est nullement surpris de l'attitude de solidarité des citoyens. « Je m'attendais à cette réponse-là, je ne suis pas surpris. Je viens d'une communauté francophone de culture acadienne et québécoise où les gens n'ont pas peur de leurs idées. Ils sont capables de travailler avec des idées qui prennent souvent toutes sortes de direction, ils ont leurs opinions et c'est ce qui fait la force du Québec à travers du Canada. »
« Le Québec a encore cette capacité-là de se regrouper derrière un objectif commun malgré ce contexte de mondialisation », souligne-t-il.
Plusieurs personnes s'inquiètent de l'après pandémie craignant une certaine forme de psychose collective face à une deuxième vague. Pour le Dr Campagna une fois la première phase passée, il faudra demeurer très discipliné. « La façon dont les gens demeureront disciplinés en continuant d'appliquer les règles mises en place jouera un grand rôle. Lentement les gens vont reprendre confiance et c'est là qu'il faudra faire attention pour maintenir nos bonnes habitudes. Pour faire une curieuse analogie c'est comme quelqu'un qui arrête de fumer pendant des mois ...la pire chose à faire après des mois sans fumer c'est d'en refumer juste une! »
Avec la situation qui s'avère critique dans plusieurs CHSLD du Québec où on compte de nombreuses victimes, le gériatre croit que des leçons en seront tirées. « On ne peut qu'être désolé par ce qui s'est passé et on ne peut maintenant que réparer les pots cassés, mais surtout on se doit de profiter disons de cette mauvaise expérience pour fortifier encore plus les autres milieux. Nous sommes quand même chanceux ici en Estrie; le nombre de décès est demeuré relativement bas, la situation est beaucoup moins pire et alarmante que dans d'autres régions. Chose certaine notre rôle de gériatre (il y en a moins de cent au Québec) sera modifié et bonifié à jamais avec l'expérience vécue de cette contamination ».
Qui des premiers ministres François Legault ou Justin Trudeau a raison sur la perspective d'un déconfinement à court terme d'après lui.
« Je pense qu'ils disent à peu près la même chose, c'est la manière de formuler leur réponse qui se veut différente. Cependant tous les deux ont la volonté que nous puissions retrouver nos libertés sociales de se déplacer de se rencontrer ...d'avant. Mais en même temps la logique et la science nous dit que cela ne sera pas sécuritaire avant que le vaccin ou un traitement ne soit trouvé. D'ici là il n'y aura pas de risque sécuritaire mais seulement des risques calculés! »
Le nombre de personnes atteintes de la COVID-19 est passé à 721 sur le territoire du CIUSSS de l'Estrie-CHUS au cours des dernières heures. L'Estrie passe donc au cinquième rang des régions les plus touchées au Québec avec dix-sept nouveaux cas.
